OFFICIEL: Synthèse et propositions du rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire

Posté le dimanche 08 octobre 2017
OFFICIEL: Synthèse et propositions du rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire

HAUT COMITÉ D’ÉVALUATION  DE LA CONDITION MILITAIRE

11e  RAPPORT  (Rapport thématique) de septembre 2017


LA FONCTION MILITAIRE DANS LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE

 

 

Parler de la fonction militaire, c’est d’abord parler de la France, de la République et de son armée.

La fonction militaire est, en effet, au premier rang des attributions régaliennes de l’État puisqu’elle recouvre la défense de la Patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. C’est même, selon Charles de Gaulle, « le premier devoir de l’État »
Dans cette acception, la fonction militaire ne peut être directement l’objet du présent rapport. Elle touche en effet à la stratégie de défense et de sécurité nationale, à la politique de défense et aux voies et moyens de cette politique, sujets qui sont hors du champ de la mission assignée par la loi au Haut Comité d’évaluation de la condition militaire.

Mais la notion de fonction militaire désigne également l’ensemble des militaires qui constituent l’armée de la République, c’est-à-dire les agents publics soumis à l’état militaire et qui sont par suite régis par le statut général des militaires, autrement dit ce que la science administrative qualifie de « fonction publique militaire ». Dans le champ ainsi défini, le choix du thème de ce onzième rapport s’imposait naturellement.  Vingt ans après le début de la professionnalisation mais dans un contexte radicalement différent, marqué, d’une part, par les menaces directes contre notre territoire et la population française, d’autre part, par la remontée en puissance de notre outil militaire (constat que l’ASAF ne partage pas aujourd’hui – note ASAF), il importait pour le Haut Comité de mesurer la place, la perception et l’attractivité de la fonction militaire dans la société française. Tout porte à croire, en effet, qu’à l’avenir les besoins de recrutement et de fidélisation seront plus pressants, que le soutien de la Nation à son armée sera plus nécessaire que jamais, que l’ancrage de la fonction militaire dans l’État et dans la société devra être mieux encore assuré.

 Au regard de ces tendances de fond que le retour à un service national, même de durée courte, ne pourrait d’ailleurs qu’accentuer, la situation actuelle de la fonction militaire comporte nombre d’aspects favorables ou positifs mais la vigilance est de mise sur quelques questions essentielles.

 

1. La fonction militaire a de solides fondements dans notre droit et une bonne assise dans la population française.

a) La base juridique de la fonction militaire c’est d’abord la Constitution : ses articles 5, 15, 20 et 21 et l’exigence constitutionnelle dégagée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-432 QPC de « nécessaire libre disposition de la force armée », lesquels fondent l’état militaire et les sujétions exceptionnelles qu’il implique. C’est aussi la mission définie par la loi en termes forts, dépourvus d’ambiguïté, identiques pour les forces armées comme pour les soldats : « l’armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la Patrie et les intérêts supérieurs de la Nation » (articles L3211-2 et L4111-1 du code de la défense).

Conforme aux responsabilités internationales de la France et aux devoirs de l’État à l’égard des Français, la mission ainsi énoncée constitue la seule mais impérieuse justification de l’état militaire, lequel aux termes du deuxième alinéa de l’article L4111-1 du code de la défense  « exige en toute circonstance esprit de sacrifice pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité ». Si certaines de ces obligations peuvent ne pas être spécifiques à la fonction militaire, les devoirs qui s’imposent à l’état militaire sont d’une autre nature ou d’une intensité toute particulière. Concrètement, aujourd’hui comme hier, ils signifient, tel est le sens profond de l’état militaire, que les soldats français acceptent de mourir au combat sur ordre de leurs chefs, que ces chefs assument la responsabilité d’ordres pouvant conduire des camarades à la mort, que les uns et les autres peuvent, lorsque la mission l’exige, frapper l’ennemi et le tuer.

Le cadre juridique de la fonction militaire c’est, enfin, d’une part, le statut général qui fixe les garanties, les obligations et les compensations applicables aux militaires, d’autre part, le statut pénal spécial qui régit les militaires lorsqu’ils agissent dans le cadre de leur mission.

