1940 – 2020 : La persistance de « mal français ».

Posté le mardi 30 juin 2020
1940 – 2020 : La persistance de « mal français ».

La France est une mosaïque de peuples divers lentement constitués en Nation autour d’un État pendant le Moyen-âge, consolidé par Philippe le Bel et Louis XI. Renforcé au cours des siècles grâce à son administration, secoué par les violentes vicissitudes de l’histoire, plusieurs fois menacé de graves fractures, l’État a, après avoir dilaté la France aux dimensions d’un empire, réussi à faire entrer la Nation dans la modernité à la fin des années 50, au milieu de très douloureux questionnements toujours à l’œuvre sur les raisons de la défaite brutale de son armée en 1940.

Aujourd’hui, aux prises avec les effets d’une migration mal contrôlée dont la vague a été imprudemment libérée il y a quatre décennies ; frappé par le ressac d’une interminable pandémie ayant pris de court le pays et notre système de santé, l’État dont les fondements constitutionnels hérités des « Lumières » sont contestés par un mouvement de massification inculte et anachronique manipulé, donne sous nos yeux de très préoccupants signes de délitement.

Dans un excès de haine fulminante, toutes ses structures institutionnelles et régaliennes sont gravement menacées ; en même temps, les ferments historiques du roman national et de la cohésion du pays sont jetés aux orties ; tandis que l’ascenseur social par l’étude et l’effort individuel délabré par d’incessantes expériences pédagogiques, ne remplit plus son office d’intégration sociale.

Toutes portées par l’illusion qu’il était possible d’apprendre sans l’appoint de l’autorité et sans l’investissement personnel de chacun, les réformes accumulées ont fini par détourner l’éducation nationale de son rôle premier de transmission du savoir. L’inculture de la masse se lit dans la fureur destructrice des statues de notre histoire accablée sans nuance par l’accusation de « racisme ».

Porteuse de haine, l’ignorance manque une importante partie de l’image. Quand il était résident général au Maroc, Lyautey dont la statue a été souillée comme bien d’autres, créateur du Maroc moderne, seule grande figure occidentale dont le cercueil aux invalides porte une épitaphe en arabe, tenait l’étrier du sultan pour l’aider à monter à cheval.

L’ignorance oublie aussi que Gallieni supprima l’esclavage à Madagascar et que, de 1958 à 1968, le président du Sénat, 2e personnage de l’État, était le noir antillais Gaston Monnerville, membre du parti radical et député du Guyane.

Les vociférations ignares ne savent pas non plus – mais personne ne s’est donné la peine de le leur apprendre - qu’au Panthéon, crypte sacrée où reposent les grands héros français, la dépouille de Félix Eboué, Compagnon de la libération, quatre fois Gouverneur de 1934 à 1944, veille en compagnie du Maréchal Lannes, de Victor Hugo, de Jean Moulin et de tant d’autres que la France a reconnus comme les âmes sanctifiées de sa mémoire.  

 

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Par-dessus ces très préoccupants signes de craquements portés par l’abyssale inculture des foules manipulées, surnagent les symptômes de l’orgueil centralisé français, hérité de l’absolu monarchique. Sur-jouant l’autorité, ignorant les vrais périls d’une possible guerre civile, l’exécutif regarde ailleurs.

La convention citoyenne, fille des « Gilets Jaunes répond à l’urgence climatique. Un autre impératif politique laissé dans l’ombre est pourtant cette « fracture ethnique » qui traite la France de « raciste ».

Résonnant en un puissant écho à l'accusation de crime contre l'humanité, proférée par le Chef de l’État en Algérie contre la colonisation, elle est récemment apparue, béante, place de la République, un an après les « Gilets jaunes ». Elle était vindicative, hurlante et traversée par une haine irrépressible contre notre histoire, ses symboles et ce que nous sommes.

A Dijon, une autre blessure s’est exprimée avec une violence inédite, aux armes de guerre. Ce n’est pas fini, mais le pouvoir politique détourne les yeux, en expliquant que « sa convention citoyenne » tirée au sort est un échantillon représentatif des Français. Il se trompe. Ou plutôt il nous trompe. La Convention est une approximation politiquement correcte assez éloignée de ce qu'est notre société aujourd'hui. 

