AUDITION du général Jean-Daniel Testé, commandant interarmées de l’espace à la Commission de la défense nationale et des forces armées.

Posté le samedi 04 juin 2016
AUDITION du général Jean-Daniel Testé, commandant interarmées de l’espace à la Commission de la défense nationale et des forces armées.

Audition du général Jean-Daniel Testé,
commandant interarmées de l’espace
(Extraits)

 



L’espace est un instrument de politique étrangère, qui confère à celui qui le maîtrise une autonomie d’appréciation, donc de décision. C’est aussi le symbole de la puissance d’une nation, qui atteste de son niveau scientifique, technique, industriel et financier.



D’un point de vue militaire
, l’espace est un multiplicateur de force en ce qu’il nous permet de voir plus loin, de décider plus vite et mieux. La qualité de l’appui spatial contribue directement à la réussite de nos opérations militaires actuelles.

En 2015, nous avons acquis 42 000 images de toute nature sur la surface du globe, ce qui représente environ 120 images par jour, recueillies par l’ensemble des satellites d’observation auxquels nous avons accès.

Nous avons déployé 51 stations de télécommunication par satellite, dans tous les endroits du monde où les forces françaises sont en opération.

100 % des missions que nous avons réalisées – toutes missions confondues, qu’elles soient maritimes, terrestres ou aériennes – ont utilisé le GPS.

67 % des armements que nous avons tirés l’ont été sur coordonnées, c’est-à-dire que l’objectif a été localisé sur des images satellites, et que l’armement a été dirigé au moyen d’un guidage inertiel ou GPS. Nous devons donc reconnaître que les opérations militaires sont très largement dépendantes des systèmes spatiaux.



Si nous refusons toute militarisation de l’espace, nous ne sommes pas naïfs pour autant
.

Utilisant occasionnellement un télescope mis à notre disposition par le CNES et par Airbus afin d’observer l’orbite géostationnaire, nous avons eu la surprise, en examinant des clichés de l’un de nos satellites de télécommunication Syracuse pris en 2011, 2013 et 2015, de découvrir qu’un autre objet, de plus petite taille, se trouvait à proximité – proximité spatiale, s’entend. À ce jour, on ne sait toujours pas ce qu’était cet objet, mais nous avons la certitude que les Russes, les Chinois et les Américains ont mis au point des systèmes destinés à aller observer et écouter au plus près les systèmes spatiaux d’autres pays, ce qui pose de graves questions en termes de sécurité.



Dans le domaine de l’observation spatiale,
la défense dispose d’un accès souverain à l’imagerie optique et d’un accès garanti à l’imagerie SAR (Synthetic Aperture Radar). L’imagerie optique est fournie par deux satellites militaires Helios 2 lancés en 2004 et 2009, et deux satellites Pléiades lancés en 2011 et 2012, qui permettent d’observer de jour dans le visible et de nuit dans l’infrarouge. Offrant un accès en tout temps, l’imagerie radar (SAR) est apportée par les échanges capacitaires avec l’Allemagne, qui nous donne accès au satellite militaire SAR-Lupe et avec l’Italie, qui nous donne accès au satellite militaire COSMO-SkyMed.

Différentes initiatives, notamment celle prise par la France, pour créer un segment commun européen depuis l’initiative MUSIS (Multinational spacebased imaging system) pour la surveillance, la reconnaissance et l’observation, n’ont pas abouti faute de volonté des États membres. Ces difficultés se poursuivant, en 2010, la France a décidé seule du lancement et de la réalisation de satellites de la composante spatiale optique MUSIS – les deux premiers satellites doivent être livrés dans le cadre de la LPM en cours. Elle a ainsi fait évoluer le schéma de gouvernance : alors que le système Helios 2 est en copropriété avec la Belgique, l’Espagne, l’Italie et la Grèce, la France est entièrement propriétaire du segment spatial CSO. Elle a associé l’Allemagne au troisième satellite, commandé en 2015 pour une livraison prévue fin 2021, par le biais d’une contribution financière et d’un échange capacitaire avec les satellites allemands de nouvelle génération SARah.

Participant aussi à l’autonomie d’appréciation de situation en concourant à la stratégie française de dissuasion et de sauvegarde de nos aéronefs, les satellites d’écoute électromagnétique contribuent au cycle du renseignement d’origine électromagnétique, en interceptant les signaux issus des systèmes radar et de télécommunications, en tout temps et en tout lieu. À la suite des satellites Cerise et Clémentine, la défense s’est lancée dans les satellites en grappe, avec les démonstrateurs ESSAIM, puis ELISA – ce dernier étant encore en service actuellement. Après une phase d’expérimentation technico-opérationnelle, le système Élisa est aujourd’hui dédié à une mission pré-opérationnelle, en attendant la mise en service des trois satellites CERES. Nous avons prolongé jusqu’en 2019 la durée de vie du système ELISA, qui aurait dû s’arrêter à la fin des expérimentations en 2014. Le programme CERES (Capacité de REnseignement Electromagnétique Spatiale), prévu pour une entrée en service en 2020, est entré au stade de réalisation début 2015. Premier système opérationnel des forces armées dédié au renseignement d’origine électromagnétique, il permettra de récolter et de localiser à partir de l’espace tous les signaux électromagnétiques émis par les radars et les systèmes de télécommunications.

 

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Source : Assemblée Nationale