LIBRE OPINION d' André THIEBLEMONT : Milieu local et culture combattante en soutien d’une refondation éducative.

Posté le mercredi 12 octobre 2016
LIBRE OPINION d' André THIEBLEMONT : Milieu local et culture combattante en soutien d’une refondation éducative.

Pour un rite de passage entre adolescence et citoyenneté. 

 

Face aux attaques de l’ennemi fondamentaliste que vivent tragiquement des Français de toutes origines, analyses et commentaires se succèdent. Les responsables politiques de tout bord, crispant leur attention sur la ligne bleue des échéances électorales, se cantonnent dans des postures réactives et défensives : au coup par coup, chacun y va de nouvelles mesures, la plupart sécuritaires. Mais sur l’horizon national, aucun projet politique, aucune stratégie ne se dessinent qui soient à la mesure du combat à mener.



Refondation éducative et rôle éducatif du local


Il faut à la France une politique intégrale qui combine des voies et des moyens sécuritaires, mais aussi éducatifs, culturels, économiques, tels que soient mobilisées des forces et des ressources qui protègent nos concitoyens, les mobilisent, traquent l’ennemi fondamentaliste, mais l’isolent aussi et, surtout, tarissent le terrain social et culturel qui l’abrite, nourrit ses recrutements et légitime son eschatologie.

A cet effet, et parmi d’autres dispositifs, une refondation éducative doit être aujourd’hui projetée. Trop de nos adolescents sont déshérités, « hors sol », privés de repères et de mythes mobilisateurs, sans autres projets que ceux offerts par les centres commerciaux et les écrans électroniques auxquels ils sont scotchés. C’est sur ce terrain en friche, où prolifèrent l’indifférence et l’« Emoije », que viennent se nicher les prosélytes du fondamentalisme et offrir les séductions de leurs mythes mortifères. Cette déshérence concerne l’école et la famille bien sûr. Pas seulement ! Le local y participe : c’est du territoire, du canton et du village, de la ville et du quartier qu’émergent ces fous qui tuent. Il devient urgent que les élus locaux s’engagent dans une politique d’insertion des nouvelles générations dans la cité.



Jouer des ressources éducatives et sociales du militaire


L’institution militaire et ses satellites devraient leur apporter leurs soutiens : des soldats en activité ou en réserve, des retraités ainsi que les multiples associations que la vie militaire suscite, des combattants d’hier et d’aujourd’hui qui ont soif de transmettre. L’expérience combattante suppose la mobilisation des hommes. C’est de cette exigence que le corps militaire tire de précieuses ressources sociales, éducatives et symboliques. Il serait opportun d’en jouer. Aujourd’hui, la défense nationale concerne tout autant l’intérieur que l’extérieur.  Hier, les fondateurs d’une République qui se voulait pérenne eurent l’habileté d’associer le militaire à l’école pour rassembler une France alors éclatée dans une culture nationale et républicaine. Pour autant, ne reproduisons pas mécaniquement une forme dépassée de service militaire ou national : sa machinerie centralisée et gigantesque appliquée à l’individualisme ambiant produirait de la prévarication, de l’inégalité et de l’anonymat.  En revanche, inventons pour demain en empruntant les voies tracées par ce que fut l’intention socialisatrice du service militaire.

Aujourd’hui, accompagnant une profonde réforme des institutions vouées à l'éducation, l’alliance des ressources du milieu local et du style combattant peut constituer l’atout majeur d’une politique d’insertion des nouvelles générations dans la cité. Sous quelles formes et dans quelles conditions ?


Réinventer un rite de passage


Il faut à la France un dispositif qui tende la main à nos adolescents et contribue ainsi à une politique de reconstruction de la cohésion nationale. Une telle politique devrait mobiliser  les élus locaux, afin qu’ils réinventent un rite de passage qui projette les adolescents de leur cité dans la citoyenneté, tarissant du même coup les ressources qui nourrissent l’ennemi fondamentaliste. Une classe d’âge d’adolescents, c’est peu ou prou 1% d’une population, soit 100 jeunes pour une collectivité de 10 000 habitants. Ce n’est pas la mer à boire ! Que des finances et des énergies locales se concentrent sur cette classe d’âge, qu’elle soit accueillie au seuil de la vie adulte, accompagnée et initiée à la responsabilité durant un an et plus, qu’on salue son entrée dans la citoyenneté à l’issue de ce passage ! A cela, le militaire peut efficacement contribuer.