Jérôme Fourquet l'a comparée à un « archipel d'îlots qui s'ignorent les uns les autres. »

« En quelques décennies, tout a changé », dit-il « la France, à l’heure des gilets jaunes et, aujourd'hui celle des « racialisés » (c'est moi qui rajoute), « n’a plus rien à voir avec cette nation une et indivisible structurée par un référentiel culturel commun ».

Celle qui s'était rassemblée aux funérailles de Johnny Hallyday en décembre 2017, était peut-être et à la marge, proche des gilets jaunes, les casseurs « black blocs » en moins ; mais elle n'était pas celle des banlieues ; et pas non plus celle qui « défouraille à tout va » dans l’ancienne capitale des Ducs de Bourgogne, dont un gentil maire socialiste, bien sous tous rapports, a perdu le contrôle.

Ce n'est qu'un début. Les Musulmans radicaux s'organisent et arrivent en politique. Une fusée à deux étages dont le premier est « démocratique » et le deuxième « islamiste ». Enfin, par-dessus tout, il y a la vague démographique portée par l'immigration qui, depuis plus de 30 ans, modifie la France.

Pour tout dire, il n’est plus très certain plus que l'Article 1 notre constitution que certains rappellent comme pour se rassurer, « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » reflète encore la réalité de ce qu’est devenu le pays.

Une chose est sûre. Le très insistant « mal français » décrit avec cruauté et précision par Alain Peyrefitte il y a déjà 44 ans, est toujours là. Plus virulent que jamais. « L'État centralisateur a donné aux Français leur splendeur. Ils ne savent pas lui refuser ses faiblesses. Aussi avons-nous, par une étrange illusion, lentement décliné, tout en croyant monter. Tel est notre paradoxe. »

 

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Pour nous persuader de la permanence de l’affliction, faisons un retour sur un passé récent qui n’est pas si éloigné, celui de la défaite de 1940. Lorsqu’on compare la mémoire catastrophique de la défaite au présent de l’épidémie ayant bousculé la routine ankylosée d’une administration congestionnée, surplombée par le centralisme de l’État que les Français réclament tout en le rejetant, on est saisi par la persistance du « mal. »

Pour aller à l’essentiel, deux similitudes surnagent. L’arrogance qui fait le lit de l’aveuglement et l’impréparation qui prépare les désastres. Comme il s’est bercé d’illusions en 1940, le pouvoir ferme les yeux sur le danger du multiculturalisme éclaté ; en même temps, il a laissé s’accumuler les ferments du choc sanitaire.

L’Allemagne qui à ce jour déplore 3,3 fois moins de morts que nous en valeur absolue - 4,2 fois moins, rapportés au million d’habitants - avait aussi 3 fois plus de respirateurs et de lits équipés.  

L’empilement administratif du système de santé français exprime peut-être la peur de décider diluée dans un organigramme ubuesque. En tous cas, les strates administratives imbriquées paralysent à la fois la prévision et l’action en les embourbant dans l’écheveau des ornières concurrentes. Aucune n’a démérité. Toutes sont de bonne foi, mais leurs enchevêtrements diluent les responsabilités et troublent à la fois la perception des risques et l’efficacité de l’action.

De même qu’en 2020, le pouvoir jacobin a interdit aux médecins de prescrire certains médicaments et aux pharmaciens de se procurer des masques, alors que lui-même ne parvenait pas à en fournir, en 1940 le haut État-major avait interdit qu’on remette en cause sa doctrine. 

De quoi s’agit-il ? Après les hécatombes de 14-18, en France, le cœur et l'esprit n’étaient plus à l’offensive. La doctrine était la Ligne Maginot. Elle fut construite jusqu’aux Ardennes. Faute de crédits, on l’arrêta à cet endroit. Comme pour les masques dont on disait qu’ils ne servaient à rien, on expliqua alors qu’il était inutile de prolonger la fortification, puisque les Ardennes étaient « infranchissables ».

Pourtant en 1938, le général André-Gaston Prételat, commandant la 2e armée française, saisi d’un doute, organisa une manœuvre réelle mimant une attaque allemande par les Ardennes, avec 7 divisions comprenant 2 brigades de chars et 4 divisions d’infanterie. Le résultat fut incontestable. La Meuse et le massif furent franchis sans problème, en 60 heures.

