LIBRE OPINION : “Un message de sang”

Posté le dimanche 22 février 2015
LIBRE OPINION : “Un message de sang”

Par François d'Orcival, de l’Institut. « Valeurs Actuelles ».           

La décapitation des coptes égyptiens, les attentats de Copenhague sont autant de “messages” qui appellent la légitime défense…

Le dimanche 15 février, quelques heures après le double attentat de Copenhague, l’État islamique diffuse une nouvelle vidéo, gravissant un degré de plus dans l’utilisation des réseaux mondiaux d’information pour terroriser l’Occident par la sauvagerie. Le long d’une plage de Tripoli défilent sur le sable 21 hommes en tenue orange, les mains liées dans le dos ; chacun d’eux est doublé par un homme cagoulé, dissimulé de la tête aux pieds par un uniforme noir, le poignard dans la ceinture. Les prisonniers en orange sont des pêcheurs chrétiens coptes venus d’Égypte et qui ont traversé la frontière libyenne à la recherche de travail.

C’est là qu’ils ont été capturés par les djihadistes en noir qui portent désormais le label du califat islamique. Les pêcheurs égyptiens ont été ensuite transférés jusqu’à Tripoli pour montrer que la capitale libyenne — “libérée” en septembre 2011 par l’opération franco-britannique — était dorénavant aux mains de l’État islamique, dont les colonnes armées combattent en Irak et en Syrie, dans le Sinaï et maintenant sur les côtes libyennes. La démonstration ne suffit pas : les 21 chrétiens égyptiens doivent s’agenouiller ; dans leur dos se dressent leurs assassins. Les caméras vont filmer l’atroce décapitation collective. Quand la centrale djihadiste la met en ligne, celle-ci est accompagnée de ce sous-titre : « Ceci est un message de sang à la nation de la croix » et « aux fidèles de l’Église ennemie ».

Dès que cette vidéo est rendue publique, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, chef de l’État égyptien, alerté, réunit ministres et chefs militaires. Dans la nuit même, le temps de recueillir suffisamment d’objectifs sur l’ennemi (camps, dépôts, convois), un double raid d’avions égyptiens, escortés par des appareils libyens rescapés de la guerre civile, va frapper en Libye, en ignorant le droit international. Légitime défense, oeil pour oeil, dent pour dent. « L’Égypte et le monde font face à une menace d’une férocité inouïe », dit Sissi à la télévision, avant d’aller, lui le bon musulman, se recueillir à la cathédrale copte du Caire. Les avions sont rentrés à leur base quand le maréchal Sissi reçoit le 16 au Caire le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, pour signer le contrat Rafale…

Une semaine plus tôt, c’est la Jordanie qui était la cible. Les djihadistes avaient fait prisonnier un pilote jordanien qui avait sauté de son avion accidenté (après un raid sur l’Irak). Puis celui-ci avait été mis en cage, filmé et, enfin, il avait été immolé. Pouvait-on faire pire ? Traversé par un haut-le-coeur, le pays n’est alors qu’un cri de colère. Et le roi annonce que ses représailles seront « terribles » à la dimension du crime. Durant les deux jours qui suivent, en engageant tous les avions disponibles, y compris ceux des Émirats, il ordonne 56 raids de bombardements sur les forces djihadistes. Œil pour œil.

C’est donc entre les deux vidéos de l’État islamique, celle du pilote jordanien immolé par le feu, puis celle des chrétiens coptes égorgés, qu’a eu lieu le double attentat de Copenhague. Des dizaines de cartouches d’arme de guerre tirées contre un centre culturel, puis contre une synagogue et des policiers. Deux morts, cinq blessés. Et un pays qui se réveille en ayant soudain basculé de l’état de paix, où tout était toléré dans cette vieille monarchie dont le prince est français, à l’état de guerre et de vigilance, le pays prenant conscience de ses responsabilités de membre de l’Otan et d’être partie prenante, avec ses sept avions de combat basés en Jordanie, de ce qui se jouait là-bas, et qui se joue aussi — et partout — en Europe, sur son sol comme sur le nôtre.

“Un message de sang”. Hélas pas nouveau. On célébrait ce mercredi aux Invalides les obsèques de Philippe Massoni. Un grand flic, né d’une famille corse, policier dans l’âme, familier du renseignement, qui avait travaillé pour Barre, Pasqua, Chirac. Le 25 juillet 1995, il avait été le premier à découvrir le carnage de l’attentat du RER à la station Saint- Michel — huit tués, plus de cent blessés ! Il avait conduit l’enquête, rassemblé des services qui se chamaillaient, pour aboutir à la localisation de l’auteur, Khaled Kelkal, le 29 septembre. C’était un islamiste algérien de 24 ans. Les caractéristiques des Merah, Kouachi, Coulibaly ou du Danois Omar Hamid el-Hussein, 22 ans. Entre Kelkal et ceux-là, seul le mode opératoire a changé. La bombe hier, le fusil d’assaut aujourd’hui, mais l’idéologie est la même.

Kelkal fut tué les armes à la main, comme les autres. Dans nos pays de protection et de convention des droits de l’homme, d’abolition de la peine de mort, l’état de légitime défense est encore ce qui permet à nos institutions, à nos lois et à nos sociétés de résister à l’agression.

Source : Valeurs Actuelles