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OPERATION SENTINELLE : Compte rendu de la Cour des Comptes

Posté le jeudi 15 septembre 2022

De 2015 à 2021, l’opération Sentinelle a vu se succéder près de 225 000 militaires français, appartenant pour 95 % d’entre eux à l’armée de Terre, afin d’aider les forces de sécurité intérieure (FSI) à lutter contre le terrorisme islamique à la suite des attentats de 2015 sur notre territoire. Après sept années de mise en œuvre, l’opération Sentinelle présente des caractéristiques qui peuvent être décrites sommairement en cinq points.

1. Une menace toujours forte mais qui a changé de nature

En 2014 et 2015, la menace, exogène, se caractérisait par la projection d’attaques depuis le Levant. Mais depuis les revers de l’État islamique, la menace est devenue endogène, même si elle est parfois incarnée par des ressortissants étrangers réfugiés ou résidents illégaux. Depuis fin 2018, elle est portée par des individus inspirés par l’État islamique mais qui ne sont pas nécessairement affiliés à une organisation terroriste. Ainsi les forces militaires françaises déployées avec Sentinelle, depuis 2015, sur tout le territoire, mais qui ne disposent ni du renseignement intérieur, ni de pouvoirs de police, ni des armements appropriés en zone urbaine, peuvent ne pas paraître les mieux placées pour faire face à la nouvelle forme de menace. De fait, dans le cadre d’un dialogue civilo-militaire parvenu à maturité, entre les armées et les forces de sécurité intérieure, une réduction des effectifs militaires a eu lieu, portant sur la proportion de personnel déployé et non sur le volume global désigné qui reste le même. Le format a été adapté du fait d’une meilleure compréhension mutuelle de la logique d’effets et des différences de modes d’actions entre FSI et armées

2. Une réponse délibérément militaire à la menace

En même temps, les sollicitations des forces de Sentinelle se multiplient. En 2022, la présidence française de l’Union européenne a donné lieu à la tenue d’environ 400 événements. En 2023, la France accueillera la Coupe du monde de rugby et en 2024 les Jeux olympiques. Parallèlement, doivent être poursuivies des tâches - qui sont parfois reportées - telles que l’aide civile et militaire due par la France aux forces alliées transitant ou stationnant sur son territoire. Dans ce contexte, il apparaît que les forces de Sentinelle seront employées pour des missions éloignées de leur cœur de métier. La doctrine d’emploi des forces terrestres a fait l’objet d’intenses débats, lourds de conséquences pour l’outil de défense français. Le contrat opérationnel de protection n’a pu être assuré qu’au prix de renoncements. Les conditions se sont améliorées, mais la préparation opérationnelle a été touchée dans la durée. La situation internationale actuelle conduit la France à intégrer le scénario d’un engagement majeur en coalition dans une opération de coercition de haute intensité. Si l’engagement majeur était déclenché, la montée en puissance de la force d’intervention nécessiterait une réduction conséquente des engagements au titre de Sentinelle.

3. Une posture de subsidiarité à rechercher dans les domaines relevant des compétences particulières des armées

Dans l’optique d’un meilleur emploi des forces, le critère quantitatif des effectifs militaires à mobiliser, n’est pas suffisant. Les compétences spécifiques de l’armée professionnelle sont nombreuses, notamment en moyens spécialisés et en capacités de niche comme celles des forces spéciales, de véhicules blindés et de moyens aéromobiles, de capacités du génie, de moyens de protection et d’intervention contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), de lutte anti-drones, de mobilité 3D, de neutralisation, enlèvement, destruction d’explosifs (NEDEX), d’intervention anti-terroriste et de libération d’otages. Or, la plupart de ces moyens sont rarement sollicités dans un cadre où les armées seraient les seules à pouvoir les mettre en œuvre, ce qui devrait constituer le véritable critère de subsidiarité pour les réquisitionner. Le recours à Sentinelle, recentré sur des missions à forte technicité, de détection, d’observation et de renseignement en milieu naturel hostile ou inaccessible, peut être l’occasion valorisante de s’orienter vers une forme de désengagement progressif (Recommandation n°1).

4. Le transfert progressif aux forces de sécurité intérieure

Alors que les armées se concentrent sur l’hypothèse d’un engagement majeur en coalition dans une opération de coercition de haute intensité, la Cour estime qu’il n’est plus pertinent de poursuivre sans limite de temps une contribution à la tranquillité publique par un « affichage de militaires dans les rues ».

Il appartient donc aux FSI de reprendre des secteurs d’activité qui leur reviennent en priorité et pour lesquels elles sont mieux équipées qu’en 2015 dans la mesure où les moyens humains et matériels ont été significativement renforcés pour leur permettre de faire face à la menace terroriste.

Par ailleurs, une réflexion renouvelée sur le pilotage des différentes réserves opérationnelles (des ministères de l’intérieur et des armées) serait de nature à simplifier la mobilisation des différentes réserves pour des missions intérieures. (Recommandation n°2).

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Source : www.asafrance.fr

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