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"Les silences du projet de LPM" : L’œil de l’ASAF du mois de mai 2023


Le projet de Loi de Programmation Militaire 2024-2030 a été rendu public le 5 avril 2023. Ce projet qui a vocation à être discuté et approuvé par le parlement avant le 14 juillet présente de nombreuses innovations par rapport à la loi précédente (LPM 2019-2025), tout en conservant une structure similaire.

"Les silences du projet de LPM" : L’œil de l’ASAF du mois de mai 2023

"Les silences du projet de LPM"

 

Le projet de Loi de Programmation Militaire 2024-2030 a été rendu public le 5 avril 2023. Ce projet qui a vocation à être discuté et approuvé par le parlement avant le 14 juillet présente de nombreuses innovations par rapport à la loi précédente (LPM 2019-2025), tout en conservant une structure similaire.

Le volume financier de la loi, 413,3 Md €, est très supérieur à celui figurant dans la loi précédente (295 Md €). Cependant, seuls 400 Md € figureront dans les budgets, les 13,3 Md € restant provenant de diverses ressources extrabudgétaires (cessions, redevances...) dont la certitude est loin d’être assurée. Par ailleurs, il s’agit, comme dans la loi précédente, d’euros courants, sans qu’il soit prévu d’actualisation en fonction de l’inflation (à l’exception d’une clause de sauvegarde qui ne concerne que les hausses de prix durables des carburants opérationnels). Or, nous sommes entrés depuis 2021 dans une période inflationniste, qui fausse les comparaisons et conduit à dépenser une partie du budget à couvrir des hausses inéluctables des prix et des salaires. Cela a conduit le Ministère des Armées à augmenter considérablement le reste à payer en fin d’année. La Cour des Comptes, dans son rapport public de mai 2022 sur l’exécution de la LPM 2019-2025, s’en inquiète et l’évalue à un montant inégalé de près de 100 Md € en fin 2025. Il est certain que la hausse réelle du budget en euros constants, sera bien inférieure à l’écart apparent, et qu’une part non précisée des crédits sera consacrée à rétablir la situation financière des armées, d’autant que le gouvernement veut diminuer les déficits publics à l’horizon 2027.

Enfin, les hausses les plus importantes auront lieu après 2027. La hausse annuelle en euros courants est fixée à 3 Md € de 2024 à 2027, et à 4,3 Md € en 2028, 2029 et 2030, avec une clause de réexamen en fin 2027. En effet, il est stipulé que la loi de programmation fera l’objet d’une actualisation avant la fin de l’année 2027. Or, ce projet de LPM contient sur certains points des innovations importantes, qu’il faut financer. Le rapport annexé à la LPM 2024- 2030, bien que nettement moins détaillé que celui annexé à la loi précédente, permet d’en estimer certains.

D’après la communication officielle du Ministre des Armés, la LPM permettra de :

• Maintenir la crédibilité de notre dissuasion ;
• Renforcer la résilience sur le territoire national, notamment les Outre-mer, et l’affirmation de notre souveraineté ;
• Anticiper la haute intensité et un engagement majeur en veillant à renforcer notre réactivité et notre capacité à soutenir un effort dans la durée ;
• Défendre les espaces communs, nouveaux lieux de conflictualité ;
• Repenser et diversifier les partenariats stratégiques pour renforcer nos capacités d’influence, de prévention et d’intervention au-delà de nos frontières.

Dans les faits, cela conduit à lancer de nouvelles actions (renseignement, cyber, forces spéciales, espace...) ou à sérieusement palier des insuffisances actuelles (sol-air, entraînement, munitions, MCO...) qui nécessitent une réorientation partielle des budgets, ce qui n’est possible, suivant une recette éprouvée, que par des étalements de programme.

Les effectifs d’active restent pratiquement inchangés, et le nombre de matériels majeurs aussi, mais leur renouvellement est ralenti. Le rapport annexé à la LPM 2024-2030, bien que nettement moins détaillé que celui annexé à la loi précédente, permet d’en estimer certains tout en laissant dans l’ombre beaucoup de sujets.

Par exemple, pour l’aviation de combat : le « tout Rafale » n’est pas pour 2030, mais pour 2035, ce qui signifie que des Mirage 2000 devront continuer à voler jusqu’à cette date.
L’armée de l’Air et de l’Espace disposera de 35 avions de transport A400-M en 2030. Pour les 15 autres appareils prévus initialement, rien n’est indiqué.
La Marine semble à première vue moins touchée, puisque le nombre des bâtiments de combat est maintenu, avec des livraisons de nouveaux bâtiments et que le lancement des travaux du futur porte-avions est confirmé, ce qui n’exclut aucunement des retards dans les calendriers, s’il est nécessaire d’étaler les paiements.
L’armée de Terre aura des livraisons décalées de blindés modernes Jaguar, Serval et Griffon, ce qui conduira probablement à maintenir en service au delà de 2030 les VAB et les AMX-10RC qui sont encore en état de marche. Beaucoup d’incertitudes pèsent également sur le remplacement des hélicoptères les plus anciens, pour lequel le rapport annexé ne donne aucun détail.

Enfin, le rôle des volontaires de la réserve opérationnelle (105 000 personnels prévus en 2035 avec des limites d’âges portées à 70 ans, voire 72 ans pour certaines spécialités) reste peu clair.

En résumé, les silences du projet de LPM ne permettent pas de se faire une idée précise de ce que seront nos armées dans les 10 ans qui viennent, d’autant que les ressources budgétaires devront être confirmées chaque année par le budget annuel des armées.


GA Louis-Alain ROCHE

AdministrateurASAF

www.asafrance.fr