CORONAVIRUS : Ces smicards essentiels

Posté le lundi 06 avril 2020
CORONAVIRUS : Ces smicards essentiels

Le confinement doit être strictement respecté, mais pas par tout le monde. En effet, dès le mercredi 18 mars, soit le lendemain de son entée en vigueur, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a appelé les salariés des « secteurs essentiels » à se rendre sur leurs lieux de travail pour garantir la « sécurité économique du pays ». Il leur a toutefois recommandé de prendre  leurs précautions à un moment où masques et gels hydro-alcooliques étaient plus difficiles à trouver que la Toison d’or pour Jason.

Quels étaient, pour ce représentant de l’État, ces secteurs essentiels ? Il a cité l’exemple de l’agroalimentaire, de la grande distribution ou des déchets. Il aurait pu ajouter le secteur de la santé mais il est vrai que là, tout le monde était déjà au boulot. Plus loin, il a été plus précis : « Il faut bien que nous puissions nous nourrir, que les familles françaises puissent se rendre dans les magasins de la grande distribution et acheter des produits alimentaires. Il faut que, de l’agriculteur jusqu’à la grande distribution, aux commerces de détail et aux marchés, les marchandises alimentaires puissent circuler ».

Si maintenant vous faites la liste de tous les métiers implicitement cités, vous trouvez : les agriculteurs, les ouvriers ou ouvrières des grands groupes industriels de l’agroalimentaire, les transporteurs (routiers) et les livreurs, les employés des supermarchés dont les fameuses caissières au contact étroit avec les clients, les petits commerçants et, il ne faut pas les oublier, les éboueurs. Il faut là aussi ajouter les aides-soignants ou soignantes qui travaillent à l’hôpital, dans les EHPAD ou à domicile, non cités car déjà au travail.

Immédiatement apparaît à l’esprit un point commun à tous ces métiers. Vous avez trouvé ? Non ? Il s’agit de leur faible niveau de rémunération. La plupart de ces gens là sont payés au Smic ou très peu au dessus. Donc, monsieur Le Maire a participé à la mise en lumière d’un étonnant théorème (proposition démontrable qui résulte d'autres propositions déjà posées) dont il n’est certes pas à l’origine mais que l’on peut énoncer ainsi : « Les métiers les plus essentiels à la vie du pays sont les plus mal payés ».

Cette crise pourrait être l’occasion de prendre en considération l’importance sociale des différentes professions. Comment la définir ? Rien de plus simple : pour savoir si un métier est essentiel ou non, il suffit d’imaginer les conséquences sociétales de sa disparition. Aujourd’hui, l’enseignement est clair : les métiers essentiels sont ceux qui nous permettent de continuer à vivre. Parallèlement, les titulaires des métiers les mieux payés nous apparaissent parfois bien inutiles et leurs rémunérations exorbitantes.

 Peut-être, à l’issue de cette crise, pourrait-on réétudier la « hiérarchie » sociale des métiers, en accord avec nos valeurs et relativement à leur utilité réelle ? Il faudrait alors procéder à une réindexation des salaires qui leur sont attachés en prenant également en compte les sujétions qui leurs sont liées, leur pénibilité et les risques encourus. Dans ce cas, il faudrait inclure dans ce réexamen les forces de sécurité en général et, en particulier, les militaires, car, d’une part elles font partie de ces secteurs essentiels à la Nation et d’autre part, si l’on ramène le salaire de ceux qui y servent sans limite de temps journalier, hebdomadaire ou mensuel, à un taux horaire, on s’aperçoit que celui-ci est bien inférieur à celui du Smic.

 

 Gilbert ROBINET
Secrétaire général de l’ASAF

Diffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr