ACTIVITE : Au Mali, la France résiste aux mercenaires de Wagner

Posté le mardi 07 décembre 2021
ACTIVITE : Au Mali, la France résiste aux mercenaires de Wagner

Les discussions entre la junte malienne et la société russe se poursuivent, malgré les pressions de Paris qui mobilise l’Europe.


Le dossier ne laisse aucun répit aux diplomates français. Depuis l’annonce du rapprochement entre la société de mercenaires russes Wagner et la junte malienne, Paris s’échine à empêcher l’arrivée de cette armée occulte du Kremlin à Bamako. Cette possible venue au Mali d’un millier de ces mercenaires russes spécialisés dans la lutte antiterroriste et la protection rapprochée a d’abord été une ligne rouge pour Paris, qui l’a jugée « incompatible » avec son action dans le pays.

Il ne saurait, affirmaient l’Élysée et le Quai d’Orsay, y avoir de cohabitation entre les soldats français et les mercenaires de Wagner sur un même territoire. Sous-entendu : si Wagner arrive, les Français partent. Depuis, Paris a assoupli sa position. La cohabitation avec les mercenaires russes est toujours jugée « inacceptable ». Mais plus question aujourd’hui, de quitter le Mali.  Si Wagner arrive, on restera. Partir, ce serait prendre le risque d’un échec à l’afghane. Ce serait aussi faire un cadeau aux Russes , affirme un diplomate.

Les autorités maliennes ont pour l’instant résisté aux pressions leur demandant de tenir à distance les mercenaires russes. Leur volonté de combler le départ de 2 500 soldats et la fermeture des bases du Nord, conséquence du redéploiement du dispositif militaire français dans la région, n’a pas faibli. Elles se disent prêtes à se tourner vers d’autres partenaires. « La junte veut avant tout garder le pouvoir. Nous, on pose des conditions à ce régime illégitime. Pas les Russes. Wagner est prêt à les aider à se maintenir », poursuit le diplomate. Les contacts directs entre la junte et Wagner se poursuivent. Les discussions tournent aujourd’hui autour de la question financière. L’engagement des mercenaires est évalué à 10 millions de dollars. La junte est-elle prête à céder les intérêts de ses mines, à grever le budget de l’État et à risquer de perdre ses aides internationales ? Pas sûr, espère-t-on à Paris.

Les pressions de l’Europe, qui s’ajoutent à celles des États-Unis, se sont intensifiées sur les dirigeants putschistes. Dans le Sahel, la France mise sur l’Europe pour l’aider à résister à Wagner. « Notre seule capacité dans ce monde de brutalité, c’est de peser matin, midi et soir européen », commente un diplomate.

Sanctions européennes 

Dans un rare consensus, les 27 s’apprêtent à prendre des sanctions contre Wagner lors du prochain Conseil des Affaires étrangères du 13 décembre. Ils ont aussi conditionné une aide de 24 millions d’euros destinée à renforcer les capacités militaires du Mali au respect des conditions posées, notamment une prise de distance vis-à-vis des mercenaires russes. Le Parlement européen a exhorté les États africains à couper tout lien avec Wagner. Les pays voisins devraient également manifester leurs réticences lors du prochain sommet de la Cédéao, le 12 décembre. Selon une source proche du dossier, ces pressions internationales ont nourri les « hésitations » de la junte malienne.

Paris a aussi tout fait pour convaincre les pays qui participent à la force européenne Takouba de rester au Mali, même en cas d’arrivée des mercenaires russes. Au début, certains états d’Europe orientale, très sensibles à la menace russe, avaient prévenu qu’ils claqueraient la porte de Takouba et rappelleraient leurs forces spéciales. Mais, là aussi, l’ambiance a apparemment changé. « Ils sont d’accord pour rester, même avec Wagner », confie une source proche du dossier. Kaja Kallas, la première ministre ­d’Estonie, en a parlé avec Emmanuel Macron pendant sa visite à Paris la semaine dernière. À la question « Quitterez-vous Takouba si Wagner arrive ? », elle répond : « C’est un sujet difficile. Si Wagner s’installe au Mali, notre participation deviendra très sensible politiquement. Mais la Russie utilise Wagner pour mieux diviser l’Europe. Si les Européens quittent le Mali, c’est elle qui gagne. Ce n’est pas le moment de donner ce signal. »


Isabelle LASSERRE

Le Figaro
6 décembre 2021

 

Source : www.asafrance.fr