LIBRE OPINION : La Marine nationale est à « flux tendus » selon son chef d’état-major

Posté le jeudi 16 octobre 2014
LIBRE OPINION : La Marine nationale est à « flux tendus » selon son chef d’état-major

Par Laurent Lagneau, le 15-10-2014 - Zone Militaire - opex360.

Les zones de crise ne manquent pas actuellement. Et, au cours de ces derniers mois, les marins ont été à hue et à dia. Et les missions, qui vont du recueil de renseignement à la lutte contre la piraterie en passant par celles relevant de l’action de l’État en mer s’enchaînent.

Méditerranée orientale, Golfe arabo-persique, Océan indien, mer Noire (avec le navire-espion Dupuy-de-Lôme, qui a pointé ses capteurs vers l’est de l’Ukraine et le nord de l’Irak), évacuation de ressortissants français en Libye, opération Corymbe dans le golfe de Guinée, où le nombre d’actes de piraterie est en forte augmentation (169 constatés en 2013, presque 3 fois plus par rapport à 2010), etc…  Bref, comme l’a souligné l’amiral Bernard Rogel, son chef d’état-major (CEMM), devant les députés de la commission « Défense », la Marine nationale a des moyens déployés « sur quatre zones (…) alors que (…) le Livre blanc n’en prévoyait que deux ».

Et c’est sans compter la participation de la Marine nationale aux opérations extérieures (Barkhane, avec les commandos marine, Chammal, avec un Atlantique 2 et la frégate Jean Bart) ainsi que sa contribution aux missions de protection et de sécurité avec la lutte contre l’immigration clandestine, que ce soit en Méditerranée ou à Mayotte, la neutralisation d’engins explosifs (2.000 ont été déminés sur les 8 premiers mois de l’année et leur nombre augmente en raison des « besoins croissants dus à l’arrivée des industries hydrolienne et éolienne), la lutte contre le narcotrafic (36 tonnes de stupéfiants saisies en 2 ans), la police des pêches (400 procès verbaux dressés en un an) et, enfin, la surveillance des menaces contre l’environnement.

« À l’heure où je vous parle, 6 000 marins sont en mer, quarante-cinq bâtiments sont déployés en opération, mission ou préparation opérationnelle, soit environ la moitié des bâtiments de surface et sous-marins en possession de la marine », a ainsi résumé l’amiral Rogel. Et ce dernier de s’inquiéter d’un « suremploi de nos forces sur 4 théâtres d’opérations au lieu de 2″,  a ainsi affirmé le CEMM.

En outre, si la Marine nationale poursuit sa modernisation (arrivée des Frégates multimissions, ou FREMM, par exemple), elle doit souvent se séparer de bâtiments avant l’entrée en service de leurs successeurs. En 2015, elle sera contrainte de désarmer plusieurs navires (TCD Siroco, pétrolier-ravitailleur Meuse, patrouilleurs Albatros, Athos et Aramis, ces deux derniers devant être reversés à la gendarmerie maritime).

« Nous sommes désormais à flux tendus : en 2015, nous n’aurons pas un bateau de plus que le format LPM, et même un peu moins, ce qui provoque des réductions temporaires de capacité. Je serai donc extrêmement vigilant sur la livraison des nouveaux bâtiments et aéronefs », a expliqué l’amiral Rogel.

Par ailleurs, interrogé sur le taux de disponibilité (60% en 2012) des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), le CEMM a admis qu’il était moins bon par rapport aux navires de surface (il est de 90% pour les BPC et de 76% pour les frégates), notamment à cause « du vieillissement du matériel ».

Et d’expliquer : « Si ces SNA ont été prévus pour durer vingt ans, le Rubis en aura trente-huit lorsqu’il sera désarmé. Nous ne pouvons pas faire de miracles, mais nous savons encore entretenir les bâtiments anciens. Les industriels sont naturellement tournés vers l’avenir et le vieillissement, accepté dans le programme, nous oblige à conserver nous-mêmes une capacité d’entretien de nos vieux équipements » car on ne peut « pas demander à des industriels de s’intéresser aux ‘armoires normandes’ électroniques d’il y a trente ans ».

Enfin, un autre point délicat pour la Marine porte sur le Maintien en condition opérationnelle (MCA) aéronautique. « Alors que nous battons déjà tous les records d’ancienneté avec l’Alouette 3, le programme de nouveaux hélicoptères légers ne s’engagera qu’à l’horizon 2030. Les Lynx ont commencé à être remplacés mais, du fait de l’étalement du programme FREMM, les NH90 ne pouvant apponter sur les frégates F70 dont la plateforme n’est pas dimensionnée pour cela, nous sommes obligés de garder des Lynx », a ainsi fait valoir l’amiral Rogel.

Source : Zone Militaire - opex360