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CORONAVIRUS : entre incertitudes et satisfécits…

Posté le mardi 25 février 2020
CORONAVIRUS  : entre incertitudes et satisfécits…

 

I- Principaux constats

 

Chaque fois que nous avons une alerte épidémiologique (H5N1, SRAS, Ebola…) nous retrouvons quasiment les mêmes pathologies collectives dans le pilotage de ce type de crise.(1)

Tout débute dès les premières alertes avec

  • des formes d’hystéries médiatiques qui sont rapidement amplifiées par les cortèges classiques de rumeurs, de « fake news », voire de théories complotistes (2) qui les accompagnent ;
  • des postures politiques qui essayent de rassurer les opinions en s’appuyant sur des réseaux d’experts, qui sont la plupart du temps contredits par l’évolution de la nature des évènements, et assez rapidement disqualifiés par leurs certitudes et par leurs communications lénifiantes (cf. cette épidémie est en-dessous le SRAS en termes de gravité virale… Sauf que le nombre de morts s’avère largement supérieur, mais cela reste moins grave que nos grippes annuelles…(3) ;
  • l’OMS qui donne plus l’impression d’appliquer une sorte de principe de précaution institutionnel que d’anticipation stratégique en s’enfermant dans ses normes et ses contraintes géopolitiques (4) ;
  • des laboratoires pharmaceutiques, voire des milliardaires philanthropes, qui jouent toujours la même partition commerciale en annonçant la sortie d’un vaccin salutaire d’ici 9 mois…;
  • des populations apeurées et instrumentalisées dans leur inconscient par les images apocalyptiques des grandes épidémies -cf. celles de la grande peste ou celle plus récente de la grippe espagnole (5)- qui oscillent entre tétanisation et surréaction.

 

II- Quelques interrogations de fond

 

Très rapidement se posent toujours les mêmes questions pour qualifier le dimensionnement et la gravité de ce type de crise non matérielle mais vitale :

  • Avons-nous les bonnes informations ? Bien entendu, personne ne va remettre en question le niveau de transparence des autorités chinoises, il y a trop d’enjeux pour toutes les parties prenantes pour ouvrir ce type de débat au niveau international. Pour autant, en termes de pilotage de crise, comme il n’y a pas de possibilité de vérifier la véracité des données officielles, la question reste pleinement ouverte. Dans l’affaire de Fukushima, les autorités japonaises ont été aussi très transparentes, jusqu’au moment où tout le monde a découvert que Tepco, l’opérateur de la centrale, avait fait des économies sur les systèmes de secours de la centrale, obérant ainsi toute possibilité de sécuriser les installations en cas de « big one (6)»…
  • Sommes-nous sur une cinétique maîtrisable ou non en termes de risque épidémiologique ? Les professionnels garantissent que oui-mais sur une cinétique limitée et contenue en termes d’espace-temps. Mais qu’en est-il sur une cinétique de contagion massive, voire de répliques et de mutations du virus ? Nous connaissons bien ce type de questions sur des attaques d’une autre nature sur le plan cybernétique avec des protocoles capables de s’adapter et de contrarier les cyberdéfenses conventionnelles mises en place…
  • Sommes-nous sur les mêmes niveaux de priorisation des événements et de réponses opérationnelles au niveau mondial ? Sûrement au niveau des grandes organisations transnationales, des grands groupes mondiaux, voire des grands médias internationaux qui ont des intérêts stratégiques globaux clairs et explicites. Mais pour le reste, il n’est pas évident que les niveaux de cohérence et de cohésion soient aussi bien partagés entre les États, et encore plus sur le terrain au niveau des populations en fonction de leurs organisations de vie, de leurs cultures, et dans de nombreuses régions du monde, de leurs croyances, de l’emprise des religions et des pratiques communautaires, ethniques ou claniques… Dans la règle des 80/20, ce sont les 80 % des problèmes à traiter…. Là aussi, les retours d’expérience des grands désastres naturels tels les séismes, les cyclones et les tsunamis ont montré que les grandes idées, souvent vertueuses et technocratiques, en termes de réponses sont toujours défaites par les logiques de survie des populations (cf. les exemples d’Haïti, du tsunami indonésien, de Katrina etc.(7)

 

III- Qualification de la crise

 

Au regard des informations disponibles et de ce qu’il est possible de discerner actuellement sur le plan mondial, comment pourrions-nous qualifier la situation en utilisant la méthode des Forces de Réflexion Rapide (8), que toute organisation responsable devrait désormais mobiliser systématiquement pour accompagner des stratégies d’anticipation et des prises de décision quand il y a des crises de ce niveau ?

