RÉSERVE OPÉRATIONNELLE : Augmenter les effectifs sera difficile

Posté le vendredi 27 mars 2015
RÉSERVE OPÉRATIONNELLE   :  Augmenter les effectifs sera difficile

par Laurent Lagneau – Zone Militaire - Le 27-03-2015

Ce 27 mars est marqué par la Journée nationale du réserviste. Probablement qu’à cette occasion, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, rappelera l’objectif de disposer de 40.000 réservistes mobilisables contre 28.000 actuellement (hors gendarmerie) qu’il a fixé il y a deux semaines lors d’une conférence de presse.

L’opération intérieure Sentinelle, lancée au lendemain des attaques terroristes des 7 et 9 janvier, a mis en lumière les difficultés à mobiliser les réservistes. Le chef d’état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers, avait ainsi indiqué que seulement 321 avaient été sollicités sur les 10.500 militaires mobilisés.

« Il y a les militaires d’active, il y a aussi les réservistes. (…) Je souhaite donc que les dispositifs sur l’emploi des réserves soient améliorés pour permettre à tous ceux qui ont une compétence d’apporter à nos forces tout ce qu’ils peuvent offrir à la Nation. Ces échanges profitent à tous, aux entreprises, dont sont issus ces réservistes, aux armées qui sont enrichies par cet apport et bien sûr aux intéressés eux-mêmes qui vivent dans les armées une expérience inoubliable », a en outre affirmé le président Hollande, lors de ses voeux aux forces armées.

Pour rappel, la réserve militaire repose sur deux branches : opérationnelle et citoyenne. La dernière s’appuie sur des bénévoles dont la mission est la mission est de promouvoir l’esprit de défense et de renforcer le lien armée nation. La première vise à renforcer ponctuellement les unités d’actives grâce aux 28.000 volontaires ayant souscrit un Engagement à servir dans la réserve (ESR) et aux anciens militaires soumis à une obligation de disponibilité, ce qui les contraint de répondre aux ordres d’appel dans la limite de 5 ans à compter du jour où ils ont quitté l’uniforme.

Comment disposer d’un vivier de 40.000 réservistes opérationnels ayant signé un ESR alors que cet objectif, déjà fixé en 2009 n’a pas pu être atteint jusqu’à maintenant? Plusieurs raisons peuvent expliquer cet échec. Certaines ont été données par le général Patrick Destremau, adjoint au sous-chef d’état-major performance de l’état-major des armées, délégué interarmées aux réserves, lors d’une récente audition devant la commission « Défense » de l’Assemblée nationale.

Ainsi, l’on peut citer les limitations opérationnelles, avec des délais et des durées de service trop restrictifs, des contraintes budgétaires, la fin de la conscription, l’apparition de « déserts militaires » suite aux vagues de restructurations successives et un manque relatif d’attractivité, sachant qu’une période d’activité en tant que réserviste peut se traduire par une perte financière.

« Les employeurs civils, au premier rang desquels les administrations publiques, apparaissent insuffisamment impliquées dans une question qui concerne pourtant la défense de tous les citoyens et des entreprises », a relevé le général Destremau.

S’il est compréhensible qu’une petite entreprise ait des réticences à laisser partir un de ses employés pour une période de réserve, en revanche, les grands groupes et les administrations ne font pas, visiblement, assez d’efforts.

« Nous avons signé plus de 300 conventions et partenariats avec les entreprises et les administrations; mais les entreprises sont bien plus nombreuses que cela! Sortir la réserve de cette clandestinité demandera un vrai travail, à effectuer en priorité auprès des grandes entreprises et des administrations, la fonction publique devant montrer l’exemple », a en effet affirmé le général Destremau.

Une autre difficulté concerne la réserve dite de « disponibilité », qui, avec 89.000 anciens militaires, pourrait permettre une montée en puissance rapide en cas de besoin. Seulement, a expliqué le délégué interarmées aux réserves, « nous ne disposons aujourd’hui ni de l’infrastructure, ni des équipements, ni de l’organisation nécessaires pour les accueillir » et « cela supposerait un investissement important ».

En outre, il « serait (…) difficile de rappeler les gens contre leur gré sans dispositions réglementaires claires car « quand nos soldats ou officiers nous quittent à l’issue d’un contrat court – jeunes, parfois mariés et sans beaucoup de ressources – et qu’ils essaient de retrouver un métier, il ne leur est pas facile de prévenir leur futur employeur qu’un décret du Premier ministre peut les obliger à quitter leur poste pendant un mois. »

Afin de remédier à ces problèmes, le général Destremau a proposé plusieurs pistes.  » Il faut renforcer l’efficacité des unités de la réserve opérationnelle par un meilleur emploi de la disponibilité de chacun et un engagement privilégié dans les missions intérieures récurrentes, continuer à s’appuyer sur des compléments individuels et utiliser la réserve de disponibilité comme un levier supplémentaire pour faire face aux crises majeures », a-t-il estimé.

Ensuite, le général Destremau pense que, pour « conforter la réserve dans ses missions », il faut « valoriser et accroître sa capacité d’engagement dans des missions relevant de la fonction stratégique de protection, exploiter au mieux sa connaissance des milieux et des territoires comme son niveau de formation, étudier de nouvelles pistes d’emploi – notamment dans les déserts militaires – et conserver ou acquérir des savoir-faire spécifiques ou duaux tels que la cyberdéfense, le renseignement, la médecine ou le droit. » Enfin, il faudrait également « renforcer la participation de la réserve à certaines étapes du parcours citoyen rénové, continuer à s’appuyer sur la réserve citoyenne pour diffuser l’esprit de défense et poursuivre la participation des réserves aux préparations militaires ».

S’agissant des incitations financières, le général Destremau se veut très prudent, l’exemple britannique n’ayant pas donné de résultats probants, même si un niveau de rémunération insuffisant peut être un frein au recrutement de réservistes.

« Pour faciliter le recrutement et la fidélisation, le système de rémunérations britannique garantit aux réservistes contre toute régression de salaire; le niveau de revenu garanti est très élevé et peut aller jusqu’à 200 000 voire 300 000 livres par an. Pourtant les Britanniques sont très loin d’avoir atteint leurs objectifs », a-t-il relevé. Aussi, « l’incitation financière ne résout donc pas entièrement le problème de l’attractivité et de la disponibilité » car « être militaire et défendre son pays ne peut se résumer à une simple question d’argent : les valeurs et les missions sont également des facteurs très importants de motivation », a-t-il fait valoir.

Quoi qu’il en soit, accroîte le nombre de réservistes au niveau voulu par le gouvernement ne pourra pas se faire du jour au lendemain. Cela pourrait même prendre plusieurs années, d’après le général Destremau. Et encore, les mesures qui seront prises pour atteindre l’objectif fixé ne donnera sans doute pas les résultats attendus.

« Un de nos défis est de faire connaître la réserve, d’y attirer nos concitoyens, de faciliter leur engagement et de les fidéliser. Ces candidats au volontariat font l’objet de nombreuses sollicitations et doivent conjuguer leur souhait de servir avec des obligations privées, familiales et professionnelles. Ces éléments plaident pour un dialogue multilatéral entre la défense, les employés et les employeurs », relève le général Destremau. « En effet, poursuit-il, il nous faudra aussi convaincre le monde de l’entreprise que l’on peut proposer de nouvelles mesures dans l’intérêt de toutes les parties. Les premiers contacts montrent que la tâche ne sera pas aisée; nous devons notamment mettre l’accent sur la responsabilité sociale des entreprises et la question de la formation ».

 

 

Source : Zone Militaire - opex360