LIBRE OPINION : Une nation française qui s’étiole, une armée qui décline (Extraits)

Posté le samedi 05 juillet 2014
LIBRE OPINION : Une nation française qui s’étiole, une armée qui décline (Extraits)

Des armées inquiètes

Malgré les réactions fortes des chefs des armées contre les atteintes à la LPM, les encoches, plus modérées, ont eu lieu. Le chef d’état-major des armées exprime à nouveau son inquiétude sur la cohérence des armées et donc sur leur capacité à faire face à toutes les menaces.

Cette inquiétude est partagée par les parlementaires. Ainsi, plusieurs d’entre eux ont exercé le 17 juin 2014 leur droit à vérifier les informations données par Bercy sur le budget de la défense et sur l’attribution des ressources exceptionnelles. Un soupçon de déloyauté de la part de nos élus envers l’administration ?
Ce sont enfin ces élus locaux qui s’inquiètent de la démilitarisation de leur région et de son impact notamment économique… 
Il est vrai qu’entre un quart et un tiers des départements français ne disposent ou de disposeront plus d’une garnison. Le désert militaire s’étend et l’intervention militaire en cas de catastrophe naturelle ou technologique devient de plus en plus aléatoire dans des délais courts. La capacité réduite de l’Etat d’intervenir en tout temps et en tout point du territoire est aussi une forme d’atteinte de notre souveraineté.

Des armées mal administrées : le rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire de mai 2014 (HCECM)
Rapport qui a fait l’objet de peu de commentaires. Surprenant et pourtant.

« Depuis plus de quinze ans, les militaires ont connu une succession de réformes qui ont affecté, à des degrés divers, l’organisation du soutien et la qualité des prestations servies. Auparavant et jusqu’à la professionnalisation des armées, l’administration des militaires était connue pour son efficacité et sa réactivité, notamment parce qu’elle disposait d’une main d’œuvre de qualité et quasi gratuite, de moyens budgétaires moins comptés qu’aujourd’hui et de procédures financières dérogatoires ».

Nous le constatons tous les jours et personne ne voit les améliorations. Au contraire, et la réaction est « on ne peut plus rien faire et cela durera le temps que cela durera ». La démobilisation est forte. La civilianisation des postes n’arrange rien, les compétences n’étant pas toujours au rendez-vous.
Hier, l’administration militaire était un symbole d’organisation. Or le 8ème rapport annuel du remis au président de la République le 7 mai 2014 apporte une vision radicalement différente de l’administration des militaires. De fait, la professionnalisation et les réformes successives, jamais abouties, ont conduit à cette désorganisation qui a remplacé l’homme par la technocratie et la technologie, quand elle fonctionne.
« L’administration militaire, qui a longtemps, notamment durant les années 60, été une sorte de modèle d’efficacité dans la fonction publique, a perdu son avance et a même pris du retard sur ce qui se fait à l’extérieur » (président du HCECM).
Or, son efficacité (ou « gestion administrative des ressources humaines et la délivrance des prestations de soutien individuel et collectif servies en temps de paix ») occupe une place croissante dans l’esprit des militaires et de leurs familles. Elle conditionne la confiance dans le système et donc un plein engagement dans les missions données. Malheureusement, « Le sentiment qui prévaut, depuis cinq ou six ans, est celui d’une dégradation assez générale, amplifiée par les difficultés associées à la mise en œuvre des bases de défense et les défaillances du logiciel de gestion de solde LOUVOIS ».
Composante de la condition militaire depuis l’établissement d’un service régulier de la solde au 14ème siècle, elle est donc devenue une source d’inquiétude qui fait douter de l’efficacité des armées, fragilisant le moral de l’individu et de sa famille.
L’administration des militaires s’est toujours caractérisée par des prestations plus complètes que celles assurées par l’État aux fonctionnaires civils, longtemps délivrées à proximité du militaire et par du personnel de la même armée, et par un service rendu généralement efficace, sinon efficient.
Je reprendrai in extenso le texte suivant du rapport qui reflète parfaitement ce que chacun d’entre nous ressent aujourd'hui. J’invite chacun à lire aussi les propositions de la partie 2.
« Les relations entre les militaires et leur administration reposaient par le passé sur des contacts directs et personnels. Il était facile, pour les militaires qui souhaitaient obtenir une information ou régler un problème, d’identifier au sein de leur formation l’interlocuteur avec qui dialoguer en vis-à-vis.
Réciproquement, le personnel administratif pouvait très facilement contacter directement chacun des militaires soutenus pour les renseigner ou leur indiquer ex ante les démarches à accomplir dans le cadre de la mise en œuvre de tel ou tel processus administratif.
Tous se connaissaient, pour avoir de multiples occasions de se rencontrer, partager la même « culture » et travailler sous l’autorité d’un même commandant de formation qui pouvait en outre aisément intervenir, si nécessaire, pour faciliter en interne le règlement d’un dossier ».

Cette déshumanisation, le flou des relations entre l’administration militaire et les administrés caractérisent désormais les relations entre les militaires soutenus et le personnel administratif surtout si celui-ci ne connaît pas les militaires. Ce qui va être de plus en plus en le cas. Civilianiser les postes administratifs, remplacer par des procédures informatiques, affecter parfois des militaires n’ayant pas connu le corps de troupe (quand les postes sont ouverts), sont les meilleures solutions trouvées pour déstructurer les armées et détruire leur efficacité. Cette action a été en effet bien plus efficace pour affaiblir nos armées qu’une agression militaire traditionnelle !

Source : François CHAUVANCY Colonel (ER) (blog.lemonde.fr)