CONFLITS : Préparer la guerre de haute intensité

Posté le jeudi 15 avril 2021
CONFLITS : Préparer la guerre de haute intensité

Les militaires français, dont les effectifs ont fondu, se préparent à un retour des conflits de haute intensité.

La préparation d’Orion a déjà commencé. L’exercice n’est pourtant prévu qu’au premier semestre 2023. Mais l’armée de Terre compte déployer entre 5 000 et 7 000 militaires pendant quatre mois avec peut-être un pic à 10 000 hommes. La montée en puissance va prendre du temps. Ce sera le premier exercice « au niveau divisionnaire » depuis plus de trente ans en France. L’armée entend ainsi renouer avec la « masse », c’est-à-dire l’un des enjeux probables des conflits de haute intensité qu’elle envisage désormais. En un seul exercice, l’armée de Terre compte mobiliser autant d’effectifs que pour toute l’opération Barkhane au Sahel. L’enjeu sera tactique et logistique.

Orion se déroulera sur des camps militaires mais aussi en « terrain libre », une autre première depuis des années. « Nous aurons aussi des manœuvres “Pokémon”, avec des hologrammes. Nous commençons à y travailler », expliquait, il y a quelques semaines, le général Vincent Guionie, le commandant des forces terrestres, lors d’une rencontre avec des journalistes défense. À l’image du jeu vidéo, les militaires pourront s’exercer en extérieur avec des cibles virtuelles. L’entraînement se fera aussi avec des instruments de simulation.

Si de nombreux programmes d’armements ont été lancés pour remettre à niveau les armées françaises, leur modernisation ne pourra pas être seulement technologique. Elle passe aussi par le défi du nombre. « Pour être le plus dissuasif possible (…), nous devons poursuivre notre modernisation en profondeur, tant dans notre capacité que dans notre doctrine, pour surclasser nos adversaires », expliquait, fin 2020 au Sénat, le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Thierry Burkhard. « Nous devons ensuite changer d’échelle dans le volume et le niveau des unités que nous engageons, ainsi que dans les menaces à prendre en compte et dans l’entraînement que nous devons conduire. Ce changement d’échelle mobilisera mes efforts dans les mois et années à venir », disait-il. L’engagement de quelque 80 000 soldats par la Turquie contre les forces kurdes à sa frontière, en 2019, avait laissé songeur l’état-major français : c’est plus que la force opérationnelle terrestre, c’est-à-dire la capacité de combat de l’armée de Terre (77 000 soldats). À la frontière de l’Ukraine, la Russie amasse actuellement près de 100 000 soldats pour faire résonner le bruit de leurs bottes.

Même si elle n’agirait pas seule face à un adversaire majeur, l’armée française part avec un handicap certain au jeu de la masse. Depuis les années 2000, ses effectifs ont fondu, passant de 330 000 personnes à 263 350 en 2015. Si la pente a été inversée, la remontée est timide depuis : 268 294 personnels. Le recrutement et la fidélisation des militaires dans leur carrière sont devenus un enjeu stratégique. « Il s’agit désormais de recruter en qualité et en quantité dans un environnement concurrentiel et en dépit du caractère parfois excessivement restreint du vivier de talents », souligne le colonel Michel Pesqueur dans une note de l’Institut français des relations internationales (Ifri) sur les ressources humaines au sein des armées.

« Arbitrages entre quantité et qualité » 

Le renseignement et le domaine cyber sont les principaux bénéficiaires des augmentations d’effectifs - 6 000 postes en tout - décidés dans la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. En nombre de matériels disponibles, les armées devront aussi compter sur des moyens plus réduits, même s’ils sont technologiquement plus performants. Les 1 872 Griffon vont ainsi par exemple remplacer les 2 700 véhicules de l’avant blindés.

« L’armée de Terre est concernée par la haute intensité capacitaire et doit, à ce titre, effectuer des arbitrages entre la quantité et la qualité », lit-on dans les conclusions d’un séminaire de l’Observatoire de l’armée de Terre, qui s’est tenu en janvier sur la haute intensité.
Trois paramètres entrent en ligne de compte : « l’environnement opérationnel, qui sera d’abord plus létal, réintroduisant les questions de l’attrition, de la survivabilité, de la furtivité et, in fine, de l’épaisseur nécessaire », la nécessité pour les forces terrestres d’être « plus autonomes » des appuis aériens et maritimes, et, enfin, la complexité imposée par la lutte dans les champs immatériels.
Orion testera toutes ces dimensions.



 Nicolas Barotte
source : Le Figaro

Sourec photo : Ministère des Armées

 Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
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Source : www.asafrance.fr