Ni le statut général, rénové par la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 et complété par la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 qui ouvre le droit d’association aux militaires, ni le statut pénal spécial, tel qu’il résulte en dernier lieu des lois n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 et n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relatives aux affaires militaires et à la responsabilité pénale des militaires, ne requièrent, selon le Haut Comité, d’inflexions ou de corrections. Il en va de même de son unité : le statut militaire de la gendarmerie est la garantie de sa disponibilité et de son efficacité en toutes circonstances et sur tout le territoire. En revanche, le Haut Comité estime devoir réitérer son appel à la vigilance sur deux dossiers importants qui sont pendants et susceptibles, s’ils sont mal appréhendés, d’affecter négativement la disponibilité et l’état militaire :
- l’obligation de transposition de la directive n° 2003/88/CE sur le temps de travail ;

- la nécessité de définir dans la loi et ce, avant le 1er  janvier 2020, un régime juridique permettant, en application de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC, l’exercice par des militaires de mandats de conseiller municipal. 

Enfin, si le Haut Comité suggère que soit réexaminée la problématique de la liberté d’expression des militaires dans les domaines de la réflexion prospective et stratégique en vue d’enrichir les débats si nécessaires en cette matière pour prévenir tout dogmatisme, il va de soi pour lui qu’une éventuelle avancée en ce sens devrait respecter tant l’obligation de réserve que le devoir de neutralité (concernant l’armée d’active uniquement - note ASAF). Il n’est d’ailleurs pas certain qu’une ouverture législative serait requise, les blocages étant surtout d’ordre psychologique et culturel et les leviers étant plutôt dans les mains du commandement et de l’autorité ministérielle.

b) La fonction militaire bénéficie d’une bonne assise dans la population française. Son image dans l’opinion publique, en progression constante depuis 35 ans et encore renforcée depuis les attentats de 2015, a atteint des niveaux élevés (plus de 80 % de bonnes opinions) ce qui place la France au premier rang avec la Grande-Bretagne parmi les grands pays européens. Parallèlement, le temps n’est plus où l’observateur pouvait, sans crainte de se tromper, reprendre à son compte la formule de l’historien Raoul Girardet évoquant la « société militaire ». La baisse des effectifs consécutive à la professionnalisation, la fermeture de nombreuses unités, la suspension du service national auraient pu faire craindre un repli de la communauté militaire sur elle-même, phénomène favorisé par l’apparition de « déserts militaires ». Rien de tel ne s’est produit : 

- si les ménages de militaires comptent plus d’enfants que la moyenne nationale, particularité qui demeure un « marqueur », l’activité du conjoint de militaire ou la recherche d’emploi de ce conjoint constitue le modèle prédominant et traduit des aspirations et des besoins qui sont les mêmes que dans la société civile ;
- le recrutement a dans le même temps remodelé la physionomie de la communauté militaire : plus de femmes, plus de spécialistes, plus de militaires du rang, plus de militaires issus de la diversité et de toutes les catégories socio-professionnelles.

 L’armée de la République est à l’image de la Nation et ce fait constitue, comme le Haut Comité l’a déjà relevé (cf. 9e rapport), un atout de la fonction militaire.

 

2. La réussite des campagnes de recrutement dans les nombreux métiers qu’offrent les armées et la gendarmerie constituent un des sujets majeurs de préoccupation. Pour une large partie des forces, l’impératif de jeunesse impose un important turn over et une ressource à conquérir année après année ; dans le même temps les armées et la gendarmerie ont besoin d’un large spectre de métiers et de compétences, dont certains requièrent de combiner aptitude au combat et capacités techniques, dont d’autres, de haute qualification (aéronautique, numérique…), sont très exposés à la concurrence, dont d’autres, enfin, répondent à la nécessité pour les forces de pouvoir agir en autonomie et de disposer, à cet effet, de leurs propres services et de leur propre soutien. Au regard de ces fortes contraintes, l’attractivité au recrutement s’avère globalement satisfaisante même s’il existe d’indéniables fragilités.

