LIBRE OPINION : De quel avenir la loi de programmation est-elle porteuse ?

Posté le lundi 18 août 2014
LIBRE OPINION : De quel avenir la loi de programmation est-elle porteuse ?

Des crédits ric-rac, des capacités de réactions diminuées, mais le potentiel opérationnel et industriel de la France maintenu. La loi de programmation militaire, telle qu'elle a été votée, maintient a minima la possibilité d'une remontée en puissance et continue à faire de la France la première puissance armée européenne. Mais cette victoire est fragile.

« Si vis pacem, para bellum ». Telle qu'elle a été construite et votée, cette loi de programmation militaire (LPM) préserve a minima l'ensemble de l'outil militaire et industriel de la Défense même si, déjà, il existe quelques trous dans la raquette capacitaire des trois armées. Car cette LPM a dû tenir compte d'un contexte budgétaire contraint, marqué par le redressement des finances publiques.

Un exercice difficile qui visait à conjuguer l'impossible - souveraineté stratégique et souveraineté budgétaire -, et dont le résultat est dû à l'arbitrage du président de la République. Mais si l'on veut sauvegarder le savoir-faire et les expertises développés depuis les années 60, cette LPM devra être exécutée à l'euro près (190 milliards d'euros courants sur six ans).

Des compétences sur lesquelles la France a durablement investi pour rester un des rares pays ayant la capacité à intervenir n'importe où dans le monde pour préserver ses intérêts. Du coup, cette filière technologique emploie des ingénieurs de très haut niveau et exporte bon an, mal an plus de 5 milliards d'euros d'équipements militaires (commandes), souvent à des pays liés par des partenariats stratégiques.

« Nous avons atteint un équilibre tel que, si l'on enlevait une brique de l'édifice [de la LPM], il s'effondrerait », affirmait le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lors de l'examen de la loi au Parlement, à l'automne dernier.

Des annulations de crédits seraient effectivement très préjudiciables à sa cohérence au moment où de nombreux conflits régionaux à dimension internationale ont éclaté ces derniers mois (Ukraine, mer de Chine, Centrafrique, Mali...).

François Hollande a bien compris les enjeux en soulignant, à la veille du 14 juillet 2013, que « les crédits de la Défense seront, à la différence de ceux de la plupart des ministères, préservés dans leur intégrité. C'est un effort que la nation fait, non pas pour les armées, mais pour sa propre sécurité ».

La composante nucléaire gage d'un statu international

« Cette LPM traduit le maintien de nos ambitions stratégiques sur les trois missions fondamentales de dissuasion, dans ses deux composantes complémentaires (air et mer) de protection du territoire et des populations, et d'intervention sur les théâtres extérieurs », estime le délégué général pour l'Armement, Laurent Collet-Billon.

Sur la dissuasion, la LPM prévoit des travaux d'élaboration de la troisième génération de sous-marins nucléaires, qui seront en service à partir de 2030. Pour la composante aéroportée, qui dispose désormais du potentiel lui permettant de durer jusqu'à l'horizon 2035, deux projets sont actuellement à l'étude pour le successeur du missile ASMP-A. L'un privilégiant la furtivité du missile, l'autre l'hypervélocité de celui-ci, avec des perspectives à Mach 7 ou 8 sur lequel lorgnent les Américains. Enfin, la France veut disposer d'une tête nucléaire modernisée en 2025 pour poursuivre l'amélioration de son armement, notamment dans sa composante de sûreté. Le CEA, qui conçoit et produit cette arme, doit impérativement conserver la maîtrise de compétences rares dans le cadre du programme Epure. Celui-ci vise à la mise en place de moyens expérimentaux et de simulation numérique pour acquérir et valider les données physiques permettant de réaliser des têtes nucléaires, puisque la France a renoncé aux essais atmosphériques. La première phase sera exclusivement française alors que la seconde reposera sur une coopération franco-britannique.

Au-delà de la préparation de l'avenir, le maintien d'une dissuasion nucléaire autonome permet à la France de préserver sa dimension politique à l'international, cohérente avec son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.

