CONTRIBUTION du Général (2S) Air Vincent LANATA, au débat sur la Défense, à l'occasion de campagne pour l'élection présidentielle.

Posté le mercredi 15 mars 2017
CONTRIBUTION du Général (2S) Air Vincent LANATA, au débat sur la Défense, à l'occasion de campagne pour l'élection présidentielle.

Défense et campagne présidentielle

 

La campagne électorale pour la « présidentielle » est la plupart du temps l’occasion pour les candidats de présenter un programme qui devrait porter sur tous les départements de l’Etat. Je ne peux que remarquer que dans tous ces programmes plus ou moins étoffés ou crédibles, ne figure jamais une rubrique qui me parait essentielle, celle de la Défense ; pour « cocher la case » certain candidats effleurent le sujet en casant un porte avion ici ou quelques effectifs supplémentaires là, et le tour est joué !

Non messieurs et mesdames les candidats, il ne s’agit pas de simplement évoquer ce sujet et de passer rapidement aux suivants : il s’agit en réalité de la protection de notre Nation, de celle des hommes et des femmes de notre pays qui sont en droit d’attendre de ceux qui vont les diriger qu’ils prennent en compte le problème aujourd’hui – comme hier d’ailleurs- crucial de leur SECURITE. Mais au-delà de la simple sécurité il s’agit de la place de la France dans le Monde, du maintien de son rayonnement, du respect que nous devons aux pays qui nous font –encore- confiance.

Ce sujet de la Défense devrait être central dans les circonstances actuelles où le monde est de plus en plus dangereux, où la menace du terrorisme est de plus en plus forte et où nous commençons à sérieusement « flirter » avec un risque de conflagration majeure ; or dans les faits il ne l’est pas parce que je pense que la Défense et plus particulièrement les Armées ne font pas bouger une voix dans le pays ; il est donc plus important pour un candidat de parler de revenu universel, de pouvoir d’achat, de maintien ou non des 35 heures ou de l’ISF, … sujets certainement importants et intéressants mais qui ne pourront être traités que si le pays est en sécurité.

Depuis quelques années la voix de la France est inaudible dans le Monde et en Europe.

Dans le monde, notre pays brille par l’absence de réactions ou des  prises de positions à contre temps en faveur de voies sans issue.   Pour ce qui est de l’Europe, qui, c’est une évidence, ne se porte pas pour le mieux, qu’attend la France, héritière de Jean Monet et de Robert Schuman pour prendre des initiatives et proposer la réalisation d’un grand projet ? Notre survie passe par l’Europe, et il est désolant de constater que certains partis prônent notre sortie de l’Union : que ferons nous dans notre petit pays derrière les dérisoires barbelés de nos frontières au moment où dans le monde se constituent de grandes entités, où toutes les grandes industries sont transfrontières,  où les USA ne se cachent plus pour porter des coups à l’organisation européenne ?

Je suis convaincu que nous avons le devoir de construire une Europe Fédérale en partant d’un noyau de 2 à 6 pays puis en en agrégeant progressivement d’autres, opération qui prendra du temps, mais il est urgent d’affirmer une forte volonté politique. Il y a dans notre Histoire de même que dans celle de la plupart des pays européens une logique historique qui a vu se constituer les grands pays par des agrégats successifs de provinces, de duchés ou de royaumes la plupart du temps antagonistes ; cette logique implacable doit présider à la construction de l’Europe, sans quoi, nous disparaitrons et nous deviendrons de simples pays axés sur le tourisme. Est-ce la vocation de la France ? Il me semble, que seule une  structure fédérale dotée d’une gouvernance forte est à même de mettre sur pied non seulement une diplomatie, mais également  une Défense Commune, digne de ce nom. Dans cette nouvelle entité la France jouerait un rôle principal car elle est la seule à posséder une Force Nucléaire de Dissuasion indépendante qui deviendrait le garant de l’indépendance européenne. Je sais que ce n’est pas pour demain, mais il faut déjà préparer les échéances futures et affirmer une forte volonté politique.

S’agissant plus particulièrement de la Défense et des armées, il faut bien reconnaître que pendant le quinquennat précédent les réductions drastiques d’effectifs ont eu et ont encore des conséquences dramatiques ; au cours du quinquennat actuel des réductions étaient encore prévues, mais les attentats et autres opérations ont vu le gouvernement, fort heureusement, faire marche arrière et préserver voire augmenter les effectifs et inverser la courbe de réduction des crédits ce qui a permis de donner un peu d’air aux armées ; malgré ce, les armées sont aujourd’hui exsangues du fait de la surcharge des missions.

