Confusion entre Vichy et la France, un discours officiel consternant. LIBRE OPINION de François BROCHE

Posté le dimanche 05 août 2018
Confusion entre Vichy et la France, un discours officiel consternant. LIBRE OPINION de François BROCHE

Vichy : une triste parenthèse !

 
Craignant sans doute que le discours du Premier ministre, prononcé au Vél’d’Hiv’ le 22 juillet, ne bénéficie pas de l’audience souhaitée, les Fils et Filles des Déportés juifs de France ont acheté deux pleines pages du Figaro le 26 juillet afin de le publier intégralement. C’est un très long discours, plein de bonnes intentions – notamment dans la dénonciation de l’antisémitisme, qui a survécu à l’effondrement du nazisme, même si Edouard Philippe s’abstient de préciser que la haine des Juifs est aujourd’hui principalement le fait de musulmans plus ou moins extrémistes – mais aussi d’approximations et d’erreurs, dans la continuité des consternants discours de Jacques Chirac, François Hollande et Emmanuel Macron.
 
Ainsi, après avoir rappelé que les principaux coupables de la rafle de juillet 1942 se nomment Laval, Bousquet, Leguay, Darquier de Pellepoix et Emile Hennequin, Edouard Philippe ajoute qu’ils sont français, que les policiers chargés de l’exécuter sont également français et qu’aucun Allemand n’a participé à la rafle. Hélas, comme avant lui Chirac, Hollande et Macron, il tire de ces prémisses indéniables, une conclusion scandaleusement fausse : « Durant ces jours sombres, la France a trahi».  Elle aurait trahi ses citoyens, ses valeurs, les Juifs de France… Et le Premier ministre en rajoute : « En les trahissant, la France s’est abîmée. Elle s’est perdue. » Elle se serait « perdue » en organisant le départ des convois pour Auschwitz, en imposant le port de l’étoile jaune, en organisant les rafles de Juifs…
 
On ne peut qu’être confondu et profondément choqué par tant d’ignorance et de mauvaise foi. On ne se lassera en effet jamais de rappeler que le régime de Vichy, ce pouvoir de fait fondé sur l’acceptation de la défaite et de la collaboration avec l’occupant, sur le rejet de la République et de la démocratie, sur la répression de plus en plus dure de toutes les oppositions, sur les discriminations de catégories de plus en plus étendues, sur la traque des Juifs, n’a jamais représenté la France des valeurs chrétiennes, du respect de la personne humaine et des Lumières. Illégal et illégitime dès le début, il n’a jamais possédé les prérogatives de tout Etat libre et souverain. Il est à jamais demeuré « nul et non avenu », selon l’heureuse formule du général de Gaulle en 1944. Il n’est qu’une triste parenthèse dans notre histoire. L’identifier à la France, c’est commettre la grave faute de le légitimer.
 
On ne se lassera jamais de rappeler que la France de toujours, « la France éternelle » chère à Charles de Gaulle et à tous ceux qui l’ont suivi dans son combat pour la libération du territoire national n’était pas à Vichy mais partout où des hommes et des femmes se battaient pour la liberté : sur les champs de bataille d’Afrique, d’Italie, de Provence, de Normandie et des Vosges ; dans les réseaux de Résistance et dans les maquis, mille fois décimés, mille fois renaissants ; avec les "Justes", ces héros anonymes qui sauvaient les Juifs persécutés ; dans les mines et dans les usines, où les ouvriers refusaient de prendre part à l’effort de guerre allemand ; dans les camps de la mort, où les corps étaient avilis, torturés, anéantis, mais dont le cri ne cesserait plus de nous hanter.
N’est-ce point outrager gravement leur mémoire que de rendre l’ensemble des Français collectivement responsables d’un crime dont seule « une poignée de misérables et d’indignes » (de Gaulle) au service de l’occupant s’est rendue coupable ?

 François  BROCHE
(Magistro)
Journaliste, historien


Dernier ouvrage: Vél’d’Hiv’, 16 juillet 42, où était la France ?


François Broche est conseiller de la rédaction de L’Ena Hors les murs revue de l’association des anciens élèves de l’Ena (depuis 1999) ainsi que membre du conseil d’administration de la Fondation de la France Libre et du conseil scientifique de la Fondation Charles de Gaulle.

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr