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1939-1945 Henriette de Lanty, résistante atypique

Posté le lundi 22 octobre 2018

Le sous-lieutenant Henriette Lasnet de Lanty, fut homologuée dans son grade au titre des Forces françaises combattantes après la Seconde Guerre mondiale. Engagée dans la Résistance à 47 ans, cette mère de famille fut arrêtée puis déportée dans les camps d’où elle réussit à s’évader.

Une partie des femmes ayant participé à la Résistance étaient relativement jeunes et sans charges de famille. Henriette de Lanty avait 47 ans et était mère de cinq enfants quand elle est entrée au réseau de renseignement franco-belge Delbo-Phénix en 1943, comme agent de liaison.
Le réseau Delbo-Phénix, en contact direct avec les services de renseignement de Londres, était spécialisé dans les défenses allemandes en vue du proche débarquement allié. Née dans une famille très patriote, Henriette de Lanty avait été particulièrement meurtrie par la mort de deux de ses trois frères, jeunes officiers tués pratiquement le même jour au Chemin des Dames en 1917. Son troisième frère fut gravement gazé. Jeune fille, elle aimait jouer au piano mais l’abandonna. Son mari, Jean Lasnet de Lanty, ingénieur agronome, fut également membre du réseau Delbo.

 

« Vous ne reverrez jamais la France ni vos enfants »

Je suis « boîte aux lettres ». Je reçois chez moi le courrier que des agents de Normandie m’apportent à date fixe. G. vient le relever… et me remet les plis et consignes à transmettre aux différents agents visités ou reçus. Mes allées et venues sont effectuées sous couleur de « la ménagère allant faire ses courses » : sac à provisions sous le bras, paquet de linge pour la blanchisseuse, souliers portés chez le cordonnier », écrira-telle plus tard dans ses mémoires (1): « Sous la schlague ».
Le couple est arrêté le 8 juin 1944, dénoncé par un membre de leur réseau s’étant livré après son arrestation par la police allemande. « Je ne vais pas vous faire fusiller parce que ce serait un châtiment trop doux. Mais ce que j’ai décidé revient au même : aucune femme n’est capable de supporter ce que vous allez avoir à supporter. Vous pouvez donc quitter Paris en vous disant que vous ne reverrez jamais la France ni vos enfants, » s’entend dire Henriette de Lanty lors de son interrogatoire par la Gestapo. Elle revoit très brièvement son mari pour la dernière fois à la prison de Fresnes. Il survit au « train de la mort » qui emmène 2 152 hommes vers l’Allemagne le 2 juillet, dans lequel 519 détenus meurent d’asphyxie, de faim et de soif. Jean de Lanty s’éteint quelques mois plus tard, le 19 février 1945, victime de mauvais traitements au camp de Vaihingen, six semaines avant que celui-ci soit libéré.

Dans l’enfer des camps

Henriette de Lanty a été déportée dès le 30 juin 1944 vers le camp de concentration de Ravensbrück, où passèrent un grand nombre des 8 900 Françaises envoyées en Allemagne par mesure de répression. Se souvenant d’une visite médicale, elle écrit : « Sous la pluie, des femmes sont effondrées, recroquevillées, dans la boue le long d’un mur. Ce sont des mourantes qu’on a jetées là pour faire place sur les châlits du revier (infirmerie). Une remorque s’éloigne déjà, transportant une cinquantaine de cadavres dénudés vers le four crématoire. Des cadavres ? Est-ce bien sûr ? Nous voyons des pieds et des mains bouger. » […] « Il y a au camp de pauvres femmes à qui les souffrances ont fait perdre la raison. Elles sont enfermées entièrement nues dans l’obscurité complète. Un matin, nous entendons des cris affreux. Une gardienne s’élance rageusement nerf de bœuf à la main (vers le block des démentes). Le cœur déchiré nous entendons le bruit que fait le nerf de bœuf sur l’échine de la malheureuse qui criait. Elle hurle maintenant sous les coups, puis sa voix diminue d’intensité, devient une sorte de râle et se tait. Et la gardienne réapparait, pourpre de rage et de haine, mais triomphante : elle vient de tuer une folle. »
Henriette de Lanty est ensuite envoyée au camp de concentration de Schönfeld et travaille dans une usine d’armement sous les coups des gardiennes allemandes et sous les bombes de l’aviation des alliés. Alors que l’Allemagne hitlérienne vit ses derniers soubresauts, elle fausse compagnie à ses gardiens et rejoint seule, à pied, les troupes américaines puis françaises… elle est sauvée. Ses actions lui ont valu la rosette d’officier de la Légion d’honneur et les croix de guerre française et belge avec palmes. Après-guerre, elle écrit des livres de cuisine pour faire vivre sa famille.

Henriette de Lanty est décédée en 1989 à l’âge de 92 ans.

Bernard EDINGER
Photos : Coll. Patrick LASNET de LANTY et musée de l’Ordre de la Libération
TIM juillet – août 2018

 


 

sous la schlague 

Sous la schlague, Madame Henriette de Lanty

Edition le Félin (22 €)

Mention spéciale du jury du Prix littéraire du Comité d’action de la Résistance (Souvenir français 2018).

Source : www.asafrance.fr

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