  • De quoi s’agit-il ? Pour le moment, nous sommes sur une épidémie circonscrite à 99 % sur la Chine avec des effets collatéraux sur quelques pays bien identifiés et pas sur un niveau de pandémie mondiale (9). A priori, cette crise est moins grave en termes de nature que le SRAS ou le H5N1, même si elle génère plus de mortalité compte tenu du niveau de concentration des populations sur la province de Hubei, et notamment sur la ville de Wuhan. Nous sommes pour le moment en Europe (ce qui n’est pas le cas des Russes et des Américains qui ont fermé leurs frontières) encore sur des préoccupations matérielles, essentiellement économiques et financières, mais pas vitales. Les seuls à être impactés de façon marginale par ces questions sont les voyageurs, les touristes présents sur zone et les gestionnaires de ressources humaines des organisations qui ont délocalisé leurs productions ou prestations en Chine.
  • Jeux d’acteurs et enjeux ? La Chine perd l’une de ses provinces névralgiques sur le plan économique, créant des dysfonctionnements majeurs sur les supply-chain mondiales en termes de biens d’équipement et de biens de consommation. L’onde de choc est très forte sur les plans économiques et financiers et touchent entre autres les acteurs industriels mondiaux avec tous les enjeux RH et les conséquences opérationnelles liées à l’arrêt total du fonctionnement de cette province. Tout ceci se joue dans un contexte chinois singulier qui ne peut être sous- estimé tant en termes de politique intérieure qu’en termes géostratégique vu les mutations et transformations en cours tant au sein du Parti communiste chinois qu’entre les trois grandes puissances du premier cercle stratégique (USA, Russie, Chine) (10). Nous sommes encore sur une posture globale attentiste, comme si tous les acteurs attendaient la décision de l’OMS de passer en pandémie mondiale tout en se satisfaisant d’une attitude plutôt conciliante vis-à-vis des Chinois, personne n’ayant envie de se « fâcher » avec l’Empire du Milieu… Il n’y a pas véritablement d’anticipation stratégique avec des scénarios de durcissement, voire de surprises stratégiques.
  • Où sont les pièges, les angles morts ? Que seraient les réactions mondiales si nous apprenions que les niveaux de contagion et de mortalité étaient bien plus élevés que ceux qui sont annoncés, avec des facteurs 5 à 10 supérieurs aux données fournies par le entre Chinois de Contrôle et de Prévention des Maladies (11)? Idem qu’elles pourraient être les réactions mondiales si la cause de cette épidémie n’était pas de nature aléatoire mais humaine ? Pour le moment, tous les dirigeants du monde se complaisent dans des communications très convenues avec des satisfécits sur la conduite de la crise, afin de ne pas contrarier les enjeux géoéconomiques des uns et des autres vis-à-vis de la Chine, mais qu’en serait-il s’il y avait une rupture de la confiance au niveau mondial sur ces questions ? Par ailleurs, qu’en est-il du niveau d’information réel et de maitrise des risques épidémiologiques autour de cette alerte dans les zones grises du monde ? C’est le cas en particulier de l’Afrique qui représente le maillon le plus faible sur les plans sécuritaires, humanitaires et sanitaires du monde (12). Elle constitue surtout l’une des bases névralgiques de la Chine en termes d’approvisionnements stratégiques. Il y a une tendance naturelle à privilégier la baisse des courbes et forcément à sous-estimer la diffusion des effets pervers et invisibles de la contamination en Chine, notamment sur les grandes mégalopoles du fait de la fin des vacances des fêtes du nouvel an. Ce biais de raisonnement vaut aussi vis-à-vis des maillons faibles de l’hémisphère Sud qui ne sont pas dans les radars de la prévention des risques épidémiologiques et qui ne bénéficient pas au niveau mondial des mêmes niveaux de vigilance et de performance que ceux des pays développés.

 

IV- Quelles réponses immédiates ?

 

Forts de ces constats que faut-il envisager, en France et pour ceux qui sont à l’étranger ?

