COOPERATION : Histoire de la coopération militaire franco-britannique

Posté le dimanche 26 mars 2023
COOPERATION : Histoire de la coopération militaire franco-britannique

France - Royaume-Uni
Une coopération militaire à l’épreuve de l’Histoire

 

Ennemis puis alliés incontournables, la France et le Royaume-Uni possèdent une histoire militaire riche et mouvementée. Explications du capitaine de vaisseau Julien Lalanne de Saint-Quentin, attaché naval de défense adjoint près l’ambassade de France à Londres et professeur d’histoire militaire à King’s College London.

 

Français et Anglais ont longtemps été ennemis. À quand la coopération militaire entre la France et le Royaume-Uni remonte-t-elle ?

 

Les années 1820 voient pour la première fois les armées françaises et britanniques combattre du même côté, lors de la guerre d’indépendance de la Grèce. Ce conflit marque le début d’une longue coopération opérationnelle qui ne cessera de s’intensifier. La Première Guerre mondiale cristallise cette alliance, avec notamment la création du Grand Quartier général des armées alliées le 26 mars 1918. Sous le commandement du maréchal Foch, les soldats français et britanniques combattent ensemble et se considèrent comme de véritables compagnons d’armes.

« En 1918, sous le commandement unique de Foch, les soldats français et britanniques se considèrent comme de véritables compagnons d’armes. »
Capitaine de vaisseau Julien Lalanne de Saint-Quentin
Attaché naval de défense adjoint près l’ambassade de France à Londres

 

Lors de la Seconde Guerre mondiale, Français et Britanniques combattent de nouveau dans le même camp. Comment leurs batailles communes sont-elles perçues des deux côtés de la Manche ?

 

Malgré des faits d’armes communs, les perceptions française et britannique sont parfois très différentes. Prenons un exemple : l’opération Dynamo. En 1940, les forces françaises permettent l’évacuation de 340 000 soldats britanniques, belges et français repliés sur Dunkerque à la suite de l’avancée de l’armée allemande. La perception française de cette opération, alimentée par le régime de Vichy, décrit le retrait britannique comme une trahison. À l’inverse, du côté britannique, l’héroïsme des Français a souvent été gommé même s’il a contribué à sauver de nombreux soldats britanniques du corps expéditionnaire et permis la poursuite des combats.

 

Au début de la Guerre froide, quels effets la crise de Suez aura-t-elle sur les stratégies de défense nationale française et britannique ?

 

En 1956, les troupes françaises et britanniques mènent une expédition conjointe en Égypte. Elle se solde par un échec politique en raison de la condamnation de l’opération par les États-Unis. Les Britanniques cherchent alors à renforcer leur coopération avec les Américains. Dans cette logique, ils signent avec eux les accords de Nassau en 1962 pour lier, de manière irrémédiable, leur dissuasion nucléaire à celle des États-Unis.

De l’autre côté de la Manche, l’effet est inverse : la France mène une course à l’indépendance. La crise de Suez conduit Pierre Mendès-France et les autres gouvernements de la quatrième République à accélérer le programme de dissuasion nucléaire français. Ce dernier aboutira en 1972 à la première patrouille opérationnelle du Redoutable, premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins français.

En raison de ces réponses opposées à la crise de Suez, des malentendus subsisteront entre les deux pays. Londres ne comprendra pas toujours le rôle de Paris dans l'Otan. À l’inverse, une incompréhension française persistera sur le rôle du Royaume-Uni dans la défense européenne.

 

Dans les années 1990, la France et le Royaume-Uni mènent plusieurs opérations militaires communes. Comment les deux pays en viennent-ils à créer une Force de réaction rapide bilatérale en 1995 ?

 

La première guerre du Golfe (1990-1991) et les guerres de Yougoslavie (1991-2001) ont dévoilé les limites de l’interopérabilité de la France avec le système Otan, conséquence du retrait français du commandement intégré de l’organisation en 1966. Cette prise de conscience incite les dirigeants français à investir dans leur défense pour redévelopper leur interopérabilité avec l’Otan. Cela passe par une coopération accrue avec les Britanniques.

Cette volonté culmine avec la création de la Force de réaction rapide conjointe avec le Royaume-Uni en 1995 dans le cadre de la guerre en Bosnie. Cette force bilatérale est également le fruit d’un sentiment franco-britannique partagé : celui d’avoir une responsabilité internationale. Selon les deux pays, leur siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies leur impose d’être capables d’intervenir ensemble en cas de crise.

 

Quelles sont les grandes avancées des traités de Lancaster House signés en 2010 ?

 

Tout d’abord, l’amplification des échanges de personnels français et britanniques au niveau stratégique, c'est-à-dire dans les états-majors. Depuis 10 ans, plus de 200 officiers supérieurs et généraux ont travaillé en échange des deux côtés de la Manche. Cette connaissance de l’autre, de la structure de ses forces, de ses différences culturelles et professionnelles est extrêmement précieuse pour continuer à renforcer la coopération franco-britannique.

Ensuite, ces traités bilatéraux ont donné naissance à la Force expéditionnaire conjointe franco-britannique (CJEF). Elle constitue un acquis d'interopérabilité précieux. Depuis maintenant treize ans, les forces françaises et britanniques s'entraînent ensemble sur des scénarios extrêmement exigeants.

 

Ministère des Armées
24/03/2023

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Source : www.asafrance.fr