OFFICIEL : Question de Monsieur Jean-Paul Fournier, sénateur du Gard, au ministre de la Défense sur la dépendance pouvant découler de l’acquisition du futur fusil d’assaut des forces armées françaises auprès d’un industriel étranger ...

Posté le samedi 13 février 2016
OFFICIEL : Question de Monsieur Jean-Paul Fournier, sénateur du Gard, au ministre de la Défense sur la dépendance pouvant découler de l’acquisition du futur fusil d’assaut des forces armées françaises auprès d’un industriel étranger ...

RENOUVELLEMENT DU FAMAS ET INDÉPENDANCE FRANÇAISE

 

M. Jean-Paul Fournier, sénateur du Gard, interroge le ministre de la Défense sur la dépendance qui pourrait découler de l’acquisition du futur fusil d’assaut des forces armées françaises auprès d’un industriel étranger. Le ministère lui répond.

 

Question écrite n° 18955 du sénateur M. Jean-Paul Fournier
publiée dans le JO Sénat du 26 novembre 2015

 

M. Jean-Paul Fournier attire l’attention de M. le ministre de la défense sur le remplacement du fusil d’assaut de l’armée française, le FAMAS, pour faire face aux nouvelles contraintes du combat moderne du fantassin. Inscrit dans la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, ce renouvellement doit intervenir en 2017 et représente un vrai bouleversement puisque la fabrication de l’arme emblématique qu’est le fusil du fantassin n’a jamais dépendu de puissances étrangères et que la France fut même, un jour, selon les vers de Joachim du Bellay, « mère des arts, des armes et des lois ».

Conformément à la réglementation, un appel d’offres européen a été lancé mais deux clauses empêcheraient nos armées de se voir doter d’un fusil d’assaut produit en France. En effet, l’appel d’offres, tel qu’il est rédigé, impose que les sociétés candidates réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 80 millions d’euros, ce qu’aucune société française ne réalise. Chacun sait en effet que les entreprises françaises qui auraient été capables de produire directement ce type d’armement, telle la manufacture d’arme de Saint-Étienne, ont été fermées. Cinq sociétés semblent donc en très bonne position de remporter ce contrat, qui ne concerne pas moins de 90 000 fusils d’assaut. Il s’agit de l’allemande Heckler undkoch, du belge Herstal, de l’italienne Beretta, de la suisse Swiss arms et de l’autrichienne Steyr-Mannlicher. Une société française, Verney Carron, spécialisée dans les armes de chasse et basée à Saint-Étienne a proposé un modèle (FAST) mais son chiffre d’affaires de 12 millions d’euros ne lui permet pas de prendre part a la compétition.
Or les récents événements mondiaux sont là pour rappeler toute l’importance de garder résolument, d’une part nos moyens militaires, mais surtout les moyens techniques et industriels d’assurer à la fois notre propre défense et notre indépendance dans un secteur aussi stratégique. Le refus de livrer les Mistral à la Russie comme cela a été fait récemment est à ce titre très parlant et devrait interroger sur la situation dans laquelle la France se trouverait si demain un fournisseur étranger refusait, pour une question de différend politique, de lui livrer lui aussi des munitions ou équipement militaire. Or c’est la position de la France dans le domaine des équipements de défense et de sécurité qui lui donne incontestablement une puissance et une capacité politique sans commune mesure avec sa taille. Cet avantage semble menacé aujourd’hui, tant la situation encore favorable de notre pays en matière de recherche et d’innovation d’armement semble désormais fragile, au regard du manque d’efforts financiers de la France en la matière, qui la met en situation de décrochage par rapport à nos concurrents.
Il souhaite ainsi demander au gouvernement les raisons qui le pousse à lancer un appel d’offre dont il exclut, d’emblée, par les conditions imposées, les entreprises françaises, dans un secteur aussi stratégique que celui de la défense. Il lui demande, en outre, les dispositions et engagements qu’il entend prendre dans le domaine de la recherche et l’industrie de défense, pour que nous soyons en mesure de garantir durablement, en matière de défense notre indépendance, sans être tributaire des entreprises étrangères.

