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« L’humanité est à un malentendu de l’anéantissement » : Lettre ASAF du mois de mars 2023


Souvenons-nous de Sarajevo ! Celui du 28 juin 1914 qui a vu l’assassinat d’un obscur archiduc, certes prince héritier de l’Empire d’Autriche Hongrie, mais pratiquement inconnu des chancelleries européennes. Et pourtant ! La conséquence en fut une guerre mondiale de 51 mois, 20 millions de morts, 21 millions de blessés et le démembrement de quatre empires : russe, austro-hongrois, allemand et ottoman.

« L’humanité est à un malentendu de l’anéantissement » : Lettre ASAF du mois de mars 2023

« L’humanité est à un malentendu de l’anéantissement »
Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, le 1er août 2022

 

Souvenons-nous de Sarajevo ! Celui du 28 juin 1914 qui a vu l’assassinat d’un obscur archiduc, certes prince héritier de l’Empire d’Autriche Hongrie, mais pratiquement inconnu des chancelleries européennes. Et pourtant ! La conséquence en fut une guerre mondiale de 51 mois, 20 millions de morts, 21 millions de blessés et le démembrement de quatre empires : russe, austro-hongrois, allemand et ottoman.

Aujourd’hui la guerre en Ukraine, outre l’affrontement direct de deux armées nationales et de milices plus ou moins affiliées à celles-ci, génère de nombreuses « frictions » aux frontières entre la Russie et ses voisins immédiats (Pays baltes, Pologne, Roumanie, Moldavie), y compris dans les espaces aériens correspondants et jusqu’en Méditerranée où des navires occidentaux sont souvent victimes d’attitudes « inamicales » de la part d’unités de la marine russe. En outre, depuis peu, la flotte russe du Nord a repris, en mer de Barents, une forte activité qui inquiète fort les pays scandinaves et principalement la Finlande et la Norvège.

Le 10 mars 2022, un drone de combat de fabrication russe, mais utilisé aussi par l’armée ukrainienne, s’est écrasé dans un parc en Croatie, après avoir survolé la Roumanie et la Hongrie, heureusement sans faire de victime. Aucun des belligérants n’a avoué être à l’origine de cette « bavure » que l’on ne connaît toujours pas aujourd’hui.. C’est dire que le sujet est suffisamment sérieux pour que seul le silence soit utilisé comme moyen pour éviter d’autres embrasements.

Mais peut-on ériger comme règle que de tels incidents n’auront jamais de suite ? Si un missile russe, même « égaré », tombait sur une école, un hôpital ou un centre commercial d’un pays frontalier de la Russie, membre de l’OTAN, en faisant de nombreuses victimes, ou si, à l’inverse, un pilote français d’un avion Rafale basé en Lituanie, un peu fébrile, détruisait un avion russe s’amusant à des provocations en s’introduisant dans l’espace aérien européen et otanien , sommes-nous sûrs que le conflit ne changerait pas de dimension ?

Sur les frontières séparant la Russie et l’Ukraine de leurs voisins otaniens, c’est-à-dire sur une bande nord-sud étendue, mais de profondeur relativement étroite, sont concentrés tellement de moyens militaires et d’armements modernes que les risques d’un « malentendu » sont multipliés. Certes, les états-majors occidentaux veillent à réduire au maximum ces aléas, mais un accident est toujours possible.

Néanmoins, et même si le pire n’est pas toujours sûr, où pourrait nous conduire une telle « bavure » ? À une troisième guerre mondiale comme Sarajevo nous a conduits à la première ?  Certes, le contexte n’est pas le même et, en particulier, la dissuasion nucléaire n’existait pas en 1914. Cependant, l’arme nucléaire est-elle une garantie absolue d’éviter l’extension de la guerre ? Arme de non emploi, elle suppose que ceux qui en sont dotés adhèrent à l’essence même de la dissuasion qui repose sur un raisonnement cartésien, presque sur une logique mathématique : si tu me fais du mal et même si tu me détruis, je serai moi-aussi capable de te détruire. Est-on sûr que le logiciel intellectuel de monsieur Poutine fonctionne comme le nôtre et que le maître du Kremlin soit sensible à une casuistique nucléaire qui repose sur un mode de raisonnement extrêmement subtile ?

Dès l’été 1944, il était écrit que l’Allemagne serait vaincue et même écrasée. Cela a-t-il empêché Hitler de poursuivre la lutte au risque de l’anéantissement de sa population ? Non ! La première bombe atomique lancée sur Hiroshima n’a pas suffi à faire plier le militarisme japonais ; il en a fallu une seconde sur Nagasaki. L’opération militaire américaine El Dorado Canyon menée en 1986 contre Kadhafi a-t-elle amené celui-ci à résipiscence ? Non ! Il a fallu une nouvelle opération, multinationale celle-là, en 2011, pour éliminer ce fauteur de troubles.

« Le Rhin sort de son lit, jusqu’au bûcher ; le feu se répand au sein du Walhalla, le paradis des guerriers, qui finit par brûler de fond en comble. Un monde disparaît, un autre est à reconstruire… » Les dignitaires nazis, à commencer par leur chef suprême, adoraient Richard Wagner. Pourtant ; c’est bien ainsi que se termine le « Crépuscule des Dieux » préfigurant la propre fin de leur régime. Espérons que monsieur Poutine soit plus sensible à la musique de « Kalinka » ou des « Bateliers de la Volga » qu’à celle du maître de Bayreuth.

                                                                                                      

Gilbert Robinet
Secrétaire général de l'ASAF
www.asafrance.fr

 

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