QUESTION DE DÉFENSE : La droite est-elle capable de s’intéresser aux questions de défense ?

Posté le mardi 10 mai 2016
QUESTION DE DÉFENSE : La droite est-elle capable de s’intéresser aux questions de défense ?

Alors que l’élection présidentielle se profile, aucun candidat potentiel à droite n’a vraiment proposé une vision de ce que doit être la Défense de notre pays pour les années à venir. L’un des favoris vient plutôt de convoquer les militaires au silence, sur un ton qui augure mal de la conduite d’une réflexion urgemment nécessaire, dans laquelle les militaires doivent à l’évidence trouver leur place.

Disons-le tout net : en matière de Défense, la gauche de gouvernement, pressée par les nécessités de la lutte anti terroriste et la fracturation du Moyen-Orient, a pour partie surmonté sa naïveté irénique. Qu’il s’agisse des opérations Serval, puis Barkhane, Chammal ou Sentinelle, en dépit des erreurs et des arrière-pensées, la gauche de gouvernement a pris ses responsabilités. Bien sûr ceci est insuffisant : la politique étrangère française, indissociable de la politique de Défense, entre bons sentiments et néoconservatisme moralisateur, a perdu le peu de cohérence qu’il lui restait. De plus, le refus obstiné et clientéliste de la gauche de gouvernement de réformer le pays en baissant la dépense publique laisse les finances publiques dans un état où l’on peut lire la pauvreté à venir de notre Défense.

Ces tristes réalités étant posées, il n’est pas interdit d’espérer que l’opposition de droite, tout absorbée jusqu’à présent par ses querelles de personnes, plus soucieuse de reprendre le pouvoir que de préparer l’alternance, peu intéressée par un électorat militaire qu’elle croit à tort tellement acquis à sa cause qu’elle se permet de le traiter avec un ton martial et condescendant, va enfin prendre à bras-le-corps les questions de Défense. En effet, notre politique de Défense est confrontée à trois questions cardinales pour les trente prochaines années.

Premièrement, la question nucléaire. Certains prétendants à la magistrature suprême, et à ce titre à la fonction de chef des armées, ont dans le passé émis des doutes quant à la pertinence de la détention de l’arme nucléaire. Ceci est grave. La détention d’une force de frappe crédible, autonome, est le garant ultime de notre survie. Elle est également un des piliers essentiels de ce qui demeure de la puissance de la France, abîmée par trente années d’immobilisme. Notre force de frappe est confrontée à un besoin profond de modernisation qui impliquera nécessairement un effort budgétaire complémentaire substantiel (de l’ordre de 30 milliards d’euros sur 10 ans). Faute de cet effort, la France perdra sa capacité nucléaire, renonçant ainsi à son statut de puissance.

Deuxièmement, la question d’un format d’armée complet. Les succès réels de l’armée française sur les théâtres africain et moyen-oriental ne doivent pas cacher une sombre réalité : de reculs en abandons au cours des quinze dernières années, la Défense française a profondément érodé sa résilience, au point, par exemple, de rendre plus qu’hasardeuse l’éventualité d’ouverture d’un nouveau front en Libye. La Défense française souffre de lacunes capacitaires importantes, qu’il s’agisse de l’armée de l’air, de la marine ou de l’armée de terre qui menacent sa cohérence et sa crédibilité.

Dans le domaine maritime, par exemple, la question d’un deuxième porte-avions, ensablée depuis le début des années 2000, devra être posée, alors que les marines des pays émergents se développent à une vitesse et une ampleur que nul n’avait prévue il y a dix ans et que la marine russe est durablement de retour. De telles lacunes en matière conventionnelle ne sont pas sans effet sur la capacité nucléaire elle-même qui, pour être crédible, doit être le moyen ultime d’une capacité militaire capable de traiter chaque crise à sa juste mesure.

Troisièmement, la question du multilatéralisme en matière de Défense. En ce domaine, la France, ne pourra pas éternellement se satisfaire de l’ambiguïté fondamentale dans laquelle elle se trouve. Revenue au sein du commandement intégré de l’Otan mais manifestement peu soucieuse de fédérer ses alliés pour mener sa guerre contre le terrorisme, ayant sincèrement cru au développement d’une Europe de la Défense dont en réalité personne ne veut, ayant perdu tout leadership au sein d’une Union européenne en crise profonde alors qu’elle est elle-même incapable de réformer son économie, sa position est intenable.

La France devra dire dans quels domaines elle décide et assume d’agir seule, dans quels domaines elle agira de concert avec ses alliés, et quelle place jouera ou ne jouera pas la Défense dans une Union européenne qui ne pourra plus se contenter d’être politique dans les mots. Surtout, elle devra cesser de prétendre que sa sécurité pourra être, même partiellement, assumée par d’autres. A cet égard, si la Défense française pourrait constituer le noyau dur d’une défense européenne, elle devra conserver sa pleine autonomie et les Français devront comprendre qu’en dernier ressort leur sécurité ne dépend que d’eux-mêmes.

Avoir d’abord une vision claire de la place de la France dans le monde.

La réponse à ces questions fondamentales ne se limite pas à la politique de défense au sens strict. Elle exige à l’évidence un réinvestissement budgétaire durable. Surtout, elle commande d’avoir les idées claires sur la place que nous souhaitons pour la France dans le monde. Pour nous l’ambiguïté n’existe pas : la France n’a qu’une place en Europe, la première. La diplomatie française doit être capable de formuler enfin une politique structurée autour de nos intérêts, et renoncer à un dogmatisme moralisateur sans vertèbres et dont beaucoup de pays, à juste titre, finissent par s’exaspérer.

Au total, la droite doit comprendre qu’autour de la politique de défense se nouent des enjeux qui excèdent largement la seule question de la sécurité. Sur le plan extérieur, elle est au cœur de notre rapport au monde et de la politique de puissance et de rayonnement qui doit être celle de la France. Sur le plan intérieur, elle est emblématique du changement de paradigme qu’exige notre pays.

L’heure est venue de remettre au centre du jeu les politiques publiques régaliennes, trop longtemps délaissées au profit du maintien d’un Etat Providence qui a étouffé notre économie et jusqu’à l’esprit de responsabilité qui doit animer le citoyen.

 

Les ARVERNES

 

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, professeurs, essayistes et chefs d’entreprise

Source : L’Opinion