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LETTRE OUVERTE des Français rapatriés d’Algérie et leurs amis à Monsieur le Président de la République

Posté le mercredi 17 mars 2021
LETTRE OUVERTE des Français rapatriés d’Algérie et leurs amis  à Monsieur le Président de la République

LETTRE DES FRANCAIS RAPATRIÉS D’ALGÉRIE ET LEURS AMIS
À MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

 

 Le 10 mars 2021

 

Monsieur le Président de la République,

Monsieur Benjamin STORA vous a remis le 21 janvier 2021 le rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie. Le sens de ce rapport était prédéterminé dans votre lettre de mission à l’historien que vous aviez choisi « conscient et respectueux de [ses] engagements ». L’intéressé se prévaut d’ailleurs de son passé militant dans un entretien du 7 février 2021 au journal algérien « L’EXPRESSION » où il précisait « j’ai accepté ce travail en rapport avec mes convictions anciennes : affronter le passé colonial, le dénoncer, faire évoluer la connaissance de cette longue période ».

Dès lors, si on peut s’en indigner, on ne saurait s’étonner que la conclusion principale de ce rapport soit une condamnation sans appel de la colonisation.

Pour M. STORA, la cause est entendue : les algériens étaient légitimes à arracher leur indépendance par tous les moyens, y compris la terreur. Il ne stigmatise aucun des actes du terrorisme FLN comme à Philippeville-El Halia en août 1955 (massacre de 160 civils dont 118 européens et 42 musulmans incluant le neveu de Ferhat Abbas), partout dans les campagnes et tout au long de la bataille d’Alger, notamment les attentats meurtriers de juin 1957 ou la tuerie de Melouza (357 musulmans favorables au MNA assassinés par le FLN). En revanche il s’étend sur les tortures et les brutalités subies par les algériens en mettant en exergue les soutiens français à l’insurrection : Maurice AUDIN, Gisèle HALIMI, Jean Paul SARTRE, Frantz FANON…
Les partisans de la France sont passés sous silence : hommes de gauche ou de sensibilité démocrate-chrétienne comme Georges BIDAULT, successeur de Jean MOULIN à la tête du Conseil National de la Résistance en septembre 1943, Jacques SOUSTELLE, résistant lui aussi, Gouverneur Général de l’Algérie de janvier 1955 à janvier 1956 et y menant une politique libérale avec le concours de Germaine TILLON.
M. STORA ignore également Nafissa SID CARA, de confession musulmane, soucieuse de l’émancipation de ses coreligionnaires, première femme ministre d’un gouvernement de la Vème République (de 1959 à 1962), ou le bachaga Saïd BOUALAM, vice-président de l’Assemblée Nationale pendant la même période.

Nous retenons que dans son épilogue M. STORA considère que les constats portés « ne sont pas des verdicts définitifs à propos de la colonisation et de la guerre d’Algérie », dont acte. Toutes les souffrances et tous les drames, en particulier ceux des Français d’Algérie doivent être reconnus.

Cet équilibre n’est pas respecté à ce jour. Vous avez décidé le 2 mars 2021 de reconnaître les conditions dans lesquelles a disparu l’avocat Ali BOUMENDJEL le 23 mars 1957. Vous justifiez ce geste par l’exigence qu’« aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté ». Votre décision qui concerne un algérien, soutien actif du FLN, ne s’accompagne pas de la reconnaissance par la France du sort tragique d’algériens, soutiens de la France, comme un autre avocat, Ali CHEKHAL, vice-président de l’assemblée algérienne, assassiné quelques mois après par le FLN à Paris le 26 mai 1957, partisan comme Albert CAMUS d’une Algérie fraternelle mais toujours française.

 

Des historiens éminents, coordonnés par deux d’entre eux, MM Jean Jacques JORDI et Guy PERVILLE, ont procédé à une analyse critique, pertinente et objective du rapport de M. STORA. Nos associations adhèrent à leurs constats, notamment celui de l’impossible réconciliation France / Algérie systématiquement refusée par cette dernière. Ils retiennent comme seule réaliste la création d’une commission « Vérité et Réconciliation » à la condition expresse que sa composition soit impartiale et qu’elle s’attache aux faits et non à leur interprétation idéologique. Les faits qui constituent l’histoire complexe de l’Algérie et de la France, avec des périodes alternativement apaisées et tourmentées, sont marqués par la présence pendant plusieurs générations de pieds-noirs qui avaient vocation à rester sur une terre qu’ils avaient enrichie de leur labeur et de leur savoir. C’est l’Algérie indépendante qui, selon Jean Daniel pourtant soutien du FLN, « excluait tout avenir pour les non-musulmans » (p. 47 du rapport de M. STORA).

En vous transmettant l’analyse de ce collectif d’historiens, avec leur accord, c’est au garant de l’unité nationale que nous nous adressons avec le ferme espoir que les décisions qui vous reviennent rectifient la dérive toujours en cours, reconnaissent les sacrifices imposés aux Français d’Algérie qui non seulement ont dû subir l’indépendance de leur pays mais aussi la carence intolérable de l’Etat français cessant de protéger leur vie et leurs biens après le 19 mars 1962. Le 26 mars rue d’Isly à Alger, un détachement de l’armée française tire sur la foule causant 49 morts officiellement dénombrés (et certainement davantage) et 200 blessés, le 5 juillet à Oran, 700 européens sont massacrés par le FLN alors que nos troupes restent consignées dans les cantonnements, au total en Algérie 1.700 européens enlevés portés disparus. Après l’indépendance, plus de 70.000 harkis ont été massacrés et 450.000 patrimoines ont été spoliés…. Nous espérons enfin que vos décisions réhabilitent la présence de l’autre côté de la Méditerranée de ces français, devenus de force des « rapatriés » dans une Métropole qui ne les attendait pas.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République l’expression de notre très haute considération.

 

Les présidentes et présidents des associations du « collectif contre la repentance » :

ROLAND ALBERT (26 MARS 1962),
JÉRÔME BRUN (ALLO),
COLETTE DUCOS ADER (GRFDA),
ODETTE GOINARD (CAPFA, MAN),
NICOLE FERRANDIS (FAMILLE DES VICTIMES DU 26 MARS 1962),
FRANCETTE MENDOZA (AUX ECHOS D’ALGER, ENFANTS DE L’ALGEROIS), JEAN JACQUES LION (CSCO),
JOSEPH PEREZ (CDHA),
CLAUDE POLI (FNR),
THIERRY ROLANDO (CERCLE ALGERIANISTE),
YVES SAINSOT (ANFANOMA),
SUZY SIMON NICAISE (MUR DES DISPARUS),
JEAN CLAUDE SIMON (ECHO DE L’ORANIE),
ROGER SOGORB (MEMORIAL DE NOTRE DAME D’AFRIQUE),
JEAN FELIX VALLAT (MAFA).

 

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