Selon le chef d'état-major de l'armée de l'air, le général Denis Mercier, « la dissuasion nucléaire est une mission qui reste toujours d'actualité. Aujourd'hui, cette actualité nous montre combien la possession de l'arme nucléaire est une garantie de sécurité à nulle autre pareille. Les événements qui se déroulent actuellement dans le Caucase en Crimée - autrement dit à notre porte - en apportent une nouvelle illustration. En 1994, l'Ukraine avait renoncé à posséder des armes nucléaires en contrepartie d'engagements sur sa sécurité pris par plusieurs pays, dont la Russie. Nous devons nous poser la question suivante : quelle aurait été la position russe si l'Ukraine avait gardé son armement stratégique ? ».

 Préservation de neuf secteurs industriels

Outre le nucléaire, le ministère de la Défense a fait le choix de maintenir et développer huit autres secteurs industriels. « Pour chacun d'entre eux, il a fallu trouver le juste équilibre entre développement et production, de façon à concilier les impératifs de viabilité de l'activité industrielle avec les contraintes calendaires d'équipement en capacités militaires, précise Laurent-Collet Billon. Nous avons cherché à préserver un niveau minimal pour les bureaux d'études et la chaîne logistique. »

Dans le renseignement et la surveillance, sur lesquels la France a souhaité mettre l'accent, ce sont près de 4,9 milliards d'euros qui sont prévus sur la période, avec un effort particulier pour l'espace, qui recevra 2,4 milliards d'euros. Autre secteur préservé, l'aéronautique de combat et de transport : 4,6 milliards ont été alloués à la poursuite de l'amélioration du Rafale et de ses livraisons, et 3,9 milliards au transport et au ravitaillement pour, notamment, la poursuite des livraisons des A400M et la commande d'avions ravitailleurs MRTT, essentiels pour la dissuasion, en 2014.

Dans le naval, les sous-marins disposeront de 4,6 milliards d'euros avec la poursuite du programme Barracuda, la transformation des bâtiments actuels pour le passage du M45 au M51 et la préparation du futur moyen océanique de dissuasion (FMOD). Les navires de surface auront, quant à eux, 4,2 milliards d'euros alloués à la poursuite des livraisons des frégates multi-missions (FREMM). Le secteur industriel des hélicoptères bénéficiera de 3,7 milliards d'euros qui serviront à financer les livraisons des programmes Tigre et NH90. Le domaine des communications et des réseaux percevra 3,2 milliards d'euros pour la poursuite du programme Contact, la radio tactique de nouvelle génération, et le lancement du satellite COMSAT NG, successeur de Syracuse III.

Le secteur terrestre toujours d'actualité

Dans le domaine missilier, 2,7 milliards d'euros seront consacrés aux missiles, dont la filière sera maintenue avec une trame de programmes nouveaux comme le missile moyenne portée (MMP), le successeur du missile d'infanterie léger antichar (Milan), ou le missile anti-navire léger (ANL), développé en coopération avec les Britanniques.

Enfin, 2,5 milliards d'euros alimenteront le secteur terrestre, qui verra le lancement fin 2014 de Scorpion, un programme essentiel au maintien des compétences de l'industrie terrestre, dont certains préconisaient la vente et/ou le démantèlement. Il comprend trois volets : le véhicule blindé multirôles (VBMR), successeur du véhicule de l'avant blindé (VAB), l'engin blindé de reconnaissance au combat (EBRC), qui remplacera l'AMX 10RC et qui constitue le moyen blindé d'intervention et, enfin, les systèmes d'interconnexion de tous les pions tactiques de l'armée de terre qui lui permettront de changer de siècle.

La recherche & technologie a été une priorité pour la Défense dès le début des travaux d'élaboration de la LPM. Ainsi, les études amont font l'objet d'un effort particulier avec 730 millions d'euros courants par an entre 2014 et 2019, « l'un des marqueurs de cette LPM pour l'armement », rappelle Laurent-Collet Billon.

Un investissement stratégique et absolument critique pour le maintien de la compétitivité de nos entreprises, leur capacité à répondre aux besoins futurs des missions de Défense de la France et de l'Europe et à continuer à exporter des matériels.

Michel CABIROL Source : La Tribune,

 

Source : Michel CABIROL Source : La Tribune,