ARMEMENT : la Pologne va-t-elle faire payer à la France les livraisons des Mistral à la Russie ?

Posté le mercredi 03 septembre 2014
ARMEMENT : la Pologne va-t-elle faire payer à la France  les livraisons des Mistral à la Russie ?

Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, se rend en Pologne pour tenter de convaincre Varsovie d'acquérir des armements français.

Au moment où le salon de l'armement de Kielce s'ouvre lundi, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian sera en Pologne pour défendre les intérêts des groupes d'armement tricolores dans un contexte géopolitique compliqué pour la France avec la crise ukrainienne.  C'est à Kielce, petite ville touristique tranquille du sud de la Pologne, que la plupart des grands patrons de l'industrie d'armement française vont faire leur rentrée à l'occasion du salon de défense MSPO Expo (1er au 4 septembre). Pourquoi un tel engouement des groupes français pour Kielce ? Parce que la France est cette année l'invitée d'honneur du salon et surtout, les industriels tricolores sont engagés dans trois très importantes campagnes commerciales : renouvellement de la flotte d'hélicoptères de transport (70 appareils), puis d'attaque (32) des forces armées polonaises, acquisition d'un système de défense aérienne et, enfin, de trois sous-marins à propulsion conventionnelle. Dans ce cadre, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian fait un déplacement de deux jours en Pologne où il rencontrera plusieurs fois son homologue polonais, Thomasz Siemoniak. Après avoir visité la base aérienne de Malbork, il dînera dimanche soir avec le ministre de la Défense polonais au château de Malbork. Puis, il rencontrera lundi le Premier ministre Donald Tusk, qui a été choisi samedi pour présider le Conseil européen, lors d'une cérémonie militaire commémorant le début de la seconde guerre mondiale. Enfin, il inaugurera le salon de Kielce, en présence de Thomasz Siemoniak et d'une belle délégation de PDG de groupes français, notamment Guillaume Faury (Airbus Helicopters), Olivier Andriès (Turbomeca), Antoine Bouvier (MBDA) et Patrice Caine, numéro deux de Thales.

Contexte géopolitique compliqué

La crise entre l'Ukraine et la Russie sera-t-elle fatale en Pologne à la France, qui a pris la décision de livrer les deux porte-hélicoptères Mistral vendus en 2011 à la marine russe ? Les différentes sources interrogées par la Tribune sont inquiètes. "La France a choisi de sauvegarder ce contrat, explique-t-on à Paris. La Pologne va-t-elle faire payer à la France le prix de ces livraisons ? Cela pèse lourd dans les relations franco-polonaises". D'autant que l'Ukraine est pour la Pologne un enjeu stratégique. Parallèlement, les relations entre Varsovie, membre de l'Alliance atlantique (OTAN), et Moscou sont à l'heure actuelle très chaotiques, le gouvernement polonais se montrant l'un des plus critiques à l'égard des événements se déroulant sur le sol ukrainien Le nouveau président du conseil européen, Donald Tusk s'était prononcé pour des sanctions efficaces à l'égard de Moscou à la suite des opérations russes en Ukraine. Le salon de Kielce et les entretiens de Jean-Yves Le Drian avec les responsables politiques polonais, très inquiets des intentions de la Russie en Ukraine, devrait donner le ton des relations entre les deux pays entachées par le dossier des Mistral. Et donc donner des indications sur les chances de réussite des industriels français.

De nouvelles relations entre la France et la Pologne

De façon générale, la Pologne a jusqu'ici royalement ignoré les industriels de l'armement français, notamment Dassault Aviation en 2002 préférant les F-16 de Lockheed Martin aux Mirage 2000. Ainsi, sur la période 2007 et 2011, Varsovie, qui achète américain, allemand ou israélien, n'a commandé à l'industrie tricolore que pour 54,7 millions d'euros d'équipements militaires, selon le rapport au Parlement sur les exportations d'armement de la France publié en octobre 2012. C'est peu, très peu. Mais à partir de 2008, la France a commencé un très gros travail de séduction après avoir noué sous la présidence de Nicolas Sarkozy un partenariat stratégique entre les deux pays. Un travail qui a été poursuivi par François Hollande et Jean-Yves Le Drian, qui ont été très régulièrement en contact avec leurs homologues polonais. De nouvelles relations qui ont permis lors de la dernière visite de François Hollande en Pologne en novembre 2013 de lancer un programme de coopération très détaillé dans plusieurs domaines, dont la défense et l'armement.

Renforcement de la coopération dans la défense et l'armement

Dans ce programme de coopération, les deux pays doivent identifier des intérêts partagés en matière de défense et de sécurité, grâce au dialogue stratégique commun renforcé, notamment par la mobilisation des directions des ministères de la défense, des états-majors, des structures d'acquisition d'armements... Trois LoI (Letter of Intent) ont été signées le 29 novembre 2013 entre les deux ministres de la défense, Jean-Yves Le Drian et Tomasz Siemoniak. Elles concernent les secteurs naval (sous-marins et corvettes), aéroterrestre (hélicoptères et équipements terrestres) et aérospatial (spatial, avions ravitailleurs, avions de transport et défense sol-air).

La puissance américaine

Mais la puissance américaine pourrait emporter la volonté des Polonais de s'ouvrir un peu plus à l'Europe en général et à la France en particulier dans le domaine de l'armement. "Vu des Polonais, les Etats-Unis, c'est leur assurance tous risques", observe un grand patron français. C'est donc peut-être un match déséquilibré que livre en Pologne la France face aux Etats-Unis. Ainsi, le constructeur Sikorsky, par ailleurs très présent sur le plan industriel en Pologne, est en compétition face à Airbus Helicopters, et le missilier Raytheon (missile Patriot), est un rival très sérieux pour Eurosam (MBDA et Thales), qui propose le système SAMP/T armé du missile Aster 30. Les Etats-Unis, qui sont à la pointe des critiques et des sanctions contre la Russie, avaient projeté dès la mi-août d'augmenter les effectifs de l'US Army en Pologne. Le 14 août dernier, le commandant des forces américaines en Europe s'était rendu en Pologne pour évoquer ce projet. Devant l'aggravation de la situation, les Etats-Unis ont décidé jeudi d'envoyer des chars et des soldats en Europe de l'Est pour tenter de rassurer leurs alliés de l'Otan, ont indiqué ce jeudi des responsables du Pentagone. Environ 600 soldats de la 1ère brigade de la 1ère division de cavalerie doivent être déployés en octobre en Pologne et dans les pays baltes pour des exercices avec des membres de l'Alliance atlantique. Les soldats de cette brigade dite des "Chevaux de fer" (Iron Horse) basée à Fort Hood, au Texas (sud), seront déployés avec des chars M-1 Abrams et des véhicules d'infanterie. La Pologne et les Etats-Unis ont signé début juillet un accord sur la mise en place d'un bouclier antimissile révisé, malgré les objections de la Russie. Cet accord permet aux deux pays de stationner des intercepteurs de missile américains en territoire polonais afin de défendre le pays contre d'éventuelles menaces de l'Iran ou d'autres parties du monde.

Auteur : Michel CABIROL Source : la Tribune

 

Source : La tribune