AUDITION de M. Patrick CALVAR, Directeur général de la sécurité intérieure à la Commission de la défense nationale et des forces armées.

Posté le samedi 28 mai 2016
AUDITION de M. Patrick CALVAR, Directeur général de la sécurité intérieure à la Commission de la défense nationale et des forces armées.

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 10 mai 2016

Audition de M. Patrick Calvar, directeur général de la sécurité intérieure

(Extraits)




La France, pays le plus menacé.

«  La France est aujourd’hui, clairement, le pays le plus menacé. Je vous rappelle qu’un des numéros de la revue francophone de Daech, Dar al Islam, titrait en une : « Qu’Allah maudisse la France ». De leur côté, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), en tant qu’organisation héritière du Groupe islamique armé (GIA) des années 1990, considère toujours la France comme l’ennemi numéro un et Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) nous stigmatise de la même façon. La menace est par conséquent, j’insiste, très forte ainsi que l’ont montré les attentats de janvier et de novembre 2015. Elle est très forte également hors du pays ainsi que nous avons pu le constater avec les attentats de Bamako, de Ouagadougou et, plus récemment, de Bassam, en Côte d’Ivoire.

J’évoquerai uniquement ici la menace intérieure même si, du fait de notre compétence judiciaire, nous sommes systématiquement saisis de toutes les actions terroristes commises à l’étranger dès lors qu’un ressortissant français en est victime. À ce titre nous sommes saisis des attentats perpétrés à Tunis, Bamako, Ouagadougou et Bassam.

 

Qui nous menace ?

D’abord les organisations, au premier rang desquelles Daech.
L’autopsie des attaques du 13 novembre révèle qu’elles ont été planifiées en Syrie, menées par des individus qui combattaient dans ce pays, pour certains depuis de nombreuses années et donc totalement aguerris. D’autres y ont été entraînés. Elles ont été le fait d’un mélange de ressortissants français – soit partis de notre territoire, soit résidant à l’étranger, notamment en Belgique –, mais aussi belges et irakiens. Ils ont bénéficié d’une logistique particulièrement importante – passeurs, faussaires établis en particulier en Turquie –, et d’un accueil, d’un hébergement en Belgique, là où ils auraient pu se procurer les armes et les explosifs utilisés sur notre sol.

Je tiens à souligner le fait qu’il n’y avait aucune cellule logistique sur notre territoire, comme l’a notamment montré la fuite d’Abaaoud, qui n’a trouvé refuge qu’en appelant sa cousine à son secours – les travers de celle-ci la menant à sa perte.

 

Les routes utilisées par les terroristes .

Elles ont été variées et nous en ignorons encore certaines – notamment pour ce qui concerne Abaaoud ou les ressortissants européens. En revanche nous savons que la filière des migrants a été utilisée et qu’au moins deux membres du commando sont ainsi entrés en Europe par l’île de Leros. Ils sont arrivés sur notre territoire la veille des attaques. Les véhicules ont été loués en Belgique et les appartements depuis la Belgique. Le délai entre leur arrivée et les frappes a donc été très court. Quant à la volonté de mourir, elle était parfaitement exprimée, comme on a pu le constater, à l’exception de Salah Abdeslam qui a pu s’échapper et d’Abaaoud qui, lui, était vraisemblablement prévu pour accomplir d’autres actions.

Nous savons que Daech planifie de nouvelles attaques – en utilisant des combattants sur zone, en empruntant les mêmes routes qui facilitent l’accès à notre territoire – et que la France est clairement visée. Daech se trouve dans une situation qui l’amènera à essayer de frapper le plus rapidement possible et le plus fort possible : l’organisation rencontre des difficultés militaires sur le terrain et va donc vouloir faire diversion et se venger des frappes de la coalition.

 

Nouvelle forme d’attaque. 
 
Si les attentats de novembre dernier ont été perpétrés par des kamikazes et par des gens armés de kalachnikov ayant pour but de faire le maximum de victimes, nous risquons d’être confrontés à une nouvelle forme d’attaque : une campagne terroriste caractérisée par le dépôt d’engins explosifs dans des lieux où est rassemblée une foule importante, ce type d’action étant multiplié pour créer un climat de panique.

La problématique pour eux est double : il leur faut des artificiers de haut niveau et il faut qu’ils puissent constituer en France des cellules leur permettant de bénéficier de la logistique nécessaire – accueil, armes… Or l’un des problèmes pour nous est précisément leur capacité à se procurer des armes. Un des domaines où l’Europe continentale devrait considérablement progresser est la répression du trafic d’armes. À la suite d’une fusillade survenue dans une école de Dunblane, en Écosse, les Britanniques ont adopté une législation des plus rigoureuses prévoyant des peines très sévères, dissuasives au point qu’il est pratiquement impossible, aujourd’hui, de se procurer des armes à feu au Royaume-Uni.

 

Daech et la France.

Daech dispose d’individus capables de passer à l’action. Les chiffres que je vais vous donner sont les nôtres et ne reflètent pas nécessairement la réalité – parce qu’il y a toujours un chiffre noir que nous ne connaissons pas.

Pas moins de 645 ressortissants français ou résidents en France sont présents dans la zone syro-irakienne. Parmi eux, nous comptons 245 femmes, qui ne participent pas aux combats, et 20 mineurs qui, au contraire, s’y livrent. Ils sont donc moins de 400 à participer à des opérations militaires.
Par ailleurs, 201 individus sont en transit, soit à destination de la Syrie, soit de retour de Syrie pour la France.
Nous recensons 173 Français présumés morts – chiffre sans doute inférieur à la réalité, mais il est très difficile d’obtenir des indications précises du fait des bombardements.
244 personnes sont revenues de la zone syro-irakienne en France.
Enfin, 818 personnes manifestent l’intention de se rendre sur place.

 

Une stagnation des départs et davantage d’intentions de retours.

Nous n’en constatons pas moins une stagnation des départs : il est plus compliqué de se rendre dans la zone concernée et l’on compte beaucoup moins de volontaires car les bombardements ont un effet dissuasif. On assiste à l’inverse à davantage d’intentions de retour sur notre sol mais qui sont entravées par la politique de Daech qui, dès lors qu’ils souhaitent quitter la Syrie, considère les intéressés comme des traîtres à exécuter immédiatement. » …

 

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Source : Assemblée Nationale