 Les forces ont d’importants besoins de recrutement, même dans les phases de déflation, besoins qu’elles ont toujours été en mesure de satisfaire, y compris dans la dernière période de remontée en puissance (les recrutements sont passés de 20 430 en 2014 à 34 523 en 2016). Cette réussite doit être saluée comme doit l’être celle de la garde nationale (qui regroupe en fait les réservistes des Armées, de la Gendarmerie et de la Police – note ASAF) créée le 13 octobre 2016, dont le recrutement s’appuie largement sur la réserve opérationnelle des armées et celle de la gendarmerie.

 Les motivations des jeunes hommes ou femmes recrutés semblent en adéquation avec les caractéristiques communément prêtées à la fonction militaire (service de la France, camaraderie, action, discipline, prestige de l’uniforme…). L’attirance pour certains métiers techniques (armées de l’air, marine) ou des professions de haute qualification (médecins du SSA, commissaires des armées) compte également pour beaucoup dans les engagements et constitue un atout qui est à juste titre valorisé.

 D’autres aspects fondamentaux illustrent l’ancrage des forces armées dans la population : 
- les forces armées françaises sont parmi les plus féminisées (15,2 % pour les armées, 16,9 % pour la gendarmerie), ce qui est reconnu comme un gage de qualité (Pour l’ASAF, il n’y a aucun lien avéré entre féminisation et qualité d’une armée);
- les militaires sont issus de toutes les catégories socioprofessionnelles, les phénomènes d’endorecrutement restant dans l’ensemble minoritaires ;
- la fonction militaire semble particulièrement attractive pour les jeunes des quartiers défavorisés ;
- les perspectives démographiques sont bonnes et permettent d’escompter une correcte régénération des viviers de recrutement, même si les services de recrutement insistent, à juste titre, sur l’écart qui peut aller croissant entre le vivier théorique et le vivier utile.

Ce bilan globalement favorable ne doit pas occulter les difficultés structurelles rencontrées pour recruter, d’une part, dans certaines spécialités techniques exposées à la concurrence, d’autre part, pour pourvoir les emplois offerts chaque année au niveau des militaires du rang. À cet égard, même si les armées ne constatent pas de baisse inquiétante de la qualité des recrues dans cette dernière catégorie, la sélectivité entendue comme le nombre de candidats par emploi proposé demeure un point de grande attention, car parallèlement les taux de dénonciation dans les six premiers mois demeurent élevés.

3. Ce n’est pas sous-estimer les faiblesses qui affectent ainsi certains flux de recrutement, que de souligner l’importance actuelle et prévisible des enjeux de fidélisation. D’une part, les spécialités ou secteurs sous-attractifs sont souvent confrontés à des difficultés de fidélisation. D’autre part, la concurrence du marché de l’emploi est forte pour des spécialités de haute technicité. Enfin et de façon plus générale, comme il ressort d’une enquête réalisée par la délégation à l'information et à la communication de la défense (DICoD), la perception de leur carrière par les militaires eux-mêmes semble affectée par la conjonction de plusieurs facteurs négatifs : difficulté à concilier vie militaire et vie personnelle, manque de moyens, crainte d’une perte de compétences techniques et tactiques, lassitude face aux difficultés rencontrées en matière de soutien et d’environnement (infrastructure et hébergement)… Face à des carrières, certes valorisantes et motivantes, mais également sélectives, les facteurs négatifs peuvent peser plus lourdement et entamer le lien à l’institution militaire.

 En vérité, la fidélisation constitue un défi de première importance. Une partie des réponses sont certainement à trouver du côté des moyens et de la préparation opérationnelle, sujets qui ne relèvent pas de la compétence du Haut Comité. D’autres doivent viser à surmonter les difficultés rencontrées en matière de soutien de l’homme et d’environnement, sujets très sensibles pour la condition militaire et sur lesquels le Haut Comité est intervenu à plusieurs reprises. D’autres réponses portent, enfin, sur les carrières et les rémunérations, sujets sur lesquels le Haut Comité a estimé devoir à nouveau s’exprimer.

