Coopération franco-allemande en opérations extérieures. EXTRAIT d’audition du chef d’état-major des Armées.

Posté le dimanche 09 septembre 2018
Coopération franco-allemande en opérations extérieures. EXTRAIT d’audition du chef d’état-major des Armées.

Mme Sabine Thillaye, députée, membre de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale

Ma question concerne la coopération franco-allemande dans le cadre d’opérations extérieures. La brigade franco-allemande sera déployée en septembre prochain dans la bande sahélo-saharienne, ce dont on peut d’ailleurs se féliciter. Cette coopération sur le théâtre africain démontre qu’une volonté partagée de participer à la défense européenne est en train de naître. On peut néanmoins constater que soldats allemands et français, s’ils seront bien déployés conjointement, seront actifs dans des missions complémentaires mais pas tout à fait ensemble sur le terrain. Les Allemands participent plus particulièrement aux missions de l’ONU, notamment la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), et aux missions de l’Union européenne (instruction et entraînement de l’armée malienne). Quelle est donc votre analyse opérationnelle de la brigade franco-allemande et plus largement, de cette coopération en matière d’opération extérieure ?

D’autre part, nos deux gouvernements travaillent actuellement sur l’actualisation du Traité de l’Élysée, auriez-vous des vœux particuliers à émettre à ce sujet ?

 


Général François Lecointre, chef d’état-major des Armées

Les armées françaises et allemandes n’ont objectivement ni les mêmes capacités opérationnelles, ni le même esprit de combat. Cela s’explique par différentes raisons ; certaines tiennent pour partie aux procédures constitutionnelles d’engagement des forces, d’autres ont trait aux règles qui régissent la vie de nos armées : par exemple, les règles européennes sur le temps de travail sont appliquées aux militaires allemands mais pas aux militaires français, et il importe à mes yeux qu’il en reste ainsi pour les armées françaises. L’histoire, elle aussi, contribue à expliquer cet état de fait.

Nous n’avons pas d’autre choix que de tenir compte de ces contraintes dans l’emploi de la brigade franco-allemande. À mon sens, il est pragmatique d’engager cette formation sur un théâtre d’opération en tant que telle, dans toute sa cohérence organique, et d’employer chacune de ses composantes au mieux. En effet, au sein de cette brigade, unités françaises et allemandes se connaissent bien et ont l’habitude de travailler ensemble. Mais il serait contre-productif de chercher à forcer la main des Allemands en demandant d’eux des engagements dont ils ne sont aujourd’hui pas capables pour des raisons politiques.

L’option retenue aujourd’hui me paraît donc meilleure que de chercher à « tordre le bras » aux Allemands ; ne faisons pas de mauvaises manières à nos partenaires, entraînons-les avec nous, et espérons qu’ils évoluent peu à peu, au fur et à mesure des engagements conjoints. D’ailleurs, la contingence des circonstances peut pousser nos partenaires à s’engager davantage, par nécessité : même si on refuse par principe les missions de combat, on peut dans certaines circonstances ne pas avoir le choix. Tel est le cas, par exemple, pour la MINUSMA : si les casques bleus nous paraissent avoir une posture peu offensive, ils subissent en réalité de dures attaques et leurs pertes sont lourdes. En tout état de cause, de tels engagements créent les conditions d’un processus d’aguerrissement commun qui ne peut être que positif. D’ailleurs, c’est le même esprit de pragmatisme qui inspire l’initiative européenne d’intervention.


Extrait d’audition du chef d’état-major des Armées du 17 juillet 2018

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Source : www.asafrance.fr