ARMEMENT : Les dix grands travaux de l'armée de Terre en 2016.

Posté le samedi 12 mars 2016
ARMEMENT : Les dix grands travaux de l'armée de Terre en 2016.

Plusieurs grands programmes de l'armée de Terre vont passer des jalons importants en 2016. C'est le ce cas de Scorpion, des hélicoptères interarmées légers, du missile MMP, du successeur du FAMAS, du drone Patroller, du Peugeot P4...

 

 

Très sollicitée par les opérations extérieures (OPEX) et intérieures (OPINT), l'armée de Terre a également du pain sur la planche en 2016 pour équiper et protéger ses soldats. Et ce en dépit d'une pause dans les livraisons des grands programmes entre 2014 et 2017, à l'exception des hélicoptères Tigre et NH90 et de camions porteurs polyvalents terrestres (PPT) commandés avant 2011.

L'objectif du directeur de la Section technique de l'armée de terre (STAT), le général Charles Beaudouin, qui a été auditionné par la commission de la défense de l'Assemblée nationale, "est de proposer en 2016 la formalisation du besoin de 29 nouvelles capacités ou amélioration de capacités existantes, 32 nouvelles livraisons d'équipement dans les forces et 43 autorisations d'emploi en opération, intérieure ou extérieure".


Dans les quatre années à venir, le patron de la STAT sera particulièrement attentif à des livraisons qui vont renouveler des capacités complètes. Il s'agit de renouveler toute la gamme des véhicules des forces spéciales (commandement des opérations spéciales, COS) : le véhicule léger, le poids lourd et le petit véhicule parachutable (Fardier) qui sert à transporter les équipements. L'armée de Terre devra remplacer toute la trame portable antipersonnel et antichar, soit les moyens de tir de l'infanterie de 0 à 2 500 mètres, depuis le pistolet automatique jusqu'au missile moyenne portée à 2 500 mètres.

 

Scorpion : définition du Jaguar et Griffon en 2016

Pour le programme Scorpion, 2016 sera "une année très importante", selon le général Charles Beaudouin. La direction générale de l'armement, avec l'aide de la STAT, devra "complètement" figer la définition des véhicules blindés Jaguar, qui succédera au char léger AMX10 RCR, dont la mise en service opérationnel est attendue en 2023, et Griffon, qui remplacera le VAB. Ce qui permettra de préparer l'industrialisation de ces équipements très, très attendus par l'armée de Terre. "Cette étape constituera l'achèvement d'un travail collaboratif majeur conduit avec la DGA et le groupe momentané d'entreprise Nexter-RTD-Thales", a souligné le patron de la STAT.

En outre, le général Beaudouin a proposé à l'état-major de l'armée de Terre (EMAT) des fiches de caractéristiques militaires concernant plusieurs besoins. Il s'agit de l'expression de besoin du système de simulation Scorpion : simulation cabine et embarquée.

 

Surtout, l'armée de Terre travaille sur des variantes de matériels plus légers que le Jaguar et le Griffon, appelé Scorpion léger. C'est un programme de véhicules blindés légers tactiques polyvalents, des 4X4 d'environ douze tonnes avec une charge utile de 2,5 tonnes. Ils peuvent accompagner les blindés Jaguar, Griffon et Leclerc (voire également ci-dessous).

Enfin, la livraison des premiers exemplaires du Griffon et du Jaguar doit, a précisé le patron de la STAT, "se faire en cohérence avec nombre d'opérations en interface : les nouveaux postes de radio CONTACT, le système d'information SICS qui va remplacer les systèmes actuels, le missile moyenne portée et autres armements qu'il faudra intégrer dans les Jaguar et les Griffon, ainsi que les brouilleurs BARAGE".

 

Hélicoptères : faut-il un ou des successeur(s) à la Gazelle et au Puma

Le programme d'hélicoptères interarmées légers (HIL), a subi un "décalage très important", a regretté le général Charles Beaudouin, qui a fait remarquer que "le besoin est avéré dès aujourd'hui, bien avant 2028". Ces hélicoptères doivent remplacer les Gazelle qui ont 40 ans d'âge, les antiques Alouette III de la marine, "les dernières au monde utilisées par notre marine sur le porte-avions", les Fennec, les Dauphin et les Puma qui, pour ces derniers, ont plus de 30 ans d'âge. "Le besoin est actuel mais, l'opération ayant été reportée, nous allons appliquer des « patchs » sur les hélicoptères pour qu'ils puissent tenir", a précisé le directeur de la STAT. La cible d'acquisition serait de l'ordre de 160 à 180 appareils, dont 80 sont destinés à l'armée de Terre pour remplacer les Gazelle.

