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LIVRE. "Les troupes coloniales, une histoire politique et militaire"

Posté le mardi 30 avril 2024
LIVRE. "Les troupes coloniales, une histoire politique et militaire"

PRESENTATION DU LIVRE

 

Julie d’Andurain, Les troupes coloniales, une histoire politique et militaire, Passés Composés, 2024

L’auteure est une historienne rompue à la méthode du métier qu’ont léguée les grands anciens Fernand Braudel, Marc Bloch, Jacques Le Goff…, son livre n’est donc ni « le Livre d’Or » des troupes coloniales ni leur procès en ces temps de repentance.

Son but est de montrer ce que sont ces unités : un outil militaire au service du pouvoir politique (Clausewitz), de comprendre des organisations complexes et leurs interactions avec la société civile (p 10) dont sont issus ceux qui y servent et y retournent après les avoir quittées. Une société civile d’où émergent des lobbys, des pôles et nombre de revues influençant la décision politique pour promouvoir la conquête et contrer l’anticolonialisme. Des troupes qui, avec la Légion étrangère, incarnent la politique de puissance de la France par la projection de forces au-delà des mers.

L’auteure montre une institution en changement permanent. De nom d’abord. Troupes de marine devenues troupes coloniales par la loi de 1900 puis troupes d’outre-mer, à la fin 1958 avec le maintien des appellations d’« infanterie de marine » et d’ « artillerie de marine » et à nouveau troupes de marine, en mai 1961 (p 320-321). Mais attention à ne pas confondre avec la grande rivale, l’armée d’Afrique.

De composition et de tutelle au gré de l’extension de la conquête et de la nature juridique des territoires : département, protectorat, colonie, mandat. Par nécessité politique et budgétaire, des soldats sont recrutés localement comme cela se faisait depuis l’Antiquité. La « coloniale blanche » d’origine se « noircit » et se « jaunit » tandis que la tutelle passe de la Marine, au ministère du commerce et de l’industrie puis enfin des colonies lorsqu’en 1894, la création d’un ministère autonome met fin aux rivalités ministérielles et aux hésitations sur le lieu de la future guerre (p 65) alors que la conquête, véritable « course au clocher » se déroule dans un contexte de rivalités car planter le drapeau sur des Km2 est alors un critère de puissance. Pourtant les débats parlementaires laissent craindre le développement de prétoriens (p 67). Une crainte chez Lyautey, Jean Jaurès et les républicains, dans la presse associée à « mamelouk » ou « janissaire » à l’idée de créer une « armée coloniale », à mettre en relation avec les critiques à l’encontre du « régime du sabre », signe d’un antimilitarisme latent envers ce militaire qui est loin et que l’on ne maitrise pas depuis Paris. Tutelle liée à la fréquente réorganisation générale de l’armée et de son appareil administratif où perdant de son autonomie, la « Colo » fragilisée en 1923, retrouve un nouveau statut en 1928. Vingt ans plus tard, la menace de fusion resurgit et en 1966, elle est incorporée dans l’armée de terre.

Une arme devant sans cesse s’adapter à l’évolution internationale en passant de la « petite guerre » de conquête que l’on peut qualifier avec les mots contemporains de « faible intensité » à la guerre de « haute intensité » durant les deux guerres mondiales sur fond de débats pour savoir si elles sont des troupes de choc ou d’appoint (p 154), une armée à part ou d’élite ( p 336) à projeter sur le territoire national et les « théâtres d’opérations extérieures » (p 174, p 226). S’adapter lorsque l’existence même de l’Empire est menacée lors des guerres de décolonisation faites de contre-guérilla, de « guerre psychologique » théorisées par la doctrine de la guerre révolutionnaire face au danger communiste (p 315). Dans le contexte de guerre froide, les indépendances laissent la place à la coopération et en application des accords de défense, la « Colo » met sur pied les armées nationales, en Afrique (p 323) à partir des bases prépositionnées. Par l’assistance militaire opérationnelle et technique, par les actions d’influence, elle participe à la diplomatie de défense.  

S’adapter aux nouveautés technologiques de communication, de transport et d’armement et aux instructions fluctuantes émanant des responsables politiques qui lui assignent de surcroit une mission extramilitaire de mise en valeur économique ou lorsqu’à la Libération, la République cherche à renommer l’Empire en Union française sur une base fédérale restée centralisée (p 290) afin de sauvegarder une unité menacée par la décolonisation. Sans négliger les crédits militaires, toujours insuffisants ou plutôt jamais à la hauteur des ambitions. A tel point que dans la « Colo », on se débrouille, c’est le système « bout de ficèle ». On est « rustique ».  

Cela s’est accompagné de la construction d’une « mémoire coloniale » avec l’instauration de la fête fondatrice de Bazeilles, en 1953, l’héroïsation des Grands Anciens, les commémorations de l’épopée, les monuments, une maison mère, l’EMSOME et un général : père de l’Arme mais aussi un musée, à Fréjus.

Un livre dense à lire absolument.

 

                                                             Martine CUTTIER
Historienne

 

 

FICHE D’IDENTITÉ DU LIVRE

Titre : "Les troupes coloniales, une histoire politique et militaire"
Auteur : Julie D' Andurain
Date de parution : 21/02/2024
Editeur : Passés composés
ISBN : 1040402836
EAN : 9791040402831
SKU : 
5420444
Format :
14,50 x 22,10 x 2,60 cm
Prix : 23,50€ pour le broché et 15,99€ pour le EBook 

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Source : FNAC

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