DEFENSE : A400M : Sortir de la zone de turbulences.

Posté le samedi 07 novembre 2015
DEFENSE :  A400M : Sortir de la zone de turbulences.

Désormais bien installé à la tête de la division «avions militaires» d’Airbus DS (qui regroupe tous les aéronefs militaires, y compris l’Eurofighter et les drones), Fernando Alonso, ingénieur d’essais navigant diplômé de l’EPNER et ancien “patron” des essais en vol d’Airbus (qui a succédé à Domingo Ureña-Raso il y a moins d’un an), a fait le point sur les activités de sa division lors d’une visite de la Final Assembly Line (FAL) de l’A400M à Séville.

Rappelant toute l’énergie que mettait sa division à se reconcentrer sur le suivi méticuleux des processus de fabrication et à la montée en puissance de l’usine de San Pablo en ce qui concerne l’A400M, Fernando Alonso a précisé que c’est au tournant de l’année que seront rendues publiques les conclusions de l’enquête technique relative à l’accident mortel survenu au 23avion de série lors de son premier vol, en avril dernier. Bousculée un temps par ce grave contretemps, la production de l’A400M, qui avait pris du retard chez Airbus DS, se poursuit toutefois en cette fin 2015 à une cadence nettement plus soutenue et désormais très visible. Dès 2016, trois A400M sortiront chaque mois de la FAL pour être livrés aux clients.

Convoyées il y a peu, dans la soute d’un des cinq A330 Beluga faisant la navette entre les différentes usines de production des sous-ensembles de l’A400M, les ailes des avions MSN043, 044 et 045, produites en Angleterre, sont déjà là, prêtes à être roulées vers le poste de montage initial, tandis que les pointes avant des avions MSN039 et 040, réalisées en France, écrasent de leur masse une cohorte de trains d’atterrissages dominés par les dérives des MSN038 et 041. Des avions destinés à la Royal Air Force, à la Luftwaffe, aux Türk Hava Kuvvetleri, à la Royal Malaysian Air Force et à l’armée de l’Air sont là à divers stades d’assemblage.

En ce qui concerne les livraisons à la France, Tom Enders, dans un courrier répondant à une lettre de Jean-Yves Le Drian, s’est engagé à ce que d’ici à la fin 2016, les appareils attendus par l’armée de l’Air (6 au total) soient livrés. Pour les avions destinés à l’Espagne, à la Belgique et au Luxembourg, il faudra attendre encore un peu, sachant qu’Airbus négocie actuellement avec de nouveaux clients potentiels, en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie avec comme but d’atteindre le seuil de 200 avions commandés avant la fin de la décennie.

Les essais en vol avec trois des prototypes restants, les MSN2, 4 et 6 se poursuivent à un rythme soutenu, afin d’obtenir la qualification du “standard tactique de base” (largage de parachutistes et de fret, plus DASSDefensive Aids Suite System — pour l’autoprotection, en fait le standard OCCAR minimum), dont le retard commence à gêner les utilisateurs de l’A400M, notamment en France, où les sept A400M en service à la 61Escadre de transport d’Orléans font l’objet d’une forte utilisation opérationnelle, avec des capacités limitées aux seuls vols de convoyages à longue distance sans escale. Une activité où l’A400M excelle, non seulement sous les cocardes françaises mais aussi à l’étranger, comme en Malaisie, où le premier A400M livré au printemps (MSN022) a permis un net rapprochement des deux parties du pays, éclaté entre péninsule et nord-Bornéo, et une réelle densification des liaisons aériennes, comme l’a rappelé Stephan Miegel, responsable du suivi des flottes d’avions de transport chez Airbus. La RMAF va recevoir le deuxième de ses quatre A400M commandés en fin d’année.

Au cours de l’année 2015, les seize A400M déjà en service dans cinq pays ont tous participé à des vols de transport longue distance, qui ont démontré les capacités stratégiques du cargo européen. Si la flotte de sept A400M de l’armée de l’Air approche maintenant des 3 000 heures de vol effectuées, dont de nombreux vols vers l’Afrique et un tour du monde complet via Tahiti ; pour l’unique A400M de la Luftwaffe, un vol direct Wunstorf-Dakar avec une masse au décollage de 141 tonnes, suivi du rapatriement d’une cellule de traitement anti-Ebola en une journée, puis un long périple de 23 000 km autour de l’Afrique avec un équipage renforcé a permis d’apprécier le surcroît de capacités qu’offre l’A400M en toute indépendance d’un échelon de soutien lourd au sol. Ajoutons, pour les deux avions turcs, des vols vers l’Afghanistan (transport d’un hélicoptère S-70 Black Hawk), la Guinée équatoriale et les USA, puis pour la visite du président turc en Somalie avec tous les véhicules blindés de l’escorte officielle à bord. Et pour les cinq A400M de la RAF, qui ont franchi le cap des 1 000 heures de vol, des missions à pleine charge vers Chypre, le Canada, les USA, Hawaï, le Groenland, la Scandinavie, l’Islande…

L’avion remporte tous les suffrages auprès de ses opérateurs en termes de possibilités et de disponibilité. «C’est une bonne surprise, après les avatars variés qui ont émaillé les débuts de l’A400M. Et une belle récompense pour Airbus DS», déclare Kurt Rossner, l’actuel chef de programme de cet avion à Séville. Mais, pour Eric Isorce, responsable des essais et des opérations de l’A400M, le travail est loin d’être fini. En plus des vols qualifiants à basse altitude avec utilisation de jumelles de vision nocturne (NVG), une campagne d’essais de poser sur divers terrains sommaires vient de se dérouler dans le centre de la France. Une autre (largages de charges sur palette et de parachutistes) a été menée près de Toulouse.

Le largage simultané de parachutistes par les deux côtés de l’avion a, pour l’heure, été stoppé, en raison des risques de collision en vol apparus du seul fait des importants vortex produits par l’aile de l’A400M. Ce sont ces vortex qui empêchent aujourd’hui l’A400M de pouvoir utiliser ses nacelles de ravitaillement pour réaliser le ravitaillement en vol d’hélicoptères. Des solutions sont actuellement à l’étude pour modifier les nouveaux parachutes EPC de l’armée française, mais aussi pour voir dans quelle mesure l’allongement du tuyau de ravitaillement souple des nacelles Flight Refuelling à 120 pieds (au lieu de 90 pieds actuellement) pourrait permettre de pallier ce problème de turbulences induit sur le rotor des hélicoptères.

L’armée française reste en première ligne face à ces problèmes, alors que se pose celui du coût supplémentaire pour installer en rétrofit des systèmes d’auto-protection. Pour l’heure, seuls trois A400M de la Royal Air Force font l’objet d’une telle opération, l’un de ceux-ci visible sur le parking de l’usine de San Pablo montrait bien en évidence les balconnets nouvellement montés sur les côtés de l’avant du fuselage pour recevoir le “DASS-retrofit”, un équipement essentiel pour les missions conduites en théâtre à risque. La pleine capacité DASS n’est pas attendue avant la fin du deuxième trimestre de 2016, date à laquelle un premier ensemble d’autodéfense complet sera qualifié sur l’avion.

 

Source : TTU

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