COLONISATION. Une Histoire engagée : Jules MICHELET et ses émules modernes

Posté le samedi 13 février 2021
COLONISATION. Une Histoire engagée : Jules MICHELET et ses émules modernes

Arthur Conte est l’auteur de nombreux livres historiques. Cet ancien socialiste, ministre  en 1957  et Président de l’ORTF de 1971 à 1973, a publié il y a trente ans, chez Plon, un livre sur « L’épopée coloniale de la France ». Il y décrit le scénario d’un rêve immense qui reste inscrit au cœur de notre Histoire.

Et cependant aujourd’hui chacun peut constater que la tendance est à déboulonner les statues, débaptiser certaines rues et demander à la France réparation pour le tort causé aux pays colonisés. Pour autant Arthur Comte ne néglige rien des écarts de gouvernance qui ont pu avoir lieu, des errements ou des abus. Il pointe trois raisons de l’incompréhension coloniale.

 

Entamée en 1945, la, « décolonisation » est effective depuis 1960 et cette mutation n’a sans doute pas toujours porté ses fruits économiques aux peuples autonomes. En outre nombre de conflits ethniques ou régionaux  ont fragilisé et meurtris les nouveaux états. Ensuite il ne semble pas que les jeunes générations de France comme des anciennes colonies aient été instruites sur la période historique. Elles n’en gardent de part et d’autre qu’un « inadmissible mépris » et un sentiment de culpabilité ou de spoliation. Et l’ancien ministre de conclure « Ce n’est pas un hasard si le plus grand et le plus efficace, Jules Ferry, en même temps qu’un prodigieux « conquérant colonial » fut également l’architecte de notre école laïque. C’est qu’il comptait d’abord « servir l’esprit, la justice et le peuple ». Plus près de nous, le 24 août 1958, le général de Gaulle engage à Brazzaville la décolonisation de l’Afrique subsaharienne. « Il est naturel et légitime que les peuples africains accèdent à ce degré politique où ils auront la responsabilité entière de leurs affaires intérieures, où il leur appartiendra d’en décider eux-mêmes ». Le processus prendra fin en 1962 et cependant il reste d’une actualité idéologique brûlante soixante années plus tard.

 

Aujourd’hui  les débats autour de la colonisation ont évacué les faits historiques concernant l’action de la France en faveur de la santé, de l’éducation, des infrastructures et du développement économique aussi ne reste-t-il dans les esprits que le lien entre la colonisation et l'immigration. Le sujet est très idéologique, donc polémique, voire devenu frénétique dans l’espace public français. Au milieu du siècle dernier, la France était aux prises avec les guerres successives d’Indochine, les « évènements » du Maroc et de Tunisie et surtout « la guerre » d’Algérie dont la dureté et le contexte historique semblent oubliés. Il ne reste qu’un traumatisme vivace qui est désormais l’enjeu de positionnements politique, diplomatique et stratégique de part et d’autre  de la Méditerranée et, côté français, souvent dans une ambiance de repentance. Alors, certains font fi du devoir de mémoire pour ces soldats de toutes origines envoyés au combat sans qu’aucune politique, ni aucun but de guerre, n’eut été défini par les gouvernements successifs de la IVe République, notamment ceux de Pierre Mendes-France et Guy Mollet. Aujourd’hui certains de ces soldats du contingent sont souvent oubliés, négligés parfois même « disparus administrativement » pour leurs familles et descendants comme le souligne l’Association Soldis. (1)

 

Sans doute pourrait-on écrire l’Histoire des guerres de la décolonisation à la manière de Jules Michelet (1798-1874) « un penseur qui fait progresser le monde ». Michelet s’est en effet  distingué non seulement par ses conceptions historiographiques, mais encore par ses convictions politiques. Il est l’auteur de nombre d’ouvrages historiques, parmi lesquels une monumentale Histoire de France, qui ont renouvelé le but et les méthodes de l’histoire. Partisan de la « résurrection de la vie intégrale » (dixit), il avait pour ambition non seulement de faire renaître une époque dans ses moindres détails, en explorant toutes les archives, mais aussi de dépasser l’histoire politique pour envisager l’aspect sociétal comme l’on dit aujourd’hui. Sa vision perfectionniste souffrit parfois de la partialité de ses fortes convictions anticléricales et républicaines. A la suite du coup d’Etat de 1851, il fut mis à l’écart, mais reste dans les mémoires un porte-drapeau de « l’autorité du peuple et de la démocratie ».

La guerre n’est ni un récit épique, ni un manifeste poétique, mais bien l’aboutissement d’une décision politique prise dans le contexte d’une époque dont les conséquences ne peuvent être assumées par les lointains descendants de toutes les victimes civiles et militaires d’un passé traumatisant. Ce serait, en outre, risquer de nier gravement l’action géostratégique des opérations extérieures d’aujourd’hui, dictées par le pouvoir politique à notre armée, dont on viendra peut-être, dans quelques décennies, remettre en cause la raison au nom d’une autre déraison. Alors évitons de faire une guerre mémorielle inutile. Sur le monument aux morts d’un petit village breton on peut lire cette simple épitaphe de mots lourds de sens, « Mathieu, tué dans le djebel Amour, Algérie 1961 » (2).  Il avait vingt et un ans.

Dominique BAUDRY
Colonel (er) membre de l’Asaf

 

  • Selon l’association Soldis-Algérie créée par le général Henri-Jean Fournier, "il n'existe aucune liste officielle des disparus français de cette guerre. Le secrétariat d'État aux anciens combattants estimerait leur effectif entre 500 et 1 000 hommes".
  • « Là-haut » de Pierre Schoendorffer, édition Grasset.

 
Diffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
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Source : www.asafrance.fr