Réponse du Ministère de la défense publiée dans le JO Sénat du 11 février 2016

Aux termes de la loi n°  2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, actualisée par la loi n°  2015-917 du 28 juillet 2015, la supériorité des combattants au contact sera améliorée par la livraison, à partir de 2017, des premiers des 101 000 AIF (armement individuel futur). L’opération d’armement AIF a pour objet l’acquisition d’un nouveau fusil d’assaut au calibre 5,56 OTAN pour remplacer le FAMAS en service dans l’armée française depuis 1979. Cette acquisition est réalisée conformément au code des marchés publics suivant une procédure de marché négocié avec mise en concurrence et publicité préalable.

Dans le cadre de cette procédure, l’avis d’appel public à la concurrence (AAPC) concernant le premier volet de la commande a été publié le 16 mai 2014 au Journal officiel de l’Union européenne. La date limite de dépôt des candidatures a été fixée au 26 juin 2014 et les offres correspondantes, reçues antérieurement au 1er juillet 2015, sont en cours d’évaluation. Les enjeux de cette acquisition ont notamment conduit à fixer dans les critères de l’AAPC un volume minimum de chiffre d’affaires annuel et des dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement dans un cadre européen. Le critère de chiffre d’affaires exigé des opérateurs économiques candidats à l’appel d’offres est important pour s’assurer de leurs capacités financières à garantir la bonne exécution du marché. Il a été fixé à 80 millions d’euros au regard des estimations relatives au montant et à la durée du marché considéré. Il peut être observé que la fixation d’un tel critère correspond à une pratique habituelle et que cette condition peut être assez facilement satisfaite par les principaux acteurs actuels du domaine. En outre, le code des marchés publics autorise tout opérateur économique à s’associer à des partenaires afin de répondre à cette exigence. Par ailleurs, les dispositions de l’appel d’offres relatives à la sécurité d’approvisionnement ont fait l’objet d’une attention particulière de la part de la direction générale de l’armement (DGA). En effet, le fusil qui sera retenu au terme de la consultation constituera un équipement dont sera doté l’ensemble des armées pour une durée d’au moins 30 ans.

Cet enjeu a conduit la DGA à imposer certaines exigences en matière de sélection des candidatures et de conditions d’exécution du marché. S’inscrivant dans le cadre de la réglementation applicable aux marchés publics de défense et de sécurité, ces dispositions garantissent la sécurité des approvisionnements sur tout le cycle de vie de l’arme, indépendamment de la nationalité du futur titulaire. Sur le fond, aucune disposition du marché relatif à la fourniture des nouveaux fusils ne s’oppose à la participation d’entreprises françaises aux consultations correspondantes, sous une forme ou une autre d’organisation industrielle, dès lors qu’elles possèdent des capacités pouvant être mises en valeur dans cette opération majeure pour nos forces armées. Compte tenu des efforts, notamment financiers, nécessaires pour constituer et maintenir des filières d’approvisionnement nationales, il est indispensable de faire des choix en se concentrant sur les domaines les plus critiques. À cet égard, la loi de programmation militaire mobilise des ressources conformément aux priorités identifiées. En conséquence, dans certaines situations, des fournitures étrangères sont intégrées dans les matériels finaux, pour des raisons d’opportunité, de délai ou de compétitivité. Cette intégration fait à chaque fois l’objet d’une analyse pour mesurer le niveau éventuel de dépendance qui pourrait en résulter et limiter celui-ci. Cette analyse est conduite de manière permanente par la DGA, en fonction de la prospective des besoins, mais aussi des contraintes industrielles et de leur incidence sur les objectifs en matière de défense.

Plus généralement, il convient de rappeler que la loi de programmation militaire a acté la nécessité de conserver les capacités industrielles clefs de la France pour la préservation de son indépendance et de sa souveraineté. Les moyens alloués à la recherche et au développement dans le cadre du budget 2016, largement supérieurs à ceux de nos partenaires européens, témoignent de l’attention portée à la préparation de l’avenir, gage de la préservation de notre base industrielle et technologique qui participe à la souveraineté et à l’autonomie stratégique de la France. Les réussites récentes dans le domaine des exportations, dans de nombreux secteurs, démontrent, s’il en était besoin, la pertinence de cette démarche et de cette volonté, qui sont inscrites dans la durée.

 

Source : SENAT