  • Renforcer les chaînes préventiques auprès des populations et des élus locaux (rôle en France des ARS et des chaînes médicales de proximité – idem à l’intérieur des grands groupes pour leurs personnels et leurs familles sur les mesures à adopter en cas d’épidémie avérée). Voir à ce sujet les plans pandémie qui ont été réfléchis dans le cadre de l’alerte H5N1 avec notamment la question de l’identification des personnels vitaux pour assurer la continuité d’activité des organisations essentielles pour le fonctionnement collectif, du local au national.
  • Reconfigurer la chaine d’alerte afin que les services d’urgence (surtout dans le contexte actuel en France avec la crise propre au monde hospitalier et notamment aux urgentistes, ainsi qu’aux services d’intervention publiques – pompiers et forces de l’ordre) ne soient pas neutralisés par des afflux de populations paniquées. Il faut dans ce type de configuration dédoubler le traitement des appels et protéger l’hôpital et les personnels soignants – cf. les retour d‘expérience du SRAS au Canada (13)-.
  • Penser à une chaîne de traitement des cas avec la plus grande décentralisation possible en distinguant bien les cas qui nécessitent une hospitalisation appropriée et ce qui peut être traité à domicile avec une médecine de proximité ambulatoire. La technique des quarantaines est la seule que tout le monde connait, et pratique, pour endiguer les effets de contagion, elle a ses limites -cf. Le retour d’expérience des croisiéristes( 14) –  à défaut d’avoir des retours d’expérience des grands hôpitaux construits en 10 jours par les Chinois, ou des confinements dans des immeubles à Wuhan). Les experts mentionnent toujours le cas de la diffusion de la grippe espagnole en 1918, via les camps et convois militaires, qui a fait plus de dégâts que la première guerre mondiale (15).
  • Ne pas sous-estimer la chaîne logistique, voire sécuritaire, à mettre en place que ce soit pour les moyens de protection, les produits médicaux, la gestion des flux de transports mais aussi et tout simplement de vie (alimentation, moyens de paiement, carburant…). Des dispositifs particuliers doivent être aussi pensés pour les fonctionnalités stratégiques et notamment pour tous les emplois liés à des réseaux vitaux. Dans ce type de situation, il faut aussi envisager toutes les mesures exceptionnelles de rapatriement de personnes pouvant être impactées au niveau international ainsi que les mesures de sécurité pour éviter pillages, émeutes et désordres de tous ordres, ce qui pose les limites de nos États de droit en de telles circonstances. La Chine illustre actuellement les difficultés de l’exercice avec la mobilisation de l’armée pour contrôler la situation sur les zones touchées par l’épidémie. Bien entendu, il y a lieu à controverse, mais la réalité montre chaque fois que ces questions de contrôle de zone ne sont pas si simples et que l’exercice de l’état d’exception est systématiquement pratiqué y compris dans les pays à priori très libéraux et démocratiques (16)…

 

V- Prendre du recul et anticiper

 

Sur le plan de l’anticipation stratégique, plusieurs niveaux de réflexion peuvent être pris en compte pour alimenter des scénarios court, moyen et long terme selon le niveau d’aggravation et de radicalisation de cette crise :

