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Lettre ASAF 13/03 - Opex et Livre blanc


Des opérations extérieures toujours différentes

Au Mali, pas de coalition comme en Afghanistan ; c’est la France, qui, engagée à son initiative, conduit l’opération. A la différence de l’opération Harmattan en Libye, elle a déployé des troupes au sol afin de contrôler le terrain et espérer ainsi aboutir à une solution politique acceptable. Pour qui s’intéresse un tant soit peu à l’histoire militaire, depuis des siècles chaque guerre s’est révélée différente de la précédente. Alors, quel crédit donner à ceux qui se targuent de prédire et de décrire les prochains conflits et les moyens qu’ils impliqueront ?

 

Lettre ASAF 13/03 - Opex et Livre blanc

Des opérations extérieures toujours différentes

Au Mali, pas de coalition comme en Afghanistan ; c’est la France, qui, engagée à son initiative, conduit l’opération. A la différence de l’opération Harmattan en Libye, elle a déployé des troupes au sol afin de contrôler le terrain et espérer ainsi aboutir à une solution politique acceptable. Pour qui s’intéresse un tant soit peu à l’histoire militaire, depuis des siècles chaque guerre s’est révélée différente de la précédente. Alors, quel crédit donner à ceux qui se targuent de prédire et de décrire les prochains conflits et les moyens qu’ils impliqueront ?

 

Diversité et complémentarité des moyens

L’opération Serval met en œuvre une grande diversité de capacités militaires très complémentaires et parfois étroitement imbriquées : renforcement et relève de certaines forces spéciales déployées avant le déclenchement de l’opération par des unités à la fois plus puissantes et nombreuses nécessaires au contrôle des « zones libérées » ; coopération entre les forces aériennes et celles au sol, entre les aéronefs de l’armée de l’Air, les hélicoptères armés de l’armée de Terre, dont le guidage est assuré parfois par un « Atlantique 2 » de la Marine.

Pas de coup d’arrêt aérien en début d’opération sans guidage au sol, sans avions ravitailleurs ni sans une solide base aérienne à N’Djamena; pas de projection de forces terrestres en urgence sans avions gros porteurs ; pas de manœuvre audacieuse et de destruction de l’ennemi sans renseignements précis transmis et exploités aussitôt par des commandos, par un groupement terrestre tactique, par le groupement aéromobile ou par une patrouille d’avions d’attaque au sol ; enfin, pas d’action dans la durée sans une logistique puissante et organisée, intégrée aux unités de combat.

Faire la guerre avec les moyens du moment

Cette opération dont les Français ne mesurent pas toujours la complexité a été conçue et préparée depuis plusieurs mois ; elle a été adaptée en permanence pour prendre en compte les évolutions et les intentions de l’ennemi ; mais elle a été exécutée avec les seuls moyens dont disposaient les armées lors de son déclenchement.

Les hommes sont ceux qui ont été recrutés, formés, entraînés, aguerris dans d’autres opérations depuis des années ; certains matériels sont très performants mais en nombre réduit : Rafale, hélicoptères d’appui-protection Tigre, véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI). D’autres hélas, en grand nombre ont entre 30 et 45 ans d’âge : VAB, ERC 90 et Gazelle pour l’armée de Terre, ou avions de transport tactique Transall et ravitailleurs C-135.

Les retards accumulés depuis des années, consécutifs aux incessantes réductions budgétaires depuis 30 ans, s’avèrent dramatiquement pénalisants au moment où se décide le combat.

Sans l’avion de transport à capacité stratégique A-400M, il faut se satisfaire du bon vouloir de certains de nos alliés qui disposent d’avions cargo C-17 et louer des Antonov 124 aux Ukrainiens.

Ne possédant que deux drones Moyenne Altitude Longue Endurance (MALE), insuffisants pour surveiller en permanence les immenses étendues du Nord Mali, la

France est condamnée à recourir aux moyens de renseignements américains !

Le Livre blanc pour préparer demain

Il vient d’être rédigé et remis au président de la République. Souhaitons que les membres de la commission qui l’ont rédigé aient pu mesurer ce qu’une telle opération exigeait d’anticipation dans la préparation, l’équipement et l’entraînement des forces. Ce que la France a réalisé prouve l’excellence de ses soldats, marins et aviateurs et montre ce que notre armée est encore capable de réaliser. C’est le résultat des efforts des décennies précédentes.

Le Livre blanc 2013 définit le cadre dans lequel sera bâtie la loi de programmation militaire (LPM) qui attribuera les ressources financières aux armées pour les cinq années à venir.

Il s’agit donc bien là d’un engagement pour préparer l’armée de demain et pas seulement pour remettre à niveau celle qui conduit l’opération en cours.

Responsables personnellement

Aussi, la responsabilité qui pèse sur les membres de la commission du Livre blanc, sur les députés, les sénateurs, les ministres concernés du gouvernement et sur le président de la République est considérable et personnelle. En effet, les décisions qui sont en train d’être prises vont conditionner l’indépendance de la Nation et la défense des Français pour les décennies à venir.

Nul doute que le déclassement inévitable de notre armée, qui résulterait de choix budgétaires erronés privilégiant le court terme et la facilité au détriment du long terme et de l’effort indispensable pour garantir les fonctions régaliennes de l’Etat, entraînerait une condamnation sans appel et une sanction vigoureuse de ceux qui auraient ainsi failli à leurs premières responsabilités !

LA RÉDACTION