LIBRE OPINION : La France espère réussir à vendre le Rafale à l’Egypte

Posté le samedi 07 février 2015
LIBRE OPINION : La France espère réussir à vendre le Rafale à l’Egypte

par Nathalie GUIBERT et Dominique GALLOIS : le Monde - (Adressé par Elie Billaudaz).

Ce serait la vente d’armes la plus rapidement conclue de l’histoire des exportations de défense françaises, selon les sources diplomatiques engagées dans le dossier. La France serait sur le point de conclure avec l’Egypte un plan de financement pour lui vendre 24 avions de combat Rafale, ainsi qu’une frégate multimission FREMM. Le marché est évalué entre 3 et 6 milliards d’euros, dont Paris garantirait une partie, selon le quotidien Les Échos du vendredi 6 février. Selon nos informations, l’accord formel pourrait même être signé dès la semaine prochaine. Si les discussions aboutissent, ce contrat d’armement serait une heureuse surprise, alors que le ministère de la Défense attendait d’abord de conclure une première vente du Rafale avec le Qatar pour 36 appareils, suivi de l’Inde pour 126. « Ce serait du jamais vu », indique-t-on à Paris, car l’affaire égyptienne serait ainsi bouclée en trois mois. Cela étant, la vente du Rafale à l’exportation a déjà été annoncée à plusieurs reprises, sans que jamais cela ne se concrétise.

Renforcer la défense aérienne

Avec l’Égypte, tout s’est accéléré à l’automne, lors de la venue à Paris du président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, venu rencontrer le président François Hollande. L’enjeu de la visite était la dégradation de la situation en Libye, Paris et Le Caire redoutant que l’ancien fief de Mouamar Kadhafi bascule sous le contrôle des groupes armés djihadistes. Dans l’affaire, les très bonnes relations qu’entretiennent M. Sissi et le ministre de la défense français, Jean-Yves Le Drian, comptent. Contrairement aux usages du protocole, le chef de l’Etat égyptien est même allé discuter avec le ministre dans ses bureaux de l’hôtel de Brienne à Paris. À cette occasion, M. Sissi a fait part de sa volonté de renforcer sa défense aérienne, composée notamment de Mirage-5 et Mirage-2000, en achetant 24 Rafale. Une première manifestation d’intérêt pour le chasseur de Dassault avait été émise en 2011, sans que Paris ne donne vraiment suite. Côté marine, l’armée égyptienne, qui a déjà signé à l’été 2014 l’achat de quatre corvettes Gowind de DCNS pour un total estimé à 1 milliard d’euros, souhaiterait en acquérir deux autres, mais aussi un ou deux bâtiments plus importants que sont les FREMM. À cela s’ajouteraient des missiles de courte et moyenne portée fournis par MBDA, pour un contrat de l’ordre de 400 millions d’euros en faveur de la défense antiaérienne égyptienne.

"Je reviens dans trois jours "

Le 26 novembre, lors de son dernier passage à Paris, le président Sissi a insisté sur l’urgence de sa demande, d’autant qu’il souhaiterait présenter ces nouveaux équipements en août prochain pour l’inauguration de l’élargissement du Canal de Suez. « Je reviens dans trois jours », aurait-il dit pour signifier la nécessité d’aller vite. Une très importante délégation d’une quinzaine de militaires égyptiens est à cette occasion restée plusieurs jours à Paris pour discuter avec les industriels. D’ailleurs, il mène en personne les discussions, accompagné d’un haut gradé. Une exception dans ces dossiers généralement négociés par de nombreux intermédiaires. C’est ainsi qu’à sa demande, voici une quinzaine de jours, les trois patrons français concernés, Eric Trappier pour Dassault Aviation, Hervé Guillou pour DCNS, et Antoine Bouvier pour MBDA, se sont envolés pour Le Caire pour répondre à sa convocation.

Garantie française

Reste maintenant à financer ce marché. L’Égypte ferait appel aux Émirats Arabes Unis et à l’Arabie Saoudite. Selon Les Échos, le ministère français des finances aurait accepté que l’assureur-crédit Coface garantisse les contrats pour environ 50 %. Le Caire avait auparavant réclamé entre 80 % et 90 % de garantie du montant hors acompte. Le plan de financement pourrait être bouclé cette semaine, affirme le quotidien économique. Un pool bancaire serait constitué, rassemblant BNP Paribas, Société Générale, Crédit agricole. La concrétisation de la vente débuterait avec le versement de l’acompte par l’Égypte, évalué à 500 millions d’euros. En dépit de ses relations privilégiées avec les États-Unis, l’Égypte est un client modeste mais historique des industriels de l’armement français. Entre 2009 et 2013, elle a commandé pour près de 250 millions d’euros d’équipements. L’armée de l’air a acquis son premier Mirage 3 au lendemain de la guerre des six jours, en juin 1967. Elle a aussi été le premier client à l’exportation du Mirage 2000, pour vingt exemplaires en décembre 1981. Ce prédécesseur du Rafale était à l’époque qualifié d’invendable…

Nathalie GUIBERT et Dominique GALLOIS

 

Source : Le Monde