INTEMPÉRIES : Bilan de la participation des forces armées à la lutte contre les intempéries et les feux de forêts.

Posté le vendredi 10 juin 2016
INTEMPÉRIES : Bilan de la participation des forces armées à la lutte contre les intempéries et les feux de forêts.

Au moment où le nord-ouest de la France a connu fin mai 2016 des pluies torrentielles et des débordements de nombreux cours d’eau qui ont généré d’importantes perturbations dans les transports, 10 camions de l'armée de terre ont été déployés, le 2 juin, à la demande du préfet du Loiret pour permettre le transport de plusieurs centaines de personnes bloquées sur les axes routiers vers des zones d'hébergement d'urgence communales. Au total, ce sont 250 militaires qui sont mobilisés depuis un peu plus d’une semaine pour lutter contre les intempéries.

Cette mission de soutien est donc l'occasion de faire un bilan de la participation des forces armées du ministère de la Défense (MINDEF) à la lutte contre les intempéries et les feux de forêts (dont le programme devrait commencer fin juin) sur le territoire national et d'en tirer des conclusions, surtout  dans le contexte de resserrement budgétaire et d’Etat d’urgence dans lequel vit la France. 

La lutte contre les intempéries.

Concernant la lutte contre les intempéries et désastres naturelles, il s’agit d’un soutien occasionnel, qui est une des missions de sécurité intérieure (MISSINT), fait à la demande des préfectures sur accord du ministère de la Défense. L'objectif de cette participation des forces armées à la lutte contre les intempéries est de mettre en œuvre en toute urgence des moyens là où les services publics ne peuvent pas répondre aux besoins immédiats. Les bénéficiaires de cette participation sont les collectivités locales, notamment leur population sinistrée, les services de l’État déconcentrés, des services publics (sécurité civile1, gendarmerie, ONF, directions départementales d'équipement, CNPS2...) et des entreprises publiques (EDF, ERDF, SNCF, France Telecom...) et privées (agriculteurs...).

Le soutien des forces armées a donc été demandé face à :

  • des inondations comme dans le Sud de la France : départements de l’Ariège en mai 2007, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées, et des Pyrénées Atlantiques en juillet 2013, région Languedoc-Roussillon en octobre 2014, département de la Haute-Corse en octobre 2015...et parfois répétitives comme dans le département du Var en juin et juillet 2010, en janvier et novembre 2014 ;
  • des tornades comme à Hautmont (département du Nord) en août-septembre 2008 ;
  • des tempêtes comme dans les départements du Tarn et de la Garonne en août 2015, et surtout Xynthia en février-mars 2010 (notamment dans les départements de la Vendée et de la Charente-Maritime) et Klaus en janvier-février 2009 (notamment dans les régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées) ;
  • des chutes de neige exceptionnelles comme dans les départements du Calvados et de la Manche en mars 2013 et dans le Sud de la France en janvier 2010.

Ces missions de service public sont coordonnée l'état-major des armées (EMA) et exécutée sous la responsabilité des officiers généraux commandant les états-majors de zones interarmées de défense (EMIA-ZD) sur demande et coordination des services déconcentrés de l’État (préfectures).

Les formations engagées dans cette mission de service public3 sont essentiellement fournis par l'armée de terre notamment avec les régiments de l'arme du Génie, les unités de combat basées dans les zones sinistrées, les unités héliportées basées dans les zones sinistrées et les formations de soutien logistique. Mais aussi par la Marine nationale, l'armée de l'air et les services de santé et des essences des armées.

Cette participation a mobilisé un volume de forces allant des équipes de quelques personnels (de 5 à 30 militaires) jusqu'à des unités plus importantes d'un total de 1 000 à 1 500 militaires au maximum de la crise comme dans le Var en juin-juillet 2010, des tempêtes Xynthia en février-mars 2010 et Klaus en janvier-février 2009. En juin 2016, on compte 250 militaires mobilisés pour aider à lutter contre la crue de la Seine mais le gouvernement, à partir du moment où la crue à dépasser les 5,50 mètres, aurait pu choisir de déclencher le plan Neptune pour mobiliser 10 000 militaires.

La durée des prestations peut aller de quelques jours à plusieurs semaines : c'est ainsi que lors des intempéries dans  le Var en juin-juillet 2010, des tempêtes Xynthia en février-mars 2010 et Klaus en janvier-février 2009, les forces armées ont mobilisé leurs moyens pendant environ 2 mois.

 

Le programme Héphaïstos.

Face aux risques accrus de feux de forêts et d'incendies dans le sud du territoire métropolitain français, les ministères de la Défense et de l'Intérieur ont conclu en 1984 un protocole d'accord (reconduit régulièrement) précisant les conditions de la participation permanente et annuelle des forces armées en appui des unités de la sécurité civile (services départementaux d'incendie et de secours –SDIS- et groupement opérationnel de lutte contre les feux de forêt, formés de sapeurs-pompiers civils professionnels et volontaires, les unités d'instruction et d'instruction de la sécurité civile, formés de militaires et le bataillon de marins-pompiers de Marseille –BMPM-, formés de militaires de la Marine nationale et du SSA) et des services de l'Office national des forêts (ONF).