Le système de rémunération des militaires bénéficie de garanties législatives spécifiques définies précisément à l’article L4123-1 du code de la défense. On relèvera notamment :
- un classement indiciaire des corps, grades et emplois tenant compte, d’une part, des qualifications et des fonctions détenues, d’autre part, des sujétions et obligations particulières ;
- une indemnité pour charges militaires tenant compte des sujétions propres à l’état militaire sans préjudice d’indemnités particulières (fonctions, risques, lieu du service, qualité des services) ;
- une garantie de transposition des mesures de portée générale affectant la rémunération des fonctionnaires civils de l’État.

Ce dispositif, ainsi fixé dans la loi elle-même, est à bien des égards favorable et d’ailleurs sans équivalent pour la fonction publique. Dans la durée, il a permis d’assurer un correct équilibre avec la fonction publique, même si les transpositions ou compensations ont parfois tardé, alors qu’elles s’imposaient, comme le Haut Comité l’a déploré à plusieurs reprises dans le passé. Le Haut Comité n’en est que plus libre aujourd’hui pour saluer l’importance des mesures d’amélioration de la condition du personnel décidées depuis 2013 et des plans de transposition du protocole PPCR3 décidé en 2016 pour les gendarmes et pour les militaires des autres forces, ce protocole devant être appliqué dans les mêmes termes et échéances que pour la fonction publique. Simultanément, la plus grande attention doit continuer d’être apportée au projet de mise en œuvre de Source Solde (bascule progressive vers le nouveau logiciel à partir de 2018 et extinction de LOUVOIS au plus tôt en 2021) (soit plus de 10 ans après le constat du problème, ce qui est véritablement scandaleux – note de l’ASAF), alors que le prélèvement à la source, même différé au 1er janvier 2019, interviendra en plein dans la manœuvre. Des tests de faisabilité et de résistance doivent impérativement être engagés.

Trois particularités de la carrière militaire devraient enfin être mieux prises en compte.
La première concerne les prises de responsabilités
, lesquelles devraient s’accompagner d’une meilleure prise en compte en termes de rémunération, le recours au statut d’emploi, inusité dans la gestion militaire, constituant sans aucun doute une réponse adaptée.

La mobilité est un marqueur fort de la fonction militaire, même si tous les militaires ne sont pas mobiles et si les militaires ne sont pas les seuls agents publics concernés par des contraintes de mobilité, force est de constater que les exigences inhérentes à l’état militaire se sont conjuguées avec l’effet des restructurations d’unités. C’est un enjeu central de la fidélisation, eu égard au fort impact de la mobilité et, plus encore, des mobilités successives sur le travail du conjoint, le logement, l’éducation des enfants. Même s’ils sont encore insuffisants, le Haut Comité est conscient des efforts déployés dans ces domaines (action de l’agence de reconversion de la défense (ARD), efforts des gestionnaires d’armée, politique du logement du ministère des armées, programme de rénovation du parc domanial conduit en gendarmerie…).
Un troisième aspect tient à ce qu’on appelle communément la reconversion des militaires et qu’il serait plus exact de qualifier de « parcours professionnel des militaires ». Nombre d’outils existent qui ont leur mérite et qui donnent des résultats (dispositifs individuels de reclassement dans certains emplois des fonctions publiques, outils d’aide au départ, action de l’ARD). D’autres vecteurs comme la politique de diplomation ou des partenariats avec les entreprises privées demandent à être relancés ou renforcés. Il est enfin très souhaitable que soit reprise la proposition du Haut Comité de créer, pour les militaires ayant servi un temps suffisant, une voie spéciale de recrutement, sous la forme d’examens professionnels, dans les corps et cadres d’emploi des trois versants de la fonction publique dont les missions et les responsabilités gagneraient à être en partie exercées par d’anciens militaires.