L’expérience remettait en cause le dogme de général Gamelin qui répétait à tout va que « les Ardennes étaient les meilleurs obstacles antichars d’Europe ».  

Il y a pire. Quand un parlementaire alerté par l’expérience du général Prételat demanda au général Huntziger qui commandait le secteur, s'il ne serait pas nécessaire de renforcer la défense des Ardennes, il reçut une réponse écrite de l’intéressé lui signifiant qu’il n’y avait aucune raison de modifier le dispositif.

Le Général Huntziger était celui-là même qui, quelques mois plus tard, allait signer l’armistice face à Hitler dans la clairière de Rethondes dans le même wagon qu’en 1918 -. (Voir le Livre du Général Yves Lafontaine – « La bataille de Sedan. Fors l’honneur » Ed De Fallois, 2020).

L’homme imbu de son pouvoir exprimait une assurance inflexible en tous points semblable à celle de l’incroyable usine à gaz de l’administration de notre système de santé, supposé être « le meilleur du monde » - tout comme en 1940 on disait, aussi, non sans arrogance, que l’armée française était « la meilleure du monde. »

En mai 1940, le général Gamelin commandant en chef qui fut le grand organisateur de cette catastrophe puisqu’il était à l’origine de l’idée de manœuvre française, figé dans sa planification manqua totalement de réactivité.

Alors que des renseignements lui parvenaient que quelque chose se préparait face à Sedan de l’autre côté de la Meuse en Belgique, il refusa d’en tenir compte et s’accrocha à son plan initial.  L’inertie fut d’autant plus catastrophique qu’à cet endroit les troupes étaient les moins bonnes, alors que le gratin de l’armée française avec les chefs les plus brillants étaient au nord, tombé dans le piège allemand.

Pourtant Weygand, Chef d’État-major avait prévenu dès 1930 que l’armée française ne serait pas en mesure de résister à une attaque. Le gouvernement dont il a fait partie en 1940, succédant à Paul Reynaud comme ministre de la défense nationale, finit par débloquer des moyens, mais bien trop tard.

En 1939, ce qui arriva à la Pologne ne servit pas de leçon. Abritée derrière le plus puissant mur de protection jamais construit depuis la muraille de Chine, l’armée française, « la meilleure du monde », était, disait-on aussi, commandée par les généraux les plus brillants. Forts des enseignements de la Grande Guerre, les dirigeants pensaient que l’offensive n’avait pas les moyens de réduire une défense bien pensée.

Le 23 Janvier 2020, la Chine confina toute la province du Hubei. Peu après, l’épidémie se répandit en Italie où des mesures drastiques furent prises. En France, pour nous rassurer se diffusait l’idée du désordre chinois et de l’impréparation italienne. La tonalité générale était que l’épidémie n’arriverait pas en France. On se paya même le ridicule de proposer une aide à la Chine.

Une précédente ministre de la santé ayant quitté le navire alors que se levait la tempête, saisie de remords, raconta que ses avertissements ne furent pas entendus, tandis que le chef de l’État, insouciant, sur-jouant la maîtrise de soi, se rendit au théâtre en famille le 7 mars, cinq semaines après le branle-bas chinois.

Puisque le président a parlé de « guerre » rappelons le jugement lapidaire de Mac Arthur « les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard ». Trop tard pour la prise de conscience ; Trop tard pour les masques ; trop tard pour les respirateurs, trop tard pour les tests.

A ces retards, ajoutons une couche de dogmatisme jacobin et nous sommes en face de l'alchimie incurable du mal français, se répétant sous une autre forme, 80 ans après le désastre de Sedan.

D’autres catastrophes se préparent nourries par l’impudence aveuglée qui n’est peut-être que le visage d’une lâcheté. A force de répéter que la « La République française est Une et indivisible » alors que le pays éclate sous nos yeux, le risque existe que les élites françaises qui se mentent à elles-mêmes, pourraient bien précipiter la guerre civile qu’elles voulaient éviter.


François TORRES
Officier général (2s

Source : ASAF

Source : www.asafrance.fr