LIBRE OPINION : Modernisation de l'armée polonaise : la crise en Ukraine fragilise les positions françaises

Posté le jeudi 04 septembre 2014
LIBRE OPINION : Modernisation de l'armée polonaise : la crise en Ukraine fragilise les positions françaises

Airbus, MBDA ou encore Thales sont en lice sur les méga appels d'offres de Varsovie. Washington déploie sa diplomatie et la vente des BPC à la Russie joue contre la France. Airbus pour les hélicoptères, le tandem MBDA/Thales pour la défense anti-missile ou encore DCNS pour les sous-marins : les grands noms de l'armement français sont mobilisés comme jamais pour tenter de remporter quelques uns des grands appels d'offres en cours ou en préparation en Pologne, Varsovie ayant fait de la modernisation de son armée une priorité nationale. Tous ont mis le paquet au salon MSPO près de Kielce, dans le sud du pays, qui a ouvert lundi.

La Pologne a lancé un « vaste effort de modernisation de son armée, et de montée en puissance de son industrie. C'est un projet que l'on partage », a déclaré Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense venu réaffirmer le soutien de la France, invitée d'honneur de cette 22e édition, envers son allié de l'Est. Las, le contexte régional, marqué par l'aggravation de la crise en Ukraine, fragilise les positions hexagonales face aux Etats-Unis. « Washington déploie son rouleau diplomatique », constate, amer, un responsable, sous couvert d'anonymat. L'Ukraine, « c'est LE gros caillou dans notre chaussure », reconnaît un autre. Qui plus est, les Raytheon et autres Sikorsky sont fortement soupçonnés de faire du dumping, comme souvent. « Il va falloir faire un très gros effort sur les prix », déplore, désabusé, un troisième. Enfin, la livraison des navires BPC à la Russie n'arrange pas vraiment les chances françaises, comme le reconnaît a demi-mot Thomasz Siemoniak, ministre polonais de la Défense.

Entre parapluie américain et préférence européenne

Bref, malgré l'excellence des relations bilatérales, cela va être dur de convaincre Varsovie de se passer du parapluie américain pour jouer la préférence européenne. Et ce d'autant plus que Washington préparerait une offre globale incluant tous les matériels en jeu, comme cela a été le cas au Qatar. Pour autant, vu les milliards de dollars en jeu, le camp français est décidé à jouer sa carte à fond en mettant en avant le même argument : chaque appel d'offre est l'occasion de faire de la Pologne un véritable partenaire industriel en installant sur place bureaux d'études, ligne d'assemblage et centre de maintenance, le tout à grand renfort de transfert de technologie et fort du soutien plein et entier des autorités françaises. « Nous sommes prêts à partager comme jamais », a assuré Antoine Bouvier, le PDG de MBDA, à Thomasz Siemoniak à qui il a vanté les vertus de son système anti-missile SAMP/T, arrivé en finale face au Patriot de Raytheon. « C'est une opportunité unique pour la Pologne d'être leader dans ce domaine », a-t-il ajouté un peu plus tard lors d'une conférence de presse.

L'argument portera-t-il au moment où Washington déploie des batteries de Patriot en Pologne pour protéger son allié ? Pas sûr. « Il est temps pour la Pologne de rejoindre les pays stratégique d'Airbus Group », a pour sa part déclaré Guillaume Faury, le PDG d'Airbus Helicopters. L'ex-Eurocopter n'a pas vraiment le choix : les grands appels d'offres militaires sont rares, et celui de la Pologne en fait partie. Mais elle part de loin : quelques centaines d'emplois dans le pays (majoritairement chez son partenaire Safran), quand UTC (maison mère de Sikorsky) emploie au moins 2.000 salariés dans l'aéronautique et a localisé dans le pays la chaîne d'assemblage de ses Black Hawk destinés à l'export. Et que dire de l'Italien AgustaWestland qui, ayant racheté il y a quelques années le seul fabricant local d'hélicoptères polonais, en revendique 3.500...

Auteur : Alain RUELLO

Source : Les Echos

 

 

Source : Les Echos