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SOUS-MARINS : L’amer constat de notre déclassement  

Posté le vendredi 24 septembre 2021
SOUS-MARINS : L’amer constat de notre déclassement   

« (Ici, en Amérique), la France est « un petit peu » vue comme un enfant qui fait sa crise, qui se roule par terre, mais qui finit par se calmer et par rentrer dans le rang parce qu’elle n’a pas le choix. Il faut être lucide, ici aux Etats-Unis, la France est vue comme un petit pays ! ». Ainsi parlait Loïc de la Mornais le 19 septembre depuis Washington sur le journal de France 2, journal du dimanche soir à vocation intellectuelle parce que piloté par l’inoxydable Laurent Delahousse, à l’heure où la chaîne nationale invite à la réflexion le public de retour de son échappée dominicale. Ce constat était lié à la crise du contrat des sous-marins australiens torpillé par les Etats-Unis à leur profit.   

Ainsi la France est infantilisée, c’est un petit pays. Par la taille sans doute, mais surtout par son prestige et son influence. Nous sommes devenus négligeables. Que faut-il faire ? Nous n’avons pas le choix ?
Il est évident que se rouler par terre en invoquant l’Europe de la défense paraît une réponse sans prise réelle sur la réalité du monde qui nous entoure. Il faut faire face à cette réalité : nous ne sommes plus en position de prééminence en Europe et encore moins dans le monde. Rugir en brisant nos alliances nous isolera et augmentera nos faiblesses.
Une vérité s’impose : la France ne peut retrouver le rang ou du moins la considération auxquels elle aspire qu’en témoignant d’une réussite reconnue parmi les nations, et donc en remettant ses affaires en ordre. La France devenue le laboratoire d’un « grand remplacement »[i] est aussi le pays du grand gaspillage. Cette évolution vers l’entropie résulte d’abord d’une grande paresse - nous sommes l’un des pays qui travaille le moins en Europe[ii] - et aussi d’une grande indolence dans l’application de nos lois et règlements multipliés à l’envie pour les rendre plus opaques et ainsi inapplicables, mais ainsi faire œuvre d’une justice immanente à la recherche d’une parfaite égalité entre tous. La France est maintenant considérée comme l’homme malade de l’Europe au regard des indicateurs concernant son économie et son déficit extérieur, la tenue des comptes de l’Etat et celles des charges sociales affectées à sa population. Nous sommes impécunieux et plaçons pourtant nos ambitions à un niveau qui nous amène à être considérés comme arrogants sinon inconséquents et chimériques. 

Observons que dans l’appel d’offres du contrat australien, nous étions en compétition avec l’Allemagne. Cette dernière avait, conformément au cahier des charges, présenté ses sous-marins conventionnels. Ces derniers auraient pu l’emporter, les Allemands rencontrant de bonnes performances à l’export dans cette catégorie où ils disposent d’une certaine expertise[iii]. L’Allemagne aurait-elle été traitée de la sorte dans les circonstances présentes, à savoir le changement invoqué de désidératas par l’acheteur ? Plusieurs arguments laissent à penser que non. Sur ce registre, ce n’est pas la dimension qui compte, mais la considération. La France a perdu toute crédibilité malgré ses efforts conséquents sur le registre stratégique pour faire face aux menaces qui pèsent sur le continent et sur le monde occidental.

Les Etats-Unis sont devenus protecteurs de l’Europe et ne manquent pas d’en reprocher la charge aux bénéficiaires. Pour le cas, ils n’en sont pas à leur coup d’essai puisqu’ils usent de leur influence pour imposer une majorité d’achats d’armements à leurs féaux du vieux continent. L’Europe est la chasse gardée de l’industrie de défense américaine. L’Amérique nous évince ainsi d’un marché européen indispensable au devenir de notre armée puisque, compte tenu de sa dimension, notre industrie de défense doit impérativement exporter pour allonger les séries de production et ainsi minimiser les coûts. L’affaire la plus spectaculaire est sans doute le choix quasi unanime du chasseur F 35 qui a évincé le Rafale sur tous les marchés européens, à l’exception de la Grèce.  

Corriger cet état de fait demandera du temps et pour l’heure nous devrons sans doute piteusement rentrer dans le rang. Le chemin de la rédemption est connu. Il effraye autant les politiques qu’une opinion publique à qui l’on a toujours affirmé que la voie de la facilité et de la limitation des efforts était celle qui convenait le mieux au « peuple le plus intelligent de la terre ».

« Depuis que la France rayonne, je me demande comment le monde entier n'est pas mort d'insolation[iv] ». Ainsi s’exprimait Jean-François Revel qui demandait ainsi à déniaiser l’opinion et opérer un constat sur nos capacités dans le monde ouvert qui est celui de l’après-guerre froide. Il prenait en dérision ceux qui considèrent que l’influence d’une nation et le respect qu’elle suscite relèvent d’une forme de privilège conféré par l’histoire. Rayonner résulte d’un passé fécond, mais aussi d’un effort constant pour être au premier rang. Un effort portant sur tous les registres qui fondent l’Etat et en particulier sur son domaine régalien : justice, police, armée. La nation doit aussi éprouver la fierté d’elle-même, manifester une conscience morale et une intelligence qui résultent de la mise en ordre de l’éducation nationale dont les classements internationaux signalent pour l’heure la désintégration. Ceci en tenant les comptes comme la ménagère du général de Gaulle[v] afin de n’être redevable à personne et de pouvoir ainsi exercer une véritable souveraineté.

 

Colonel (er) Gilles LEMAIRE

 

[i] Formulation qui fait rugir inutilement bien des « progressistes ». 

[ii] Cf : Le Point.fr du 11/12/2020, article de Marc Vignaud « Les Français travaillent-ils moins que les autres tout au long de la vie ? ». Sur l'ensemble de l'année en revanche, les Français travaillent moins, car ils jouissent davantage de jours de repos, en cumulant les congés et les RTT, notamment les cadres. Au total, ceux-ci « s'élevaient à 32 jours en France contre 25 pour la moyenne européenne en 2014 », relève la note du Trésor. « Les Français [en emploi], qu'ils soient salariés ou non-salariés, travaillent en moyenne moins chaque année que dans la moyenne des pays de l'OCDE, avec 1 526 heures travaillées pour 1 751 dans la moyenne des pays de l'OCDE en 2016 ». Par ailleurs, « En 2017, les Français partant en retraite ont en moyenne travaillé 34,5 années avant la retraite, contre 35,6 dans l'Union à 27 ».

[iii] TKMS est en particulier le leader mondial incontesté des sous-marins conventionnels, avec 60 %6 de parts de marché. Cette domination s’est construite à partir des années 1960 avec le lancement de son offre Type 209. Ce sous-marin diesel-électrique a été vendu à 69 exemplaires au profit de 14 marines (cf. Wikipedia).

[iv] https://blog.franceculture.fr/raphael-enthoven/jean-francois-revel-3/

[v] «:"La ménagère, elle veut avoir un aspirateur, un frigidaire ... et en même temps, elle ne veut pas que son mari aille bambocher de toutes parts...La ménagère veut le progrès mais elle ne veut pas la pagaille. Eh bien c'est vrai aussi pour la France : il faut le progrès, il faut pas la pagaille !... Cf : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i00012574/le-general-de-gaulle-il-faut-le-progres-pas-la-pagaille.

 

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