  1. Problématique sanitaire. Cette alerte nous interpelle sur deux questions démographiques dimensionnantes au niveau mondial : l’urbanisation croissante sur tous les continents ainsi que l’ampleur du nomadisme et des migrations mondiales. De fait, les réponses que nous observons en ce moment sont celles de pays fortement urbanisés et technologiquement développés avec des dispositifs hospitaliers de qualité et des moyens sécuritaires sophistiqués (cf. les drones et les dispositifs de traitement numérique utilisés par les Chinois). Il n’en est pas de même sur des pays en voie d’urbanisation de masse avec des dispositifs sanitaires précaires et des réponses sécuritaires basiques… comme en Afrique par exemple. Que dire des populations qui sont prises dans des mouvements migratoires ingérables au sein de sous-continents ou suite à des crises internationales comme celles du nœud syriaque ou du verrou sahélien ? Ces populations ne sont suivies que par les dispositifs humanitaires et contenues que par des dispositifs militaires hybrides mis en place par des résolutions de l’ONU ou par des alliances entre Occidentaux et États concernés. Dans ces cas de figure, personne ne maitrise véritablement les effets d’une épidémie sur les populations avec tout ce que cela peut comporter comme effets collatéraux sur les questions de terrorisme ou autres trafics…
  2. Problématique économique et financière. La Chine est le second pays le plus riche au monde en termes de PIB selon le classement du FMI (14 137 milliards de $ contre 21 345 milliards de $ pour les États-Unis en 2019). En termes de parité de Pouvoir d’achat, l’Empire du Milieu domine les États-Unis (23 301 milliards de $ contre 19 391 milliards de $ pour les États-Unis). De fait, cette crise n’est pas marginale pour l’économie mondiale, elle s’avère même cruciale car elle remet en cause jour après jour les prévisions mondiales en termes de croissance et toutes les projections pour les entreprises notamment des secteurs des biens de consommation et des biens d’équipement en termes de profitabilité, voire pour certaines tout simplement en termes de survivance de leurs produits ou de leurs marques (17). À la différence de Fukushima qui a eu un impact sur des supply chain technologiques sensibles sur les technopoles entre autres de Tokyo et quasiment aucun impact sur le plan monétaire, cette crise sur la Chine a des impacts beaucoup plus sérieux sur la supply chain industrielle et sur la situation financière, voire bancaire, mondiale. Les effets dominos sont beaucoup plus sérieux. Si la crise durait, voire se durcissait avec des répliques et un élargissement de la contagion en Chine, mais aussi sur la région (Japon, Corée, ASEAN), il est évident que l’effet papillon serait considérable avec un effondrement de la croissance mondiale suivi instantanément d’un crash financier que personne ne pourrait contenir. Personne n’y a intérêt actuellement, surtout dans les phases de transition politique américaine, russe, mais aussi allemande pour ne prendre que les grands opérateurs mondiaux concernés par les effets collatéraux de cette crise épidémiologique de grande envergure. Pour autant, les grands argentiers mondiaux sont d’ores et déjà en alerte, car ils savent que les banques centrales ne pourront pas amortir un tel choc systémique.
  3. Problématique géostratégique. Cet événement arrive dans un contexte singulier sur le plan géostratégique et il n’est pas possible de l’occulter lorsque l’on analyse les mouvements de fond au sein des grands pays membres du conseil de sécurité de l’ONU.  Cela se passe en plein nouvel an chinois, mais à un moment où l’exécutif se trouve confronté à des niveaux de contestations importantes sur le plan interne et en périphérie (cf. Hong Kong). Les sinologues disent souvent que dans les modes de représentation des Chinois, les épidémies, les famines, sont les signes d’un nécessaire changement de dirigeants. Certes, à l’ère de l’Intelligence Artificielle, ces références cosmogoniques de la culture chinoise peuvent toujours surprendre, mais elles ne peuvent pas être écartées des analyses. Il est un fait que le régime profite du traitement de cette épidémie pour resserrer le contrôle sur les populations et les libertés publiques et que de nombreux chroniqueurs posent la question de la stabilité de Xi Jinping dans ce contexte. Tout ceci arrive au moment de la fin de la procédure de l’impeachment des démocrates contre Donald Trump aux États-Unis et de la course aux investitures pour les élections de novembre, avec un président américain qui peut désormais se prévaloir d’être réélu. Par ailleurs, en Russie, Vladimir Poutine vient d’ouvrir le champ de sa propre succession avec une refonte de la constitution et de la gouvernance du Kremlin. Dans cette perspective et compte tenu de ce que l’on peut observer autour de la question ukrainienne, des discussions en cours sur le Proche et Moyen-Orient, des postures et des non-dits sur cette question chinoise face aux ambitions de Xi Jinping avec sa route de la soie et sa volonté de s’affirmer comme première puissance mondiale, il apparait nettement que les équipes de Trump et de Poutine convergent sur de nombreux sujets stratégiques, même s’il y a de temps à autre des coups de menton tactiques. L’idée d’un hémisphère Nord plus coercitif face à une Chine dominante commence à devenir un scénario de plus en plus plausible. Cet évènement pourrait accélérer cette occurrence de redéfinition des jeux d’alliances stratégiques. Dans ce contexte l’Union Européenne est confinée en logique d’impuissance. Le Brexit dur que ses dirigeants ont dénié pendant 3 ans a finalement bien eu lieu. L’Allemagne rejette désormais le modèle social-démocrate portée par Angela Merkel et commence à accuser les limites de son modèle économique. Les pays du groupe de Visegrad confirment et radicalisent leurs postures populistes. La faiblesse des gouvernances sur les pourtours de la méditerranée avec les instabilités gouvernementales en Espagne et en Italie, la crise algérienne, le chaos libyen, les tensions avec le nouvel hégémonisme ottoman des Turcs… contribuent à développer un arc de crise de plus en plus dangereux sur le flanc sud de l’Europe. Au milieu de cette cartographie fracturée, la France apparait de plus en plus isolée pour faire valoir ses intentions d’ouverture au niveau européen avec une situation intérieure sous tension permanente sur le plan sociétal.
    Tout cela montre que les préoccupations et les priorités de nos grands acteurs en charge de la sécurité mondiale, et notamment sanitaire aux cotés de l’OMS, sont loin d’être convergents et qu’en cas de radicalisation de la crise les postures ne seraient pas forcément unitaires et convergentes. Il suffit d’observer les débats actuels autour des enjeux climatiques et énergétiques… Bien au contraire, elles pourraient être l’occasion de recaler des rapports de force et de réaffirmer des leaderships, « l’occasion faisant le larron ». Ce sont des éléments qu’il faut intégrer dans la réflexion stratégique, même si cela semble hors de portée en termes de rationalité. Les arbitrages politiques, même s’ils paraissent déraisonnables notamment pour le monde économique et encore plus pour le bien-être des populations, l’emportent toujours sur les autres critères en situation extrême.