Selon lui, le défi majeur consiste à chercher à remplacer des hélicoptères qui sont aussi légers que la Gazelle et aussi lourds que le Puma par un seul hélicoptère. "Nous sommes dans une phase du programme guidée par un objectif d'état-major ; le choix reste ouvert. Va-t-on opter pour cet hélicoptère parfait, à mi-chemin entre le Puma et la Gazelle ou pour deux flottes d'hélicoptères ? La question reste à trancher", a-t-il exposé aux députés. Une seule flotte semble a priori impossible à tenir au regard des compromis opérationnels que cela va exiger.

D'autant que COS, qui utilise des Gazelle, a ses besoins propres. Des réunions seront conduites dans les prochains mois par les trois armées sous l'égide de l'EMA afin de statuer, a-t-il précisé.

 

Qui dit décalage, dit modernisation des appareils existants pour les faire tenir. Dans ce contexte tendu, le général Charles Beaudouin va proposer dans les prochains mois "un projet de besoin relatif au traitement d'obsolescence de la Gazelle qui restera en service opérationnel encore pendant quinze à vingt ans, dans l'attente de la livraison des premiers hélicoptères interarmées légers (HIL) à partir de 2028".

 

Début des évaluations du missile MMP de MBDA en 2016

 

La STAT entamera en 2016 les campagnes d'évaluation du missile moyenne portée (MMP) de MBDA qui remplace le Milan ainsi que de la roquette nouvelle génération qui remplace l'Eryx et l'AT4CS. Toute la trame roquette-missile est actuellement en phase de renouvellement. Le MMP, qui équipera notamment les Jaguar et les Griffon, sera mis en service en 2018.

"Nous le connaissons parfaitement parce que nous avons participé à la définition de ses interfaces homme-machine. Nous avons vraiment un partenariat - il faut bien l'entendre de cette façon – entre l'industriel retenu, la DGA et les armées. Il s'agit de faire en sorte que l'équipement arrive le plus vite possible et réponde au besoin", a expliqué le général Charles Beaudouin.

 

Le successeur du FAMAS sélectionné avant l'été 2016

C'est l'un des sujets les plus polémiques du moment. De nombreux politiques, notamment de droite, ont regretté le choix d'un fusil d'assaut étranger. En dépit de toute cette agitation, l'armée de Terre poursuivra cette année encore l'évaluation de l'arme individuelle future (AIF) qui va être choisie avant l'été par la DGA, pour des livraisons aux forces en 2017. En 2016, la STAT a déjà directement participé, en appui de la DGA, à un certain nombre de campagnes.

Les sous-officiers de la STAT "vont vérifier à Mourmelon le fonctionnement de ces armes en leur faisant tirer 20 000 coups", a précisé le général Charles Beaudouin. La DGA fera d'autres essais : armes dans la boue, dans le sable...

L'AIF sera une arme au mécanisme plus classique que le FAMAS et au calibre OTAN standard. Certains fusils d'assaut en cours d'évaluation sont déjà très utilisés par des armées étrangères. "Nous aurons moins de problème de sources d'approvisionnement pour les munitions", a estimé le patron de la STAT. Ces fusils d'assaut doivent pouvoir tirer précisément des munitions à 200 ou 300 mètres en opération.

"Nos soldats ont droit au meilleur (...) Ils risquent leur vie. On ne peut pas acheter des munitions moins bonnes sous prétexte qu'elles sont françaises. Or la concurrence est exacerbée et le niveau mondial très relevé. Si un Français peut s'aligner, tant mieux pour lui ! S'il est bon, il sera retenu. Et s'il est un peu plus cher que les autres ? Il appartiendra à la DGA de décider puisque c'est elle qui est responsable des acquisitions. Mais dans un marché en concurrence, il faut justifier le choix d'un fournisseur plus cher que les autres".

