INTERVIEW du colonel Luc LAÎNÉ, candidat atypique, aux législatives, dans la 5e circonscription du Var.

Posté le mercredi 07 juin 2017
INTERVIEW du colonel Luc LAÎNÉ, candidat atypique, aux législatives, dans la 5e circonscription du Var.

Il est Saint-Cyrien. A commandé des troupes en unité combattante. A œuvré au sein de l’état-major à Paris, ou à New York, au siège des Nations Unies. Aujourd’hui, après avoir dirigé le 21e RIMa de Fréjus, il est en poste à Draguignan en qualité d’instructeur à l’école d’infanterie.

Une carrière qu’il définit lui-même comme « belle et variée. » Mais qu’il veut agrémenter d’une parenthèse. Politique celle-là. Un champ d’action que Luc Laîné, colonel de son état, maîtrise moins bien que les opérations militaires. Mais il ne lui déplaît pas, de toute évidence, de s’aventurer en terrain inconnu...

Un militaire en activité, candidat aux législatives, ce n’est pas si fréquent...

Non. C’est même particulièrement rare. Cette année, nous sommes quatre ou cinq en France à nous lancer dans cette aventure et c’est vraiment une nouveauté. C’est un retour des militaires en politique, après la rupture qui avait suivi la guerre d’Algérie. La génération d’alors avait été profondément marquée par cette épreuve et cela avait abouti à un divorce entre le monde politique et le monde militaire. Aujourd’hui, le temps a passé et, au sein de la jeune génération, certains veulent s’impliquer.

On peut donc être militaire et faire de la politique ?

Pourquoi nous refuserait-on ce droit ? Nous avons, bien évidemment, un devoir de neutralité de par nos fonctions, comme tout fonctionnaire d’ailleurs. Ainsi, à l’intérieur des casernes, on ne parle pas de politique. Dans l’Éducation nationale, un enseignant qui a des jeunes en charge, peut tout à fait s’engager en politique sans pour autant influencer ses élèves. Je ne vois pas pourquoi les militaires qui, je le rappelle, n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1945, n’auraient pas cette possibilité.

On dit qu’au sein de l’Armée, les idées du Front national sont assez répandues. Info ou intox ?

Comme je vous l’ai dit, on ne parle pas politique dans une caserne. Donc, j’aurais du mal à savoir comment votent les militaires. Ce qui est certain, c’est que l’institution est à l’image de la société française, et on doit y retrouver la même sociologie politique que dans le reste de la nation. Il y a aussi un paramètre déterminant chez les militaires : ils bougent beaucoup et donc, ne sont pas souvent inscrits sur les listes électorales. De ce fait, ils ne font pas partie des gens qui votent le plus.

À quel moment vous êtes-vous décidé à partir dans cette élection ?

J’ai attendu de voir quels étaient les candidats et je me suis décidé tardivement. L’offre électorale locale, et sur ce point, j’ai pris également l’avis de mes amis, m’a parue décevante. C’est ce qui m’a incité à proposer une offre de renouveau à mes concitoyens. Cette candidature est aussi le fruit d’un long cheminement : si le pays allait bien et que j’avais confiance dans nos élus, je serais resté dans mon engagement militaire qui me satisfait totalement. Mais il y a cette perception d’une dégradation du pays.

Vous l’avez dit : l’attentat de Nice, le 14 juillet dernier, vous a profondément marqué...

En effet. A cinquante minutes de chez nous, nous avons été touchés en plein cœur. Pour moi qui me suis engagé à 18 ans pour servir mon pays et défendre mes concitoyens, voir des gens qui sont touchés dans leur chair me pousse à m’interroger : qu’est-ce qu’on a loupé pour en arriver là ? Le militaire que je suis se trouve un peu impuissant. Et je me suis dit qu’il fallait un engagement politique.

Pourquoi ne pas avoir cherché une investiture au sein d’un parti ?

Nous n’avons pas le droit d’appartenir à un parti politique. Ce principe n’est peut-être pas gravé dans le marbre, peut-être que cela évoluera avec le temps. Mais aujourd’hui, c’est ainsi. Et puis, je fais confiance à mes concitoyens pour voter pour un homme et une ligne politique claire et cohérente plutôt que pour un parti.

Si vous étiez élu, vous quitteriez vos fonctions ?

Je me retrouverais automatiquement en situation de détachement, pour la durée du mandat.

Quel genre d’électeurs pourriez-vous convaincre ?

