LIBRE OPINION sur l'audition de Bernard Bajolet : La DGSE veut être moins dépendante des moyens techniques américains (suivie du texte intégral de l'audition)

Posté le jeudi 02 avril 2015
LIBRE OPINION  sur l'audition de Bernard Bajolet : La DGSE veut être moins dépendante des moyens techniques américains (suivie du texte intégral de l'audition)

Par Laurent LAGNEAU  - Zone militaire - Adressé par Jean-François Mazaleyrat

Le projet de loi relatif au renseignement vise à permettre, avec les articles L-851-3 et L-851-4, de recueillir, en temps réel sur les réseaux des opérateurs, la totalité des données, informations et documents en lien avec les communications des « personnes préalablement identifiées comme présentant une menace ». L’objectif est ainsi de pouvoir être en mesure de détecter au plus tôt la préparation d’actes terroristes sur le territoire nationale.

En outre, l’article L-854-1 s’adresse plus particulièrement à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) puisqu’il concerne la surveillance et le contrôle des transmissions qui sont émises ou reçues à l’étranger par des personnes suspectes. « Cet article n’offre aucune capacité nouvelle par rapport à ce qui est aujourd’hui pratiqué et consacré par la jurisprudence de la CNCIS [ndlr, Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité] «, a souligné Bernard Bajolet, le directeur général de la sécurité extérieure, lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense.

« Il indique que les flux que nous interceptons portent sur les transmissions émises ou reçues à l’étranger. Le ‘ou’ est important car cela signifie que ces communications peuvent être des communications mixtes, dont l’un des identifiants est rattaché au sol français », a continué le patron de la DGSE. « Dans ce cas, les conditions d’exploitation et de conservation des correspondances afférentes sont alors celles du droit commun, c’est-à-dire qu’elles sont exploitées dans un centre du GIC [ndlr, Groupement interministériel de contrôle], service du Premier ministre, sous le contrôle de la CNCTR [ndlr, Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, appelée à remplacer la CNCIS] sous réserve que leur délai de destruction court à compter de leur première exploitation », a ajouté M. Bajolet.

Disposer de capacités pour être indépendants

Par ailleurs, M. Bajolet a semblé prendre quelques distances avec les pratiques de la National Security Agency (NSA), l’agence américaine chargée des interceptions électroniques, mise sur le fil du rasoir après les révélations d’Edward Snowden, aujourd’hui réfugié en Russie. Et de plaider pour que la DGSE en soit moins dépendante. « La NSA est tenue d’obéir à la loi américaine, comme la DGSE à la loi française, et il se trouve que la loi américaine n’interdit pas » certaines pratiques, a répondu M. Bajolet à un député. « Cela ne signifie pas que nous les applaudissions, et c’est d’ailleurs pourquoi il est important de doter nos services de capacités qui leur permettent d’être indépendants des Américains », a-t-il fait valoir. « Si nous travaillons certes avec leurs services, l’un de nos objectifs, mis en lumière par l’affaire Snowden, est précisément de nous rendre moins dépendants d’eux et de renforcer la coopération avec nos partenaires européens », a-t-il affirmé.

Partenaires et adversaires

S’agissant de la coopération en matière d’anti-terrorisme, Bernard Bajolet a précisé que la DGSE compte « environ 200 » partenaires, dont des « services extérieurs mais aussi services intérieurs ou encore agences techniques, puisque, dans certains pays, comme les États-Unis ou l’Angleterre, ces agences sont séparées des autres services ». En outre, a-t-il indiqué, elle a également des partenariats avec « des pays que l’on pourrait par ailleurs considérer comme des adversaires ». Ce qui fait dire à son directeur que, « en matière de renseignement, tout le monde est un peu partenaire et adversaire à la fois. Certains sont plus partenaires qu’adversaires, et inversement ». L’équation de Schrödinger appliquée au renseignement... En somme.

Plus loin, M. Bajolet a expliqué que l’efficacité des partenariats en matière de terrorisme « dépend de celle des services » étant donné que « ce n’est pas seulement une question de bonne volonté » mais des « capacités existantes ». « Cette coopération est sans réserve avec nos partenaires européens, dont certains possèdent des capacités remarquables. Elle est très bonne avec nos partenaires américains, comme avec les Five Eyes en général. Nous collaborons aussi avec les services russes, chinois et bien d’autres », a affirmé le patron de la DGSE.

Laurent LAGNEAU

LIRE : Compte rendu de l'audition de M. Bernard Bajolet, directeur général de la sécurité extérieure, sur le projet de loi relatif au renseignement

 

Source : Zone Militaire - opex360