Des chantiers de la jeunesse


Tout d’abord, offrons aux fils et aux filles de France une expérience forte, qui leur inculque le sens du collectif et de l’effort, la solidarité et le respect de l’autre et qui, si nécessaire, socialise les plus marginaux.

Imaginons les constitués en unités locales mixant les origines, à raison de deux à quatre contingents par an, par exemple. Encadrés par des militaires en activité, des réservistes ou des retraités, ils vivent une aventure collective, intense, durant un, deux, trois mois, par périodes ou non, en métropole ou dans les DOM-TOM. Ils sont hébergés dans des casernes, dans des forts et des navires désaffectés, sur des bases de l’air, dans des immeubles, dans des baraques Filiod, sous la tente, etc. Aux Armées de concevoir, d’organiser et de conduire de telles expériences collectives. Aux élus locaux d’en jouer : mobilisant des énergies locales, ils accueillent les futurs citoyens, ils négocient leur répartition dans ces chantiers de la jeunesse, organisent un tutorat qui les aidera à se projeter dans l’âge adulte.


Une œuvre à accomplir


Nos adolescents ont soif de reconnaissance. A la suite de ces chantiers de la jeunesse, offrons leur une œuvre à accomplir : une œuvre qui les responsabilise, dont ils soient fiers et qui leur procure une reconnaissance locale.

Aux institutions publiques, aux collectivités locales, associations et fondations, etc. de proposer des postes à mi-temps ou à plein temps, le soutien de projets sur six mois, un an et plus, qui conduisent ces jeunes à faire œuvre : au profit des plus démunis, de personnes âgées, d’enfants en échec scolaire, de l’environnement, etc., dans les hôpitaux, dans les Armées offrant leurs ailleurs[1], dans la protection civile, sur le territoire national, à l’étranger. Ces offres d’œuvre sont suscitées, sélectionnées et inventoriées par une direction nationale[2]. Les collectivités locales sont abonnées à ses inventaires. Là encore, c’est dans la proximité du local que cette offre est gérée. Aux élus locaux, d’organiser sa rencontre avec la demande, grâce à la chaîne de générations que constituent des tuteurs locaux : des aînés, des adultes, des anciens. Ceux-ci conseillent les futurs citoyens dans le choix de leur œuvre, ils en suivent l’accomplissement ; tout au long de ce parcours initiatique, ils aident leurs binômes à se projeter vers demain. La classe d’âge arrive à la fin de son rite de passage. Présentée à l’emblème national, elle est saluée, reconnue dans la liesse locale. Comme hier, le salut du village aux conscrits !



Utopies ?


Oui, peut-être ! Il reste que la reconstruction de la cohésion nationale devient urgent, sous peine de libanisation du territoire. Sauf à bricoler en réaction à l’évènement, elle doit être réfléchie aujourd'hui pour être mise en œuvre demain. En soutien des institutions éducatives, le soldat en activité, en retraite ou en réserve devra y être investi. Il  faudra nourrir cette politique par quelques transferts de ressources à imaginer, notamment vers nos armées. Des choix seront à faire au national, mais aussi au niveau local. Leurs orientations devraient être relativement claires : concentrer les deniers et les énergies sur de nouvelles générations de citoyens plutôt que les disperser – notamment, en apportant à une refondation du système éducatif le soutien des capacités éducatives du milieu local et du militaire -, moins d’assistances aujourd’hui pour plus de cohésion demain.




André THIEBLEMONT

 

   


[1] On peut penser ici à une formule de type « volontaire service long » qui permette au jeune volontaire de faire l’expérience d’une opération extérieure.

[2] La Direction centrale du service national  (DCSN) possède encore les méthodes et moyens  nécessaires.

Source : André THIEBLEMONT