 

VI- En conclusion

 

Cette crise montre une fois de plus que sur ce type de crise très complexe et immatérielle, comme pour les cyberattaques, il y a autant de réponses que de pays. Il n’y a pas de modèle qui s’affirme, tout dépend des cultures et des niveaux d’organisation sur le terrain. Certaines seront décentralisées et très démocratiques avec une forte résilience des populations, d’autres seront centralisées, autoritaires avec une forte soumission des populations. D’autres seront chaotiques et sous intermédiations d’organisations internationales. Seules des grandes organisations mondiales ont les capacités de fonctionner avec des approches transverses, civilisationnelles et globales, mais elles ne représentent que très peu d’acteurs au regard des masses de population et de problématiques vitales à prendre en compte sur le terrain. C’est tout le paradoxe et les limites de ce type de pilotage de crise qui se veut d’abord démographique et humain avant d’être économique ou financière.

Dans ce type d’évènements le rôle des tiers de confiance est crucial. En aucun cas il ne faut que les populations décrochent en termes d’adhésion aux processus de prévention et de traitement d’une épidémie, encore plus si nous passons à un stade de pandémie. Dans ce cadre, les organisations humanitaires, hospitalières, médicales qui assurent des prestations de proximité sont stratégiques. Ce sont elles qui portent les actes et les messages de survie auprès des populations. Parmi ces tiers de confiance figurent aussi les médias, voire les réseaux sociaux lorsqu’ils sont bien utilisés, pour leurs capacités de diffusion de l’information à tous les niveaux, souvent là où les États n’ont plus forcément la crédibilité, voire la légitimité pour parler.

Enfin la question des postures gouvernementales reste et demeure le point essentiel dans ce type de crise pour porter la confiance collective. Si cette question de la communication stratégique et politique est négligée, l’ensemble du pilotage de la crise part immédiatement en mode échec et la conduite des évènements se dégrade souvent de façon irréversible. Tous les retours d’expérience des grandes crises récentes démontrent le caractère impitoyable des postures de sous-réaction ou de sur-réaction des dirigeants à des évènements majeurs. À ce niveau, tout dépend du niveau de préparation mentale, éthique et stratégique des dirigeants, et parce que c’est une réalité dans de nombreux pays, de leur niveau d’entraînement à des situations hors cadres ou à des scénarios exigeants avec des effets de surprise qui les contraint à sortir du cadre. Être capable de penser et d’agir « Out of the box », comme le répètent ceux qui ont réussi à faire face à de grands rendez-vous collectifs, est impératif.

Pour reprendre les récents propos de Kristalina Georgivia, ancienne directrice de l’Unesco et actuelle directrice du FMI, « Il y a beaucoup d’incertitudes et nous parlons ici de scénarios, pas de projections, reposez-moi la question dans dix jours… (18)». En fait, tout le monde communique et essaye de se rassurer mais personne ne sait vraiment à quoi s’en tenir « nous ne connaissons pas la nature exacte de ce virus, nous ne savons pas à quelle vitesse la Chine sera capable de le contenir et s’il va se répandre davantage dans le monde, ce que nous savons c’est que cela affectera les chaines de valeurs à l’échelle mondiale… J’invite tout le monde à ne pas tirer de conclusions hâtives… ! ».

La seule chose que nous savons, c’est que nous aurons un prix à payer, économique visiblement, mais aussi et surtout humain, ne l’oublions pas !

 

Xavier GUILHOU
(diplomatie-humanitaire.org et
www.xavierguilhou.com )
Conseiller de la Fondation Française de l’Ordre de Malte
Membre de l’ASAF
20 février 2020

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr

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