Mais il n’y a pas que les effectifs il y a en effet les lacunes en matière d’équipement qui affectent nos capacités : vétusté des matériels de l’armée de terre, manque de ravitailleurs, de drones pour le renseignement ce qui nous rend tributaire des américains sur certains théâtres, dégradation des moyens de la marine outremer, volume de l’aviation de combat… et on peut citer bien d’autres. Alors, les candidats   qui finalement se rendent compte de ces difficultés, parlent de faire passer le budget de la Défense à 2% du PIB, ce qui est très bien, mais quand ? C’est aujourd’hui qu’il faudrait les 2 % ! Ce n’est pas en promettant quelques améliorations et l’acquisition d’un nouveau porte-avions que le problème sera résolu.

S’agissant du porte-avions, je me pose la question de savoir quelle est son utilité : la politique de défense de la France est –et restera- centrée sur le bassin méditerranéen, le Moyen Orient et l’Afrique : toute ces régions sont équipées en terrains d’accueil et les opérations aériennes peuvent se faire à partir de bases au sol, et lorsque les objectifs sont lointains, en Afrique par exemple, le ravitaillement en vol permet les missions (exemple ce qui s‘est fait au Mali où ce sont des appareils partis de métropole qui ont attaqué). Dans ces conditions, pourquoi, compte tenu des restrictions budgétaires, vouloir se lancer dans la construction d’un 2ème porte-avions dont l’utilité se limiterait à assurer la relève de celui qui est indisponible pour cause de maintenance ? Ce serait une dépense très importante totalement inutile. Par ailleurs il faut savoir que pour exécuter le même nombre de mission d’attaques journalières, ce sont près de 4 000 personnes déployées pour le porte-avions et son environnement alors que, un peu plus de 400 sont nécessaires pour une base à terre.

Je pense qu’il est temps que nous prenions conscience que nous n’avons plus les moyens de financer et d’entretenir des instruments de prestige.

 

S’agissant des capacités et des ressources, je reste convaincu que le nouveau quinquennat devra dès les premiers jours lancer un nouveau Livre Blanc qui prendra en compte les évolutions majeures survenues depuis cinq ans et, à partir de ses conclusions bâtir une nouvelle Loi de Programmation Militaire.

 

Mais la Défense c’est aussi cultiver l’esprit de Défense, en particulier auprès de la jeunesse en créant un service que l’on pourrait appeler civique, durant lequel pendant 3 ou 4 mois, tous les jeunes français, garçons et filles, consacreraient du temps à la Nation : taches de surveillance de points sensibles, aide à le gendarmerie et la police pour par exemple la surveillance à la sortie des écoles, taches environnementale( nettoyage des rivières etc…) c’est, me semble-t-il, la moindre des choses que l’on puisse demander à notre jeunesse.

La Défense c’est encore aussi celle de notre Culture, oui Monsieur Macron. il existe bien, quoi que vous disiez, une Culture de France qui s’est bâtie au cours des siècles, de Molière à Voltaire et Rousseau, de Châteaubriand à Victor Hugo et Zola, de Desnos à Aragon, nier cette culture pour  flatter on ne sait quel corporatisme,  est insupportable ; cette brillante culture  qui a rayonné et  rayonne encore dans le monde, mérite d’être défendue avec acharnement pied à pied, au risque qu’elle disparaisse un jour et nous avec.

La Défense c’est encore et enfin connaître notre Histoire et la faire apprendre : savoir d’où nous venons, comment nous sommes arrivés là, quelles sont les souffrances que le pays a endurées pour être ce qu’il est aujourd’hui : est-ce trop demander à l’Education Nationale de faire un effort en ce sens ? J’ai bien peur d’être trop exigeant car les vents de l’idéologie me paraissent contraires ! Cela éviterait à certains de tenir des propos tout à fait incongrus, et chose aggravante à partir d’un territoire étranger, sur la colonisation qui fut un « crime contre l’humanité » : de tels propos me paraissent disqualifiants.

Il ne suffit pas en effet d’être bon orateur, d’enflammer les foules la voix cassée, les bras en croix, il faut avoir un minimum de respect pour ce que nos pères ont fait  pour la grandeur de la France toujours avec à l’esprit de créer de soigner, d’enseigner, de bâtir pour le bien de tous.

Enfin le prochain Président sera, comme ses prédécesseurs, le Chef des Armées, et il lui faudra avoir les épaules larges pour faire face aux décisions difficiles à prendre, devant lesquelles les envolées lyriques de campagne sont dérisoires.

Voici –me semble- t-il- ce que l’on devrait retrouver dans les discours  de campagne de nos candidats.


Général d’Armées Aérienne (cr) Vincent LANATA
Grand Croix de la Légion d’Honneur 
8 mars 2017

Source : Général d’Armées Aérienne (cr) Vincent LANATA