ARC DE TRIOMPHE : "J’ai rêvé d’empaqueter l’ossuaire de Douaumont !"

Le réveil fut difficile ! La fuite de Morphée me priva cruellement des délices de Capoue dans lesquels un rêve merveilleux m’avait plongé. Au cours de la nuit, j’étais devenu le plus grand artiste de toute l’histoire de l’Humanité. Mon talent surgi des ténèbres écrasait celui de Le Vau dans l’architecture, de Cervantès dans la littérature, de Beethoven dans la musique, de Vermeer dans la peinture et de Michel-Ange dans la sculpture. Léonard de Vinci qui, à lui seul, avait su placer son nom au firmament de son siècle dans tous les domaines des arts et des techniques, fondait d’admiration pour moi. Mon génie m’avait permis d’imaginer la plus extraordinaire œuvre d’art qu’un esprit humain n’ait jamais conçue : l’empaquetage de l’ossuaire de Douaumont;

Vous rendez-vous compte dans quels abysses de ridicule mon grandiose projet avait alors plongé celui, ô combien mesquin, de monsieur Christo, consistant à mettre sous cellophane l’Arc de Triomphe ? En effet, ce pseudo artiste bien en cour, aujourd’hui décédé, avait réussi à convaincre le président de la République, à n’emballer qu’un seul mort : ce pauvre Soldat Inconnu qui n’en demandait pas tant (1) ! Mais moi, ce sont 130 000 Poilus que je projetais d’empaqueter. « Il n’y avait pas photo », comme on dit aujourd’hui.

Pardon ? Mes propos vous choquent. Pourquoi ? Les deux démarches sont pourtant rigoureusement identiques et seule l’échelle dans la profanation varie. Les deux lieux revêtent le même caractère sacré et sont empreints de la même symbolique. L’Arc de Triomphe est l’écrin majestueux d’un tombeau qui en représente 1 400 000 autres, et l’ossuaire de Douaumont est le temple austère de la douleur où viennent se recueillir chaque année des milliers de pèlerins français et étrangers, dont beaucoup d’Allemands, auprès de ce qui reste de plus de 130 000 combattants dont les cendres, symbole d’un sacrifice commun, sont mélangées pour l’éternité. Comme sous l’Arc, à Douaumont une flamme, qui ne s’éteint jamais, symbolise la présence de ceux dont les voix se sont tues mais pas les leçons qu’ils continuent à nous prodiguer. Non, en dehors d’une « simple » question de nombre, je ne vois pas de différence entre le caractère représentatif de ces deux lieux.

Mais, vous avez raison. Cessons là cette ironie cynique et, de la même façon qu’il ne viendrait à l’idée de personne d’empaqueter l’ossuaire de Douaumont, élevons-nous contre ce projet inique d’emballage de l’Arc de Triomphe.
Souvenez-vous du saccage de l’Arc de Triomphe le 1er décembre 2018, veille de l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz, et de l’émoi qu’il avait provoqué. Le sentiment général était alors : plus jamais cela ! Faites en sorte qu’un nouveau saccage, intellectuel et, hélas, institutionnel celui-là, ne se reproduise pas.
Pour cela, membres de l’ASAF qui me faites l’honneur de lire ces quelques lignes, essayez, par tous les moyens, de convaincre vos élus locaux, les représentants de vos associations, tous les membres de la société civile avec qui vous êtes en contact d’agir pour que ce projet soit définitivement abandonné. Expliquez-leur qu’il ne rapportera pas une voix au chef de l’État dans la perspective d’une éventuelle nouvelle candidature, mais suscitera l’indignation de tous les anciens combattants, y compris des plus jeunes qui risquent aujourd’hui leur vie pour la sécurité de leurs compatriotes.

Gilbert ROBINET
Secrétaire général de l’ASA

Source : ASAF (www.asafrance.fr)

 Diffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
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(1) Christo est décédé le 31 mai 2020 à New-York, mais ses zélateurs persistent à vouloir faire exécuter son projet, toujours inscrit au titre de l’année 2021, pour l’ « honorer »

Cet article est également publié dans l'ENGAGEMENT n°131 paru cet été. Pour prendre connaissance de ce numéro cliquez ICI