CÂBLES SOUS-MARINS ET GRANDES PROFONDEURS : Compte rendu d’audition de l’amiral Pierre VANDIER Chef d’état- major de la Marine nationale

Posté le dimanche 25 juillet 2021
CÂBLES SOUS-MARINS ET GRANDES PROFONDEURS : Compte rendu d’audition de l’amiral Pierre VANDIER Chef d’état- major de la Marine nationale

 

Extrait du
Compte rendu d’audition de l’amiral Pierre VANDIER
Chef d’état- major de la Marine nationale
par la commission de la Défense de l’Assemblée nationale
Le 16 juin 2021

 

Câbles sous-marins et grandes profondeurs


 

(…) M. Jean-Jacques Ferrara. Comme le souligne l’actualisation stratégique, les fonds marins sont devenus des lieux de tension et de rapports de forces. Les câbles sous-marins illustrent l’importance de cette géopolitique des profondeurs, située à la croisée des ambitions des géants américains du numérique et des nouvelles routes de la soie chinoises, qui sont également numériques.

Lors de son audition, le 4 mai, Mme la ministre des armées évoquait l’enjeu crucial de la guerre des abysses et l’acquisition de nouvelles capacités sous-marines. Nos voisins s’équipent aussi. Le Royaume-Uni a annoncé la commande d’un navire dédié à la protection de ses câbles, qui devrait être livré en 2024.

Quels sont les principaux défis de cette guerre des fonds marins et ses principales manifestations au large de nos côtes, notamment au large d’Ouessant et dans le golfe de Gascogne ? Quels sont nos capacités et nos besoins en la matière ? De quelle manière la loi de programmation et son actualisation permettront-elles d’y répondre ?

(…) M. l’amiral Pierre Vandier. 

Effectivement, le CEMA m’a confié, dès mon arrivée, un mandat consistant à élaborer une stratégie de Seabed Warfare. Pour la partie économique des enjeux relatifs aux grands fonds marins, un document est en cours d’élaboration sous l’égide du Premier ministre, et un autre, concernant les câbles, est rédigé par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Pourquoi donc y revenir sous l’angle militaire ?

C’est à l’occasion des opérations de recherche de l’épave du sous-marin Minerve que nous avons pris conscience du décrochage capacitaire subi ces dernières années dans ce domaine. Les moyens de l’État – c’est-à-dire ceux de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), ceux de la Marine nationale, etc. – ne permettaient d’explorer que 2 milles nautiques carrés par jour. Nous avons donc dû avoir recours à une société américaine qui en couvrait 60 par jour. Pour une puissance mettant en œuvre des sous-marins nucléaires d’attaque ou lanceurs d’engins, disposer de capacités d’intervention et de sauvetage sur les fonds marins fait partie des outils de crédibilité.

En outre, nous nous sommes aperçus que des étrangers montraient un intérêt particulier à naviguer au large de nos côtes, juste à la verticale de câbles sous-marins. Une douzaine de gros câbles sont actuellement déployés sur les fonds sous-marins par les GAFA en Atlantique. De tels câbles transportent actuellement 98 % du trafic internet mondial Il y a là des enjeux en termes de renseignement et de surveillance de fonds sous-marins, car ces câbles peuvent être utilisés aussi à des fins de détection. Des travaux universitaires soulignent le fait que les technologies de fibres optique employées dans ces câbles leur confèrent la capacité de détecter des séismes mêmes très faibles et donc pourquoi pas de détecter le passage de sous-marins….

Notre stratégie recouvre donc plusieurs aspects. Concernant la protection des câbles sous-marins et des données, nous travaillerons en coopération avec nos alliés. Cet enjeu s’inscrit dans le prolongement de la guerre des mines – j’ai évoqué le programme SLAMF. La guerre des mines va de 0 à 200 mètres, mais certains objets très efficaces, comme les véhicules autonomes sous-marins – Autonomous Underwater Vehicles (AUV) –, tels que des gliders, sont capables de mener des missions à des profondeurs beaucoup plus grandes.

Concernant la recherche et la récupération d’objets sensibles, nous devons être capables de récupérer, avant que d’autres ne le fassent, certains débris sensibles issus de tirs en mer. Enfin, nous avons besoin de développer des solutions alternatives à la radionavigation non seulement pour nos sous-marins mais aussi pour nos bateaux. Une meilleure connaissance de la cartographie des fonds sous-marins, que ce soit leur relief ou certaines anomalies physiques, permet de recaler la navigation sans avoir besoin du Global Positioning System (GPS) ou du Galiléo européen. Plus largement, cela permet l’accès aux ressources naturelles et à leur protection – je pense notamment aux nodules sous-marins.

Toutes ces questions font l’objet d’une activité très riche de la part des grandes puissances. Les Britanniques vont d’ailleurs bientôt lancer un navire leur permettant d’inspecter les câbles sous-marins comme vous l’avez souligné.

Une première capacité exploratoire nationale va être acquise dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire. Nous allons acquérir un drone AUV performant et un Remotely Operated underwater Vehicle (ROV), c’est-à-dire un véhicule sous-marin téléguidé, capable de descendre jusqu’à 6 000 mètres de fond. L’objectif est d’obtenir assez vite une fiche de caractéristiques militaires complémentaires pour en intégrer sur le premier des nouveaux bâtiments destinés à la guerre des mines qui sera livré en 2026. Avec des adaptations mineures, il incorporera, en parallèle du système de drones de guerre des mines SLAMF, des capacités à comprendre, à agir, si besoin, sur les câbles sous-marins et aussi à procéder au relevage d’objets dans les grands fonds.

 

 Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
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Source : www.asafrance.fr