LIBRE OPINION : Libye : les trois raisons qui poussent Le Drian à vouloir agir

Posté le jeudi 11 septembre 2014
LIBRE OPINION : Libye : les trois raisons qui poussent Le Drian à vouloir agir

Source : l’Express - Date : 9 septembre 2014 - Auteur : Marie Le Douaran

Dans une interview au Figaro ce mardi, le ministre de la Défense alerte sur la situation dans le sud de la Libye qui pourrait, selon lui, avoir des conséquences sur la stabilité de plusieurs pays du Sahel. Jean-Yves Le Drian espère convaincre ses homologues européens de la nécessité d'une action dans le sud de la Libye. La situation en Libye préoccupe la France. Depuis la chute du régime de Khadafi, le pays souffre d'une grave crise politique et d'une flambée de violence dans le Nord, tandis que le Sud du territoire est quasiment hors de contrôle, le tout sur fond de divisions communautaires. Cette crise sera un des sujets évoqués au cours d'une réunion informelle des ministres de la Défense de l'Union européenne, à Milan.Jean-Yves Le Drian espère convaincre ses homologues avec un mot d'ordre: "Nous devons agir en Libye et mobiliser la communauté internationale", explique-t-il au Figaro ce mardi. Pour quelles raisons?

1. La Libye est une "zone de tous les trafics"

"Le sud libyen est une sorte de 'hub' où les groupes terroristes viennent s'approvisionner, y compris en armes, et se réorganiser", explique le ministre de la Défense au quotidien. C'est pourquoi, selon lui, il est important d'intervenir pour juguler ce phénomène. En février, un expert du dossier libyen interrogé par Le Parisien estimait à 4000 le nombre de combattants qui "se promènent en toute tranquillité dans cette zone." En effet, depuis la chute de Kadhafi en 2011, le sud de la Libye -frontalier avec l'Egypte, le Soudan, le Tchad, le Niger et l'Algérie- est une zone particulièrement difficile à réguler, notamment en raison de la porosité des frontières. Le stock conséquent d'armes constitué par Khadafi et les largages effectuées par la coalition occidentale à destination des insurgés constituent une manne pour les divers groupes armés. "L'ouverture des frontières après 2011 a également constitué une opportunité particulièrement lucrative pour les particuliers désireux de se lancer dans le trafic d'armes", notait le Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (Grip) début août. Des armes d'origine libyenne auraient ainsi été retrouvées dans plus de 12 pays, principalement l'Algérie, le Niger et leMali. Mais des groupes djihadistes, tels AQMI ou Boko Haram, ont également profité de cette dissémination, explique encore le Grip.

2. La Libye est une charnière entre le Proche-Orient et le Sahel

"Je crains qu'il y ait des jonctions entre les différents califats. En Centrafrique, nous agissons aussi pour éviter qu'un vide sécuritaire se forme, ce qui ne manquerait pas d'avoir des effets dans la région au nord du Cameroun ou du Nigeria, où Boko Haram s'est, lui aussi, érigé en califat", détaille Jean-Yves Le Drian, interrogé sur les ramifications de l'Etat islamique jusqu'au Sahel. C'est encore une fois la question de la stabilité de deux régions charnières -Proche-Orient et Sahel- qui est en jeu. Sur la carte, la zone de combat de l'Etat islamique, à cheval sur l'Irak et la Syrie, semble très éloignée du califat de Boko Haram, au nord du Nigeria. Cependant, le spécialiste du Nigeria Marc-Antoine Pérouse de Montclos note une internationalisation du mouvement Boko Haram, notamment depuis une attaque contre les bureaux de l'ONU à Abuja en 2011: pour lui, cela signifie "que la secte va vraisemblablement chercher à étendre ses opérations en dehors du Nord musulman."

3. La situation menace le Mali

"Rappelons-nous ce que nous avons collectivement entrepris et réussi au Mali (...) La dégradation de la situation sécuritaire en Libye pourrait entamer cet acquis", analyse le ministre de la Défense, qui a participé au lancement de l'opération Serval en janvier 2013. Depuis le 1er août, Serval a laissé place audispositif "Barkhane" dans le nord-Mali, qualifié par le ministre de "rempart de l'Europe face au djihadisme du Sahel". La zone est toujours sensible: des discussions de paix ont pu être organisées avec Bamako, note RFI, mais trois des six groupes qui ont pris les armes estiment qu'ils sont seuls à pouvoir négocier. Un an après l'élection d'Ibrahim Boubakar Keita, l'équilibre est donc encore fragile.

 

Source : l'Express