En outre, l'armée de Terre va enfin se séparer du pistolet automatique de la Manufactures d'armes de Châtellerault, le MAC50. Une expression de besoin concernera le futur pistolet automatique des armées.

 

Début des essais du Patroller

Avec la DGA, la STAT va entamer un plan commun d'essai et d'évaluation du Patroller, un système de drone tactique, qui devra être livré aux forces à compter de la fin 2018. Pour le patron de la STAT, qui a participé aux démonstrations du Patroller, ce drone "correspond parfaitement au besoin militaire. Je suis très content du choix du Patroller parce que je sais que nos soldats auront ce qu'il faut sur les théâtres d'opération". Le Patroller permettra de soulager le Reaper, qui est un drone MALE de surveillance mais qui assure des missions d'un drone tactique en appui direct aux opérations.

La DGA et la STAT ont également un plan commun d'essai et d'évaluation d'un minidrone qui sera le successeur du drone de reconnaissance au contact (DRAC), qui doit être livré aux forces à compter de 2018.

 

Le successeur du célèbre Peugeot P4... ne sera pas français

Face à l'urgence de remplacer les très vieux Peugeot P4 de l'armée de Terre, qui coûte très cher en maintenance (moins de 2 500 en service), le général Charles Beaudouin a estimé qu'il fallait lancer le programme véhicule léger tactique polyvalent (VLTP) "au plus vite", les premières livraisons étant "nécessaires en 2018". Soit un programme de 4 000 à 5 000 véhicules.

Tout en signalant qu'il n'y avait plus de fabricants de ce type de véhicule 4X4 en France, le patron de la STAT a alerté les industriels français pour qu'ils "présentent sans tarder des solutions".

Nous ne faisons que constater les choix de l'industrie automobile : nous n'avons pas de possibilité d'acheter des 4X4 non blindés à capacité d'emport importante de fabrication entièrement française".

Pour faire face à l'effondrement du parc de P4 et confronté au report du lancement du programme VLTP de 2014 à 2020, l'EMAT a utilisé l'an dernier le programme 178 pour financer un millier de véhicules en urgence au titre de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP). A l'image de la DGA, de mairies ou des pompiers, l'armée de Terre a choisi le Ford Ranger alors que Renault Trucks Defense (RTD) a pourtant été sollicité pour présenter le Nissan Navara, modèle équivalent à celui du constructeur américain. Nissan qui fait partie de l'Alliance Renault-Nissan, n'a "pas donné suite". Pour le patron de la STAT, il s'agissait "de faire quelque chose parce que nos régiments n'ont plus les moyens de se déplacer, par exemple pour aller au champ de tir avec des cibles à l'arrière du P4".

Le Ford Ranger était le seul véhicule "apte à répondre au besoin exprimé : un véhicule qui puisse emporter une tonne de charge utile, en comptant le poids des hommes - avec quatre gaillards de cent kilos équipés, il reste 600 kg. Vous comprenez bien qu'une Dacia ne pouvait pas répondre au besoin : avec quatre soldats équipés, il ne restait que 150 kg d'emport dans un coffre tout petit. Le seul véhicule possible était ce véhicule acheté au titre du marché interministériel, le Ford Ranger, au prix particulièrement compétitif de 26.000 euros pièce.

L'armée de Terre travaille aussi sur le remplacement des véhicules d'accompagnement : des VAB qui ne sont pas remplacés par le Griffon, des camions Renault TRM 2000, des véhicules légers de reconnaissance et d'appui (VLRA). Toute cette gamme de véhicules, aujourd'hui très âgée, constitue une part importante de la force terrestre actuelle. Les premières livraisons de ce programme sont attendues en 2020. En outre, elle étudie la succession du véhicule de haute mobilité déployé en Guyane en protection du site de Kourou au sein du troisième régiment étranger d'infanterie. Enfin, la STAT poursuivra l'évaluation du VBL Ultima en vue de livraisons aux forces en 2017.

