AUDITION de Madame Florence PARLY devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale (propos liminaires)

Posté le samedi 06 juin 2020
AUDITION de Madame Florence PARLY devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale (propos liminaires)
Madame la Présidente, 
Mesdames et messieurs les députés, 
 
C’est un grand plaisir pour Geneviève Darrieussecq et moi-même de nous retrouver face à vous pour reprendre le fil de notre échange qui n’avait pas pu aller jusqu’à son terme lors de notre précédente audition, et nous vous remercions de nous avoir conviées à nouveau pour pouvoir poursuivre ce dialogue. Je veillerai à ce que mon intervention liminaire, en effet, soit la plus brève possible afin de laisser tout l’espace possible à vos questions. 
 
Je voudrais commencer d’abord par une bonne nouvelle : le Président de la République a décidé de maintenir les célébrations du 14 juillet. Et je voulais partager ce que nous en savons à ce stade : 
- Ce sera évidemment un 14 juillet réinventé et adapté aux circonstances : il s’agira d’une cérémonie militaire qui sera organisée place de la Concorde, naturellement dans le respect des règles de distanciation physique. 
- La cérémonie mettra les soignants à l’honneur et rendra hommage à toutes celles et ceux que chaque soir les Français ont honorés à 20h. 
- Il y aura un défilé aérien. 
- Il y aura également un hommage au général de Gaulle, puisque 2020 est l’année d’un triple anniversaire : le 130ème anniversaire de sa naissance, le 50ème anniversaire de son décès et le 80ème anniversaire de l’appel du 18 juin. 
- Enfin, nous avons invité l’Allemagne, l’Autriche, le Luxembourg et la Suisse à participer symboliquement, en signe de reconnaissance pour l’aide précieuse qu’ils ont apportée dans la prise en charge des patients au cours de la crise.
- Madame Darrieussecq et moi-même attendons maintenant les détails qui nous seront présentés par le gouverneur militaire de Paris pour scander les différentes étapes de cette cérémonie militaire d’un 14 juillet qui, évidemment, sera inédit. 
 
Avant de faire un rapide tour d’horizon du ministère des Armées à l’aube de cette deuxième phase du déconfinement, je voudrais aussi dire un très rapide mot du rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France. Ce rapport vous a été remis lundi. Et plutôt que de vous en dire un mot, je voudrais citer trois chiffres : 
- Le premier chiffre, c’est 8,33 milliards d’euros, c’est-à-dire le montant des prises de commandes pour 2019. J’y ajoute un commentaire : c’est un très bon résultat pour une année où nous n’avons pas exporté de Rafale.  

- Le deuxième chiffre, et j’en suis très fière, c’est 42%. 42% ce sont nos prises de commandes qui émanent de l’Union européenne. 
- Et le troisième enfin, c’est 200 000. 200 000, vous savez ce que c’est, ce sont les emplois français qui vivent grâce à notre industrie de défense, dont les exportations sont un maillon nécessaire. Et nous le savons, il nous faudra prêter une attention toute particulière à l’emploi dans les mois à venir.
 
Mais je ne vais pas plus loin, nous aurons amplement le temps de détailler ces chiffres le mois prochain lors de l’audition dédiée à laquelle vous avez bien voulu me convier.  

1. Au moment où l’activité de notre pays reprend petit à petit, j’aimerais prendre quelques instants avec vous pour revenir sur l’agilité et l’ingéniosité dont le ministère des Armées a fait preuve face à la crise sanitaire.

L’agilité tout d’abord : nous avons eu maintes fois l’occasion de souligner la rapidité du déploiement de l’opération Résilience, nous avons à plusieurs reprises souligné l’agilité du Service de santé des armées et de l’armée de l’air dans la mise en œuvre des vols Morphée, mais aussi du Service de santé des armées et de l’armée de Terre dans le montage de l’hôpital de campagne à Mulhouse qui est désormais positionné à Mayotte et où, d’ores et déjà, 5 patients sont actuellement pris en charge. 
 
J’aimerais aussi revenir devant vous sur l’agilité de l’ombre, celle dont on a moins parlé, celle de toutes et tous qui nous ont permis, non seulement de poursuivre notre activité, mais aussi d’être utile aux Français.  Je voudrais commencer par l’action décisive de la direction générale de l’armement : depuis des semaines, le centre d’expertise technique DGA Maîtrise NRBC a entièrement réorganisé son activité autour des masques destinés au grand public en procédant notamment à des tests de performance de filtration de ces masques. Le centre a rapidement augmenté sa capacité de production de tests si bien qu’à ce jour, ce sont plus de 4 000 échantillons de masques qui sont passés sur ses bancs.  Depuis le 15 avril, nous avons constaté un pic de sollicitation, et le nombre d’échantillons à tester a été multiplié par 5.
 
