ARMÉE : Le silence est d’or    

« Le silence de zèle, de prudence et de patience » furent définis avec habileté par Bossuet. Depuis le XIème siècle les moines ont « voix au chapitre ». Ils pouvaient ainsi participer aux délibérations et aux prises de décisions. En bref, ils ont le droit d’exprimer leur opinion. Les militaires retrouvent seulement en 1945 le droit de vote et donc, celui de porter dans les urnes leur choix politique de citoyen. C’est d’ailleurs la moindre légitimité pour ceux qui défendent au prix de leur vie celle des autres et, ultimement, l’existence de la nation toute entière.

« Dans des temps de tromperie généralisée, le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire » écrit George Orwell dans son ouvrage 1984. Or une révolution a, pour certains, semblé en marche après que des militaires de l’ancien monde se soient exprimés récemment dans les médias qui en ont fait leur miel ou leur fiel. Chacun demandait le silence dans les rangs car la parole n’est qu’au peuple. « La parole du peuple c’est la parole du souverain » disait Charles de Gaulle ! En effet c’est la parole qui est d’or tandis que le silence est de plomb selon Hervé Bazin. Voici donc autant de citations qui indiquent combien chacun peut dénigrer l’autre au nom de la trahison, de l’ambition, voire de l’éthique.  De fait, c'est une imposture pseudo-scientifique qui permet de dire à quelqu'un que ce qu'il voit ou ressent concrètement n'existe pas. Il n’en demeure pas moins que l’Etat a initialement failli dans son rôle, car si « gouverner c’est prévoir », comme l’énonçait Emile de Girardin, alors, il y a eu de malheureux manquements.

Nous sommes en guerre ! C’est ce qu’affirment à répétition ceux qui nous gouvernent. En effet, s’agissant de la menace armée sur notre sol ou à l’extérieur, le terrorisme est simultanément une forme de violence politique et une guerre asymétrique. « Afin d'exercer au mieux le métier des armes, chaque militaire doit maîtriser un ensemble de paramètres humains, culturels et techniques, notamment les règles de droit applicables aux forces armées. »

L’institution militaire, sans verser dans l’outrance caricaturale ou factieuse qui est un mot dévolu par Sainte-Beuve aux Jansénistes de Port Royal en 1848, ne reste pas en marge des évolutions sociétales, et c’est heureux car elle participe en permanence de la vie et de la défense du pays. Chacun peut reconnaître qu’il y a fort longtemps qu’elle se préoccupe du savoir-vivre pour mieux appréhender le savoir être. Les principes de commandement sont pénétrés de l’esprit de vivre en harmonie avec le souci d’adaptation, tant aux personnels qui constituent l’entité militaire, qu’aux forces ennemies en présence. En effet, comme le stipule les textes règlementaires, « Maître de sa force, il respecte l’adversaire et veille à épargner les populations ». C’est pourquoi, dans la formation du soldat, le savoir-être connait une continuelle actualisation mais ne saurait s’affranchir des limites de ce qui est attendu, permis ou interdit dans certaines situations critiques.  Voici sans doute un lieu privilégié de convergence entre l’éthos et l’éthique, en exigence directe avec les responsabilités exercées.

L’armée n’est ni manipulable, ni manipulée, car ce serait désobligeant de penser que quelques-uns pourraient impunément exercer leur emprise sur une institution de composition diverse et plurielle mais représentative sociologiquement de la nation française d’aujourd’hui et du pays réel. Sachons donc conclure avec le bon sens qui caractérisait le journaliste-écrivain Alphonse Allais et faisons nôtre en toute liberté sa maxime de sagesse en forme d’avertissement raisonnable : « Lorsque les bornes sont dépassées, il n’y a plus de limites ».

Dominique BAUDRY
Membre de l’ASAF

Diffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
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