À vrai dire, je n’en sais trop rien. Je pense que les gens savent ce qu’est un militaire, un officier. On incarne certaines vertus de service du pays, de désintéressement car on ne fait pas ce métier pour s’enrichir, d’amour de la nation car on est prêt à donner sa vie pour elle. Et puis, on est reconnu pour notre courage et notre probité. On nous accorde une certaine honnêteté. Et on représente aussi la notion d’autorité. Donc, je propose un profil atypique à mes concitoyens.

Vous pensez que les Français sont en demande d’autorité ?

L’État et la jeunesse en ont besoin. On le voit parmi les jeunes qui viennent chez nous, c’est même ce qu’ils recherchent. Et l’autorité n’est pas l’autoritarisme. ça fait grandir, c’est un service qu’on leur rend.

Mais, par exemple, un « candidat militaire » comme vous peut-il séduire l’électorat féminin ?

Je ne raisonne pas en ces termes. Je suis comme je suis, avec mes qualités et mes défauts. Et les gens choisiront. Ce que je peux dire, c’est que je suis un époux fidèle qui essaie d’être attentionné et un père présent et impliqué dans l’éducation de ses quatre enfants. Ce témoignage de vie est sans doute beaucoup plus parlant que tous les beaux discours sur le féminisme.

Vous avez fait le choix d’un suppléant qui est vigneron de métier. Pourquoi ?

Il m’apporte ce qui, pour moi, est essentiel : la culture de l’entreprise, des PME et du privé. C’est aussi quelqu’un de neuf : il a 31 ans et n’a jamais fait de politique.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Pas le biais d’un réseau d’amis.

Quels seront les principaux axes de votre programme ?

D’abord, l’Europe : je suis pour une Europe des Nations. Clairement, aujourd’hui, on a ceux qui veulent quitter l’Union européenne, et ceux qui veulent une Europe fédérale. Moi, je pense que l’Europe est une chance mais que l’UE l’a un peu pervertie et que l’on doit revenir sur les options qui ont été prises. Ensuite, la nation : je pense que l’on a besoin, pour le vivre ensemble, de partage des valeurs communes. Donc, il ne faut pas s’embarquer dans le communautarisme.
L’économie : il y a deux façons d’aborder cette problématique. Soit c’est l’État qui fait vivre l’économie et on est dans le modèle socialiste ; soit ce sont les entreprises et j’y suis favorable. Je ne suis pas pour autant un libéral, parce qu’un libéral accepte les conséquences négatives de la concurrence.
Enfin, l’État : il a un rôle à jouer pour corriger justement les abus du libéralisme et protéger la personne humaine. Si on laisse l’économie aux mains du libéralisme, l’État disparaît et c’est l’individu qui en paie le prix. L’État est là pour le protéger.

Vous vous lancez en politique. Est-ce pour préparer les municipales de 2020 à Fréjus ?

Non, clairement non. Je fais une offre électorale pour un mandat de député. Je me présente à une élection, je ne me lance pas en politique. Il n’y a aucune arrière-pensée chez moi à ce niveau-là. Et c’est tout le sens de ma démarche : je ne chercherai pas, si je ne suis pas élu, à me présenter à une autre élection. Je reprendrai ma carrière professionnelle avec une petite déception concernant la possibilité de changer le système.

Comment allez-vous financer votre campagne ?

J’ai demandé à mon père de me prêter de l’argent.

On vous imagine mal sur les marchés, en train de tracter ?

Détrompez-vous. J’ai tracté, avec des amis, à Fréjus, au Muy, aux Issambres. C’est une première pour moi, et je trouve cela fort sympathique. Je tiendrai aussi des réunions publiques.

Emmanuel Macron qui remonte les Champs Elysées à bord d’un véhicule militaire, ça vous inspire quoi ?

J’ai cru comprendre que le Président s’était montré attentif à la situation militaire et je trouve ça très bien. Je suis sensible au fait qu’il ait pris à cœur son rôle de chef des armées.

Le favori de l’élection dans notre circonscription ?

Il existe une telle confusion politique qu’il est difficile de savoir qui sortira des urnes le 18 juin prochain.

Et vous, quel résultat vous satisferait ?

Je ne me suis rien fixé. C’est une découverte totale et je n’ai pas de référence puisqu’aucun militaire ne s’est jamais présenté auparavant.


Interview recueillie par la Rédaction de Var Matin

Source : http://www.varmatin.com/politique/legislatives-2017