Cet participation répond à l'autorité des préfets de zone de défense et de sécurité, de région et de département et porte le nom « Héphaïstos » et est classée comme une mission intérieure (MISSINT) de service public. En règle générale, la participation des forces armées (entre 200 et 300 militaires) est assurée entre fin juin et mi-septembre de chaque année, c'est à dire pendant les périodes de congés des militaires nécessaire à la remise en condition du personnel militaire soumis à de nombreuses OPEX depuis de nombreuses années. La mission des forces armées a pour objectif principal de renforcer le dispositif de reconnaissance des zones à risque, de surveillance et de prévention de démarrage des feux dans les massifs forestiers où les risques d'incendie sont les plus forts et ce, dans 15 départements rattachés à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et aux anciennes régions du Languedoc-Roussillon et de Rhône-Alpes :

  • 2003 : 73 300 ha détruits
  • 2004 : 12 500 ha détruits
  • 2005 : 22 400 ha détruits
  • 2006 : 7 850 ha détruits
  • 2007 : 7 600 ha détruits
  • 2008 : 6 000 ha détruits
  • 2009 : 17 000 ha détruits : augmentation de la superficie en raison des incendies à proximité de la ville de Marseille suite à un départ de feux au camp militaire de Carpiagne,
  • 2010 : 10 300 ha détruits : augmentation de la superficie en raison des grands feux en Corse,
  • 2011 : 9 400 ha détruits
  • 2012 : 8 600 ha détruits
  • 2013 : 3 230 ha détruits
  • 2014 : 7 440 ha détruits

Conclusion.

Ce bilan met en évidence le haut niveau de disponibilité et de réactivité des forces armées et la qualité des résultats obtenus dans la lutte contre les intempéries et les feux de forêt. Mais, alors que nos forces armées sont de plus en plus sollicités, la question se pose de la pertinence d’une telle mobilisation puisque le programme Héphaïstos peut mobiliser jusqu’à 300 militaires chaque été, que les intempéries peuvent mobiliser jusqu’à 1 500 militaires voire 10 000 militaires si le plan Neptune avait été déclenché en Ile de France.

D’autant que le caractère récurrent des intempéries, des feux de forêt mais aussi d'autres catastrophes naturelles  (tremblement de terre, séisme, Tsunami) de plus en plus violentes notamment dans le Sud de la France mais aussi dans des pays étrangers (Asie du Sud-est, Caraïbes, Océan Indien...) pour lesquels notre pays pourrait être amené à apporter une aide humanitaire suppose de réévaluer nos capacités opérationnelles, dans un contexte budgétaire tendu et d’Etat d’urgence. Et il ne faut pas oublier les composantes « génie » et « héliportage » des forces armées qui demandent une modernisation constante avec notamment des matériaux de haute technologie.

Concernant les moyens humains, une solution pour soulager nos forces armées seraient peut-être de faire appel pour les opérations de manutention de lutte contre les intempéries et les feux de forêts aux volontaires de l'EPIDe et du Service militaire volontaire qui représentent une force de 4 000 jeunes et qui bénéficient d'un effort significatif de solidarité nationale (un effort d’environ 32 000 euros par personne et par an). Cette disposition permettra de décharger les unités opérationnelles notamment d'élite de ces missions et de leur faire acquérir des savoir-faire professionnels dans le domaine de la sécurité civile3. Et il existe un précédent puisque le service militaire adapté (SMA) rattaché au ministère de l'outre-mer, qui est la version ultramarine de ces 2 organismes, a été engagé dans des opérations d'assistance aux populations sinistrées lors du passage des cyclones :

  • « Dean » aux Antilles en août 2007 : le 1er RSMA a effectué des actions de déblaiement, d'élagage et de dégagement des axes,
  • « Gaméde » à La Réunion en février-mars 2007 : le 4éme RSMA a effectué des actions de rétablissement de sentiers impraticables dans les cirques du nord de l'île et d'évacuation d'habitants isolés dans des communes sinistrées.

Autre problématique : se pose le problème de la détermination précise des dépenses engagées par le MINDEF et de leur remboursement lors de la participation des forces armées à cette lutte contre les intempéries :

  • dans le cadre du PLF 2016 du MINDEF, le coût des OPINT-MISSINT4 est largement sous-évalué (26 millions d'euros),
  • il n'est pas certain que les prestations réalisées notamment au profit des entreprises, voire des particuliers, soient totalement remboursées conformément aux dispositions précisées dans le décret n° 83-927 du 21 octobre 1983 fixant les conditions de remboursement de certaines dépenses supportées par les armées.

Ainsi, le défaut de détermination des dépenses (notamment en ce qui concernent les titres 2 et 3) se traduira inévitablement et encore par des annulations de crédits de maintenance de matériels, voire de réalisation de nouveaux équipements nécessaires aux forces armées et des réductions de périodes d'activités d'instruction et d’entraînement individuel et collectif.

Source : IFRAP