4. La fonction militaire, on l’a vu, dispose, dans la population française, d’une bonne assise et d’une excellente image. De fait, la tradition militaire a été conservée et l’action de nos forces armées est apparue, à bien des égards, exemplaire. D’autres facteurs ont également joué un rôle très positif. Des insuffisances demeurent cependant qui doivent être comblées pour mieux ancrer la fonction militaire dans la société et dans l’État.

a) La journée défense et citoyenneté (JDC) est un rendez-vous important pour permettre la présentation de la fonction militaire aux jeunes Français. Autre vecteur important, l’enseignement de la défense, prévu à l’article L312-12 du code de l’éducation, mis en œuvre dans le cadre de protocoles entre le ministère de la défense et celui de l’éducation nationale4 signés depuis 1982 et s’appuyant depuis 1987 sur les trinômes académiques, constitue un important levier pour développer l’esprit de défense et devrait être significativement renforcé.

D’autres actions doivent être saluées. Comme le plan égalité des chances développé depuis 2007 par le ministère de la défense (35 000 jeunes concernés en 2016 par les dispositifs visant à favoriser, via les armées, l’insertion sociale et la citoyenneté) ou encore l’activité de la commission armées-jeunesse ou l’action du centre national des sports de la défense. Toutes ces actions sont indispensables et doivent être amplifiées. 

Le Haut Comité est également convaincu que la mise en place de bourses d’études ciblées sur les spécialités techniques stratégiques ou déficitaires serait de nature à capitaliser, pour le recrutement militaire, les efforts déjà consentis en direction de la jeunesse.

L’esprit de défense est aussi l’affaire de tous les citoyens. On comprend donc l’importance des enjeux que revêtent la politique mémorielle et la politique culturelle conduites de longue date par le ministère des armées et qui ont eu, ces dernières années, un retentissement accru. On soulignera également la richesse du réseau associatif lié au monde de la défense (19 145 associations répertoriées dans la catégorie « armée et anciens combattants », soit 1,4 % des associations) et l’atout qu’il constitue en tant que relais dans la population. 


b) Le Haut Comité estime que des actions nouvelles doivent être engagées dans trois directions essentielles pour le lien armées-Nation et pour l’efficacité de notre politique de défense : 

- la recherche de défense ;
- la cohésion des élites ;
- la place de la fonction militaire dans l’État.

La recherche de défense a longtemps souffert et souffre encore d’un manque de reconnaissance institutionnelle et académique. La création de l’institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) en 2010 a constitué une réforme importante et son action doit être valorisée et renforcée.  Il y a lieu, par ailleurs, de réexaminer les modalités de l’expression des militaires sur les questions de défense et de stratégie dans le respect des obligations statutaires qui régissent l’état militaire. La recherche de défense ne pourrait qu’y gagner.

La cohésion des élites de la Nation et leur aptitude à appréhender les questions de défense et de sécurité nationale constituent un enjeu majeur.  La vocation de l’institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) est à cet égard irremplaçable puisqu’il rassemble des responsables civils et militaires, élus et chefs d’entreprise et contribue à diffuser les connaissances sur la défense et à entretenir l’esprit de défense. Ses réseaux d’auditeurs pourraient toutefois être plus actifs. L’implication des grandes écoles militaires dans des partenariats noués avec des grandes écoles privées désireuses d’offrir à leurs élèves des formations liées à la défense est un signe, plus récent mais également prometteur, d’une prise de conscience collective. On doit par ailleurs se féliciter que le statut militaire de l’école polytechnique ait été maintenu comme a été conservée la période de formation militaire initiale incluse dans le cursus de l’école, poursuivie pour la majorité des élèves par un stage militaire de sept mois au sein des forces armées.

On s’étonnera, en revanche, que les futurs cadres supérieurs et dirigeants de l’État recrutés par l’école nationale d’administration (ENA) et l’école nationale supérieure de la police (ENSP) n’aient, depuis la suspension du service national et sauf exception, plus aucune expérience militaire. Alors que la conception globale de la défense et de la sécurité nationale forme depuis le Livre blanc de 2008 le marqueur majeur de notre politique en ces domaines, alors que les futurs hauts fonctionnaires de l’État et les futurs hauts responsables de la police nationale en seront demain parmi les principaux acteurs, une telle lacune est plus qu’un paradoxe : c’est une anomalie.  Indépendamment des décisions susceptibles d’intervenir concernant le service national, il parait plus que souhaitable d’instaurer dans le cursus de l’ENA et de l’ENSP une obligation militaire d’une durée significative, incluant une période de formation en qualité d’élève-officier suivi d’une période de service effectif dans une unité militaire.

