ATTENTAT : L’école de la République

Posté le samedi 17 octobre 2020
ATTENTAT : L’école de la République

Le vendredi 16 octobre 2020, à Conflans-Sainte-Honorine, dans le département des Yvelines, vers 17 heures, un professeur d’histoire et géographie du collège du Bois-d’Aulne, était décapité à proximité immédiate de son établissement, alors qu’il en sortait. Dans les quelques minutes qui ont suivi, son assaillant a été abattu par des agents de la Police nationale.

 

Il ne fallut pas attendre bien longtemps pour apprendre que cet assassinat monstrueux avait été prémédité et sa victime particulièrement ciblée. Pourquoi ? Parce que  lors d’un cours sur la liberté d’expression dispensé à ses élèves de 4e dans le cadre de l’enseignement moral et civique (EMC), il avait montré à ses élèves des caricatures du prophète Mahomet. Auparavant,  il avait invité les élèves de confession musulmane à lever la main et à quitter la salle de classe s’ils le souhaitaient.

 

Dans ce contexte, je m’autorise à ne pas m’associer à la cohorte des pleureuses  qui entoure la mort de ce professeur. Certes, je condamne son assassinat abject qui est un nouvel exemple de la barbarie que ce professeur tentait, de bonne foi, de combattre, mais je m'interroge sur ses méthodes d'enseignement et, par incidence, sur ce qui se passe dans nos écoles.

 

Il veut parler à ses élèves de la liberté d’expression. Il semble que cela soit explicitement au programme, donc, très bien ! Pour autant, les caricatures de Mahomet de Charlie-Hebdo sont-elles les meilleures aides pédagogiques qui soient ? N’y a-t-il pas suffisamment d’exemples dans les livres d’histoire ou dans la littérature française, en passant par Voltaire, Rousseau ou Camus, pour parler de la liberté de conscience ou d’expression ?

 

Mais passe encore. En revanche, ce que je ne comprends plus, c’est la suite. Alors que son exemple dénonce le fanatisme de l’islam radical et donc devrait s’adresser prioritairement aux élèves de confession musulmane qui risquent, chez eux, d’être soumis à son imprégnation, il invite ces derniers à sortir s’ils le souhaitent. Selon la même logique, il faudrait donc demander, lors d’un cours sur l’Inquisition, aux élèves catholiques de sortir, sur le fascisme à ceux dont les parents sont attirés par l’extrême droite de faire de même ou encore, sur la Shoah, de ne garder que les élèves juifs, les autres, et en particulier, encore les musulmans, pouvant ne pas ressentir une particulière empathie pour les victimes concernées.

 

Demander aux élèves musulmans de sortir fut, au sens strict, une faute professionnelle. L’école de la République s’adresse à tous de façon égale. Son enseignement doit être universel. Il ne peut y avoir une sélection des élèves en fonction du sujet traité. C'est absurde et grave  car cela accrédite la thèse que la République reconnaît en son sein et, pire encore, dans ce qui devrait être son cœur, l’école, l’existence de communautés et génère elle-même des  divisions. La liberté individuelle ne peut être comprise et défendue qu’au sein d’une communauté nationale. C’est cette dernière qui garantit cette liberté de chacun car un individu seul, isolé, ne peut ni se défendre, ni même survivre : il n’est donc pas libre.

 

D’après des élèves de sa classe, et alors qu’il pratiquait cette méthode depuis plusieurs années, le contenu  du cours de ce professeur serait mal passé cette année auprès de certains parents. « Ça a été LE sujet de discussion sur Snapchat et dans la cour de récré pendant deux jours, et puis on est passés à autre chose. » déclare une élève dans le journal Le Figaro du samedi 17 octobre.

 

Ce professeur aurait reçu des menaces et en aurait rendu compte à sa hiérarchie qui n’a pas réagi. Pourtant, il aurait dû être sanctionné pour manquement à son devoir d'enseignant. De surcroît, une réaction de sa hiérarchie aurait peut-être permis de le protéger et d'éviter ce drame.

 

Devant le perron de son ministère, Jean-Michel Blanquer  a dit vouloir profiter des quinze jours de congé scolaire de la Toussaint pour préparer un « cadrage national strict » qui sera mis en place à la rentrée, le 2 novembre. Il s’agirait d’un ensemble de mesures destiné à rappeler à tous les élèves, du cours préparatoire à la terminale, « la chance qu’ils ont d’aller à l’école ». L’intention est certes louable, mais il faudrait aussi peut-être « recadrer » les enseignants en leur donnant de sérieux repères afin qu’ils évitent de se perdre en se plaçant dans des situations troubles tant ils s’y sentent contraints pour gérer  l’ingérable. Il faut leur fixer des lignes rouges à ne franchir sous aucun prétexte. L’école est la colonne vertébrale de la République. Elle forme les futurs citoyens. Si le message qui leur est délivré n’est pas limpide, alors il ne faut s’étonner de rien.

 

Gilbert ROBINET

Source photo : Site officiel de la mairie d'AXAT

Diffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
Retour à la page actualité

Source : www.asafrance.fr