 
En plus de cette mobilisation exceptionnelle sur les masques grand public, je peux vous annoncer aujourd’hui que ce service de la DGA a accepté de répondre à la demande de Santé Publique France pour une nouvelle mission qui consiste à évaluer les performances des masques FFP2 pour des usages sanitaires : par conséquent dès cette semaine, les laboratoires de la DGA consacreront une journée par semaine pour tester les masques FFP2 et venir ainsi en soutien du Laboratoire national de métrologie et d’essais. Ceci montre que quand nous savons faire, quand nous pouvons être utiles, nous le faisons, sans hésitation et sans délai. 
 
Je pense aussi aux services de la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'informations, peut-être plus connue sous le nom de DIRISI, qui a su rapidement déployer les moyens et infrastructures numériques nécessaires pour répondre à un besoin essentiel, celui d’un télétravail massif dans l’ensemble du ministère, et cela en toute sécurité. 
 
Nos armées se sont aussi adaptées aux contraintes du confinement pour continuer d’attirer et de recruter. Des services d’orientation ont été rapidement déployés en ligne et ils ont porté leurs fruits : la semaine dernière, ce sont 1 700 jeunes qui ont pu signer leur contrat d’engagement dans les CIRFA de l’armée de Terre. Nous savons à quel point l’avenir peut paraître incertain pour les jeunes qui aujourd’hui sont en âge d’entrer sur le marché du travail. C’est donc un sujet qui a notre attention et nous nous mobilisons pour que les jeunes sachent que les portes de ce ministère leur sont grandes ouvertes. 
 
Enfin, le ministère a très rapidement mis en place des dispositifs de soutien à la trésorerie des PME : nous avons ainsi accéléré les paiements, et nous payons désormais les PME en quelques jours tout au plus. C’est bien la preuve que « ministère agile » n’est pas nécessairement un oxymore.  
 
Nous avons aussi su je crois faire preuve d’une bonne dose d’ingéniosité : cette crise nous a tous poussés à l’innovation, et j’ai pu le vérifier, Madame Darrieussecq également, lors de nos récents et nombreux déplacements. Je pense en particulier à celui que j’ai effectué à l’école des sous-officiers de Rochefort, qui a créé une plateforme de ressources numériques et de cours en ligne en seulement quelques jours et permis d’entretenir le contact avec quelques milliers de jeunes, avec le minimum d’inconvénients malgré le confinement.  

 
Cette ingéniosité, cette innovation au service de tous, nous la finançons également, en soutenant un certain nombre de projets qui ont été sélectionnés par l’Agence de l’innovation de défense. Il y a des solutions de tests ou de respirateurs développés par des PME très talentueuses, mais il y a aussi, je tiens à le souligner, des projets qui sont issus de nos propres rangs. Quelques exemples : deux marins ont développé un kit d’isolement pour civières embarquées lors des évacuations médicales afin de pouvoir protéger les équipages de toute contamination. Nous avons aussi une application mobile d’analyse de la voix par intelligence artificielle pour suivre l’état des patients atteints du Covid qui a été développée par un ingénieur de la DGA.
 
Par ces quelques exemples forcément trop limités, je voulais simplement saluer l’action remarquable des agents civils et des militaires de notre ministère tout au long de cette crise. 

2. Alors vous l’avez dit, Madame la Présidente, il y a aussi la résilience, la résilience de nos personnels et puis peut-être surtout celle de leurs familles. 

Pour tous les Français, le confinement a en effet pu signifier une période d’angoisses, de doutes. Et pour les familles des agents et des militaires qui ont été mobilisés ou déployés en opération loin de l’hexagone, ces doutes et ces angoisses ont été particulièrement vifs. 
 
Le Plan Famille dans ce contexte s’est montré particulièrement utile, grâce aux solutions de garde d’enfants et au soutien qui a pu être apportée par les cellules d’aide aux familles ainsi que par les travailleurs sociaux, notamment pour faciliter l’accès aux prestations sociales. 
 
Alors aujourd’hui nous avons un sujet brûlant à traiter qui est celui du plan annuel de mutation, dont il faut se souvenir qu’il concerne plus de 15 000 militaires et personnels civils de la défense, avec leurs familles. Nous avons donc pris les mesures nécessaires pour qu’il soit réalisé dans de bonnes conditions, les meilleures conditions possibles, et il sera mis en œuvre comme les autres années, en tenant compte évidemment d’un contexte qui est ce qu’il est. Je voudrais, si vous me le permettez, saluer la patience et l’engagement des familles dans ce projet de vie, une mutation n’est jamais chose simple à gérer, encore moins compte tenu des circonstances actuelles et des incertitudes actuelles. 