Enfin, au-delà des questions de protocole et de port d’insignes de grade dont la force symbolique et, par suite, l’importance ne doivent pas être sous-estimées, une réflexion particulière devrait être menée sur la place des militaires dans l’État, en dehors des fonctions de commandement et de direction qui, statutairement, ne peuvent être confiées qu’à des militaires. Sans céder à un quelconque corporatisme, on notera que nombre de postes à la discrétion du gouvernement, liés à la défense et, dans le passé, occupés par des hauts fonctionnaires civils ou par des officiers généraux, ne sont plus détenus que par des hauts fonctionnaires. En dehors de la sphère de la défense, le bilan est certainement plus satisfaisant. Des officiers généraux sont également nommés périodiquement au Conseil d’État ou à la Cour des comptes afin de contribuer, au-delà même de leur « cœur de métier », à l’activité de ces institutions. Depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, l’inspection générale de l’administration a ouvert ses rangs aux officiers généraux. On remarquera, cependant, pour le regretter, que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ne comporte pas de personnalité qualifiée issue, en tant que telle, de la fonction militaire alors que le Conseil a vocation à faire travailler ensemble les différents secteurs d’activité du pays.

Ainsi qu’il est dit à l’article L4111-1 du code de la défense à propos de l’état militaire, « les devoirs qu’il comporte et les sujétions qu’il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation ».  L’ambition du onzième rapport thématique du Haut Comité est, par les appréciations qui précèdent et par les propositions qui suivent, de renforcer encore la fonction militaire, le respect des citoyens et la considération de la Nation.

 

 

Liste des recommandations

‐ Conforter le statut militaire de la gendarmerie au sein des forces armées.

‐ Préserver le principe de disponibilité des forces armées dans la transposition de la directive européenne sur le temps de travail (2003/88/CE).

‐ Anticiper les mesures qui permettront aux forces armées de demeurer en phase avec les standards de vie attendus des jeunes générations, tout en préservant les fondamentaux de la fonction militaire.

‐ Dans le contexte des dysfonctionnements récurrents de LOUVOIS et du remplacement de ce dernier par Source Solde, tester au plus tôt les modalités de prélèvement à la source sur les différents systèmes contribuant au calcul et au paiement de la solde.

 ‐ Achever la complète transposition aux militaires du protocole PPCR, dans les mêmes termes et échéances que pour la fonction publique.

‐ Développer la pratique des statuts d’emploi pour mieux valoriser les responsabilités exercées.

‐ Renforcer la politique d’accompagnement vers l’emploi des conjoints.

‐ Conserver les voies actuelles de reclassement individuel (L4139-2 et L4139-3 notamment) et développer et pérenniser les outils d’aide au départ.

 ‐ Accroître le nombre d’obtentions de diplôme par la voie de la validation des acquis de l’expérience et développer les inscriptions au répertoire national des certifications professionnelles.

‐ Développer des partenariats entre l’agence de reconversion de la défense et des financeurs privés autour de projets d’insertion professionnelle ciblée.

‐ Ouvrir, dans les trois versants de la fonction publique, une voie spéciale d’accès par examens professionnels aux militaires contractuels et de carrière. ‐ Renforcer les enseignements de défense et de sécurité nationale.

‐ Mettre en œuvre le dispositif d’accompagnement dans leurs études de jeunes candidats à l’engagement prévu à l’article L4132-6 du code de la défense.

‐ Instaurer dans le cursus de l’école nationale d’administration (ENA) et de l’école nationale supérieure de la police (ENSP) une obligation de service militaire de durée significative incluant une période de formation en qualité d'élève-officier suivie d'une période de service effectif dans une unité militaire.

Favoriser, dans le respect de l’obligation de réserve, l’expression des militaires dans les domaines de la réflexion prospective et stratégique.

‐ Préparer le projet de loi mettant en œuvre la décision n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014 relative à l’exercice d’un mandat électif municipal par un militaire en activité de service, en préservant la disponibilité et la discipline.

 

 

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Source de diffusion : www. asafrance.fr

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