ARMEE DE L’AIR ET DE L’ESPACE : Une doctrine pour agir à très haute altitude

Posté le mardi 17 janvier 2023
ARMEE DE L’AIR ET DE L’ESPACE : Une doctrine pour agir à très haute altitude

L’armée de l’Air et de l’Espace planche sur une doctrine pour agir à très haute altitude


Un pays peut faire valoir sa souveraineté jusqu’à 12 nautiques de ses côtes [au-delà, on parle de zone économique exclusive] et jusqu’à l’altitude de 66’000 pieds [soit un peu plus de 20 km]. Ce qui veut dire qu’un aéronef pouvant évoluer à une telle hauteur ne violerait pas son espace aérien.

 

Mais, à ce jour, peu d’appareils ont une telle capacité, hormis l’avion espion américain U-2 « Dragon Fly », qui peut voler à 80’000 pieds d’altitude. Par le passé, le Mirage IIIE, doté d’un moteur-fusée SEPR, était en mesure de lui tenir la dragée haute, comme il le démontra en 1967, avec l’interception, à 67’000 pieds, d’un de ces U-2 qui s’intéressait d’un peu trop près – si l’on peut dire – aux sites nucléaires français.

Quoi qu’il en soit, entre cette limite supérieure de 20 km et celle, inférieure, de l’espace extra-atmosphérique [fixée à 100 km par la Fédération aéronautique internationale et à 122 km par la NASA, l’agence spatiale américaine], tout est permis dans la mesure où cette couche n’est régie par aucun traité international. Or, d’un point de vue militaire, pouvoir y opérer présenterait plusieurs avantages, que ce soit pour le renseignement, les télécommunications ou bien encore la guerre électronique.

En effet, par rapport à ceux dont sont dotés les satellites, les capteurs emportés par un appareil capable d’évoluer dans cette couche de l’atmosphère [dont à très haute altitude] afficheraient des performances accrues [car placés plus près de la Terre] et, s’agissant des communications, le « bilan de liaison » serait meilleur, les signaux étant plus forts.

Évidemment, au regard des possibilités qu’elle offre, cette zone de « non-droit » peut devenir un champ de confrontation… dans la mesure où, par exemple, on peut imaginer qu’un « compétiteur » puisse être tenté de déployer un dirigeable stratosphérique au-dessus de Paris. Rien ne le lui interdirait…

D’où la réflexion actuellement menée par l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], laquelle est d’autant plus urgente que les progrès technologiques permettant de développer de telles capacités sont rapides.

« Jusqu’à présent, la très haute altitude n’était pas exploitée ou très peu, mais avec la multiplication des projets de ballons atmosphériques, de drones de très haute altitude, de planeurs hypersoniques ou de satellites en orbite basse, il faut ouvrir une réflexion et éviter demain une potentielle lacune capacitaire », a en effet expliqué le général Stéphane Mille, le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], lors d’un colloque organisé cette semaine à l’École militaire.

Le chef d’état-major des Armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, a commandé un rapport sur la protection – mais aussi l’utilisation – de cette couche de l’atmosphère. « Nous en avons quand même pour quelques mois de réflexion avant de savoir ce que l’on veut y faire, avant de valider une stratégie et de décliner une doctrine… On a un peu de temps devant nous mais il faut s’y atteler ! », a confié le CEMAAE. Celle-ci devrait se concentrer sur trois fonctions stratégiques, savoir « connaissance et anticipation », « protection » et « intervention ».

Probablement que ces travaux intéresseront aussi… la Marine nationale, qui a déjà eu l’occasion de faire part de son intérêt pour les drones stratosphériques [encore appelés « pseudo-satellites »]. Un tel engin « vole à 30’000 mètres d’altitude et peut rester des semaines en l’air. Il avance assez lentement, sa charge utile est assez faible, mais il va à la vitesse d’un bateau : il pourrait donc suivre une force navale, me servir, de façon assez discrète, de relais de télécommunications, mais aussi, de point d’observation afin de relever tous les transpondeurs, en voyant plus loin », avait en effet expliqué l’amiral Christophe Prazuck, qui était son chef d’état-major, en 2019.

Cela étant, cette réflexion menée par l’AAE ne part pas de zéro. L’Union européenne [UE] a ainsi récemment lancé le projet EuroHAPS, financé à hauteur de 43 millions d’euros par le Fonds européen de défense [FEDef] et coordonné par Thales Alenia Space [TAS].

Trois démonstrateurs devront être mis en point d’ici 2025, sur la base du dirigeable HHAA [Hybrid High Altitude Airship] du Centre italien de recherche aérospatiale [CIRA], le ballon AsBass du groupe allemand ESG [Elektroniksystem-und Logistik-GmbH] et le Stratobus de TAS, par ailleurs soutenu depuis 2016 par la Direction générale de l’armement [DGA].

D’autres projets sont en cours… Comme le drone stratosphérique « Zéphyr » d’Airbus, lequel a manqué de battre un record, l’été dernier, en restant en vol durant 64 jours, à une altitude comprise entre 60’000 et 70’000 pieds, dans le cadre d’une expérimentation de… l’US Army Futures Command.

En France, Hemeria développe le Balman, un ballon stratosphérique manoeuvrable, censé permettre le « survol prolongé d’une zone d’intérêt ». Et Dassault Aviation a des projets dans ses cartons, appelés « Smart Astrée » et basés sur l’avion spatial « Space Rider », la version opérationnelle du démonstrateur IXV [Intermediate eXperimental Vehicle], qui a volé en 2015.

 

Laurent LAGNEAU
Opex360.com
15/01/2023

Source photo : Opex360.com

 
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Source : www.asafrance.fr