3. Autre point que je voudrais souligner, Mesdames et Messieurs les députés, devant vous, vous le savez, c’est que le ministère n’a jamais été en pause. Les missions ont continué d’être assurées, l’activité, dans un certain nombre de domaines, est restée constante, je pense en particulier au maintien en condition opérationnelle de nos équipements. 

Vous l’avez dit Madame la Présidente, il y a bien eu un coup d’arrêt des activités de production industrielle au moment de l’annonce du confinement, nous l’avons tous constaté. Mais les activités de support techniques et logistiques ont été très largement préservées. J’avais enjoint les industriels de défense, dès le début de cette crise, à poursuivre leurs activités prioritaires pour les missions de nos forces : le MCO était tout à fait en haut de ces priorités. Par conséquent, l’organisation du travail par bordée (qui a été le fait aussi bien des industriels que des forces) a permis de maintenir la performance du MCO aéronautique et du MCO terrestre qui était nécessaire pour mener et poursuivre nos opérations. Aucune de nos missions n’a été pénalisée par le MCO, vraiment j’insiste sur ce point. Pour ce qui concerne MCO naval, les arrêts techniques des bâtiments majeurs ont été maintenus moyennant quelques ajustements – et l’arrêt technique du Charles de Gaulle aura bien lieu comme prévu ce mois-ci.
 
Alors bien sûr il y aura des effets de long terme liée à la réduction de l’activité sur le MCO, qui n’a pas touché le MCO qui était indispensable à la poursuite de nos opérations, nous le savons et nous ne le négligerons pas. Nous devrons donc travailler de concert pour ne pas accumuler les retards sur des grandes visites et garantir la disponibilité de nos matériels. C’est une de mes priorités : j’ai décidé il y a quelques semaines d’effectuer une visite de tous nos maîtres d’œuvre industriels et c’est un des sujets majeurs que j’aborde systématiquement avec eux. 
 
C’est aussi un sujet qui sera au cœur du plan de rebond et de relance que nous préparons actuellement activement. Alors pour ce faire, nous avons mis en place une Task Force dont le nom est « sauvegarde de la BITD », dont je pense qu’il n’est pas utile d’expliquer quelle est sa fonction, si ce n’est de vous rappeler qu’il s’agit de cartographier 1500 entreprises, de les ausculter, d’identifier la nature exacte de leurs difficultés et d’envisager des solutions de soutien. Nous avons un objectif : c’est préserver les sous-traitants qui ont des compétences uniques et stratégiques. Mais je pense que nous aurons aussi l’occasion d’en reparler plus en détail. 
 

4. Enfin, je voudrais terminer d’un mot sur l’opération Barkhane. 

Pour vous dire que Barkhane continue de porter son effort sur l’Etat islamique au grand Sahara, notamment dans la région du Liptako-Gourma. Toutes nos opérations sont désormais conduites en lien avec les forces armées locales, dont le niveau et la maturité ne cessent de progresser. Il y a beaucoup de signes très encourageants de leur montée en puissance, notamment du côté des FAMA mais aussi et peut-être surtout de la force conjointe du G5 Sahel, dont nous avons souvent parlé ensemble, et dont les résultats sont très encourageants.
 
Le contexte au Sahel est aujourd’hui très particulier : je crois que j’avais eu l’occasion de le mentionner, depuis trois mois, nous observons que l’EIGS, l’Etat islamique au grand Sahara, et le RVIM, qui est la filiale d’Al Qaïda, sont entrés en conflit ouvert. En quelque sorte, les terroristes font la guerre aux terroristes. C’est une dynamique récente que nous surveillons avec beaucoup d’attention. De même que nous continuons de surveiller les agissements de Boko Haram à la frontière du Niger et du Tchad. 
 
Enfin, nous continuons de porter nos efforts sur la TaskForce Takuba. Les Estoniens et les Suédois sont avec nous, les Tchèques nous ont donné un accord de principe et ont des discussions en ce moment même avec leur Parlement. Plusieurs pays manifestent leur intérêt et envisagent de nous rejoindre. Et ce que je peux vous dire dès aujourd’hui, c’est qu’un premier déploiement de cette force Takuba aura lieu avant la fin de cet été et comprendra une centaine de militaires issus des forces spéciales. 
 
Voilà ce que je souhaitais vous dire très rapidement aujourd’hui. En résumé, l’activité reprend, nous savons que ce sera difficile, nous savons qu’il faudra y mettre toute notre énergie pour que cette remontée en puissance soit un succès. Mais nous sommes optimistes, nous avons le moral et nous sommes convaincus que c’est là que se trouve la base de la réussite.  Merci pour votre attention. 

 

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Source : www.asafrance.fr