ARMEMENT : Le patron de MBDA s'inquiète des difficultés d'une montée en production des munitions

Posté le dimanche 05 juin 2022
ARMEMENT : Le patron de MBDA s'inquiète des difficultés d'une montée en production des munitions

Pour Eric Béranger, PDG du groupe MBDA, l'Europe n'aura pas de souveraineté sans une base technologique et industrielle de défense solide, qui pèse au côté des armées et de la diplomatie pour défendre notre mode de vie.

Président de la Commission des affaires étrangères et des forces armées du Sénat, Christian Cambon n'aura pas obtenu de réponse claire à une question simple : les villes françaises pourraient-elles mieux résister que leurs homologues ukrainiennes face à des assauts similaires à ceux des Russes ?
Auditionné par le Sénat, Eric Béranger, PDG de MBDA, le principal fabricant européen de missiles , n'a évidemment pas souhaité donner de chiffres précis sur les stocks français de munitions, secret-défense oblige. « Le 24 février, les Européens ont basculé dans un autre monde avec une prise de conscience collective des conséquences du conflit sur notre souveraineté et un changement d'appréciation sur nos besoins capacitaires », a-t-il toutefois souligné.

Premier acteur européen en munitions complexes et missiles, MBDA qui emploie 14.000 personnes pour un chiffre d'affaires de plus de 4 milliards d'euros, « est d'abord un outil de souveraineté », a rappelé son président. Seule entreprise européenne capable de rivaliser avec les grands groupes américains, comme Raytheon et Lockheed Martin, pour « fournir les capacités afin d'avoir la supériorité opérationnelle sur le terrain » que ce soit dans le domaine aérien, antiaérien et même la dissuasion nucléaire, MBDA doit réfléchir à une augmentation de sa production.


La compétence et la masse

« La souveraineté c'est la liberté d'appréciation, de décision et d'action pour protéger sa société et son mode de vie », a déclaré Eric Béranger, en émettant le souhait que la France et ses voisins réexaminent leurs besoins militaires. En se souvenant que sans industrie de défense européenne, la diplomatie et les forces armées peuvent se retrouver bien démunies. Or selon lui, la guerre en Ukraine montre qu'il faut à la fois détenir les compétences techniques, notamment antiaériennes, et la masse. « On parle de 2.500 munitions tirées par jour », a-t-il souligné. Un chiffre tel que nombre d'experts militaires prévoient d'ailleurs un gel du conflit, sans vainqueur, ni vaincu, par manque de munitions après

Côté français, MBDA a « la compétence », plaide Eric Béranger. Mais même si le secret-défense l'empêche de s'étendre, chacun sait qu'elle n'a pas « la masse ». Aucun Européen d'ailleurs n'en dispose. Jusqu'au patron du missilier américain Raytheon qui a tiré il y a quelques semaines la sonnette d'alarme. Il a estimé qu'il lui faudra cinq anspour reconstituer ses stocks de missiles antiaériens Stinger ! Les Etats-Unis auraient envoyé en Ukraine un tiers de leurs Stinger (1.400 unités livrées) et un bon quart de leurs missiles antichar Javelin (5 000 unités).

L'accès aux matières premières et aux composants critiques

Pour rassurer les sénateurs, Eric Béranger a indiqué que MBDA disposait de toutes les compétences [antichar, antimissiles, antidrones..., NDLR], y compris dans l'hypersonique, et que le groupe pourrait produire davantage. Mais sous certaines conditions. Et de rappeler que l'industrie de l'armement n'a pas le droit de faire des stocks, chaque contrat répondant à une commande. « Pour me préparer à une hausse des commandes, ma seule solution est de stocker des sous-éléments pour pouvoir assembler et livrer au plus vite », a expliqué le président de MBDA. « Nous l'avons fait pendant le Covid pour honorer nos contrats », a-t-il ajouté.
Tout en plaidant pour une meilleure organisation des commandes européennes et davantage de coopération , Eric Béranger a aussi rappelé que pour produire plus, il fallait avoir accès à certains composants et matières premières, dont la disponibilité devient critique. Aux Etats-Unis, le Congrès américain a voté en mai dernier une enveloppe de 1,1 milliard de dollars supplémentaires, dont 600 millions pour recompléter les stocks de munitions et missiles en urgence et 500 millions pour anticiper l'acquisition de composants critiques.

S'inspirer d'une procédure américaine

A ce sujet, les Etats-Unis ont aussi déclenché une procédure de « priorisation des commandes », a relevé Eric Béranger, le « Defense Priorities and Allocations System -DPAS ». Un texte qui permet d'orienter de façon prioritaire certains composants ou matières premières vers les besoins de la défense. Ainsi, un matériau rare en quantité limité peut être orienté en priorité vers Raytheon plutôt que vers General Motors, par exemple.
Un mécanisme dont pourraient s'inspirer la France et l'Europe. « Une concertation très intime avec la Direction générale de l'armement (DGA) et les armées est très importante pour bien qualifier les besoins et bien prioriser les ressources qu'on y alloue », a conclu devant les sénateurs le PDG de MBDA.

 
Anne BAUER
Lesechos.fr
2 juin 2022

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Source : asafrance.fr