 

Vers un allègement du poids de FELIN

Le patron de la STAT va proposer cet été l'adoption du système fantassin à équipement et liaisons intégrées (FELIN) allégé. Ce qui permettrait de gagner jusqu'à six kilos pour les soldats, qui portent entre 29 et 50 kg de matériel sur le dos. Ces équipements allégés pourront être "projeté en opération avant la fin de l'année", a assuré le général Charles Beaudouin.

Par ailleurs, "l'appui électronique au contact", une capacité que nous avons développée notamment au Mali, consiste à intercepter, écouter et brouiller en opération les groupes armés terroristes, sera renforcé "cette année par la mise en service d'un nouveau système léger et la valorisation des systèmes existants".

 

Un système de communication dédié à Sentinelle

L'état-major des armées (EMA) a lancé un programme dans le cadre d'une urgence opérationnelle au profit de l'opération Sentinelle. Il s'agit de réaliser un premier niveau de système de communication et d'information, appelé AUXYLIUM qui a été inventé par un officier depuis muté depuis à la STAT. Ce système (des tablettes très légères) utilise la technologie 4G et le smartphone et formant une bulle locale radio à haut débit réservée à la défense. Pourquoi?

Lors des attentats, le réseau téléphonique a été saturé aux environs du Stade de France.

Du coup, dans le cadre de l'Euro 2016, qui se déroulera en juin prochain en France, le ministère de la Défense sera en mesure d'équiper les soldats participant à Sentinelle "de smartphones à très haut débit mais dans une bulle totalement réservée à la défense et par conséquent non pénétrable par les réseaux Orange ou autres". Le volume d'un millier d'équipements doit être opérationnel en juin pour la protection de Paris dans le contexte des manifestations de l'Euro 2016. Ces smartphones utiliseront toutes les fonctionnalités d'un smartphone classique. Les militaires pourront se géolocaliser et être géolocalisés par leurs chefs, envoyer des messages, des films et des photos.

"Le problème de mettre une armée dans une ville, c'est que nos postes radio tactiques ne sont pas faits pour cela. Dans un environnement urbain, le poste radio PR4G ne brouillera certes pas l'activité civile, mais il connaîtra des pertes de portée énormes, aussi bon soit-il. Or il est question d'intervenir partout, y compris en étage et en sous-sol", a rappelé le patron de la STAT.

 

La montée en puissance des nouveaux systèmes d'information

Autre défi majeur pour l'armée de Terre, l'accompagnement de la montée en puissance des nouveaux systèmes d'information et de communication qui doivent remplacer toute la chaîne de commandement actuelle, du niveau de la division à celui de la section. "Une telle transition à cette échelle n'a jamais été réalisée à ce jour, a affirmé le général Beaudouin. Elle doit répondre à une attente très forte de la part de nos soldats d'une numérisation fluide et flexible, de bout en bout, intégrant la coordination des intervenants dans les deuxième et troisième dimensions. L'intégration dans les porteurs terrestres et aéroterrestres ne sera pas la moindre de mes préoccupations".

Avec ces programmes, l'armée de Terre touche concrètement à la notion de "système de systèmes" interarmes, interarmées et interalliés. "C'est un défi majeur qui exige que les décideurs et acteurs de la DGA et des armées disposent du champ d'action le plus large possible et d'une coordination très forte pour faire sauter tous les silos", a-t-il estimé.

 

De nouveaux moyens de simulation

Enfin, l'armée de Terre attend la livraison du programme CERBERE visant à renouveler les moyens de simulation du Centre d'entraînement tactique (CENTAC) de Mailly-le-camp et équiper le Centre d'entraînement aux actions en zone urbaine (CENZUB) de Sissonne de moyens de simulation. Le général Beaudouin a précisé qu'au cours du premier trimestre, un nouveau simulateur d'entraînement des postes de commandement de niveau brigade et régiment, SOULT, sera mis en service à Mailly-le-camp. "Il est fondamental d'entraîner nos équipes de commandement avant la projection. La simulation le permet et produit les meilleurs effets", a-t-il estimé. "CERBERE permettra un entraînement bien plus réaliste des sous groupements tactiques interarmes (SGTIA) et de nos groupements tactiques interarmes (GTIA) avec une réelle sanction des effets des feux par la simulation. La capacité opérationnelle de l'armée de Terre repose également sur ces centres".

 

Michel CABIROL

Source : LA TRIBUNE