CORONAVIRUS : L’Europe de la défense à l’épreuve du coronavirus

Posté le vendredi 15 mai 2020
CORONAVIRUS : L’Europe de la défense à l’épreuve du coronavirus

Alors que la crise risque de réduire les budgets militaires, Paris plaide pour un Fonds européen de défense « significatif ».

 

OTAN

Le général d’armée aérienne du Royaume-Uni, Sir Stuart Peach, a été très clair : « Notre résilience est testée. » Pour ce militaire de haut rang qui préside le comité militaire de l’Alliance atlantique, « l’épidémie du covid-19 a bouleversé le “système” et elle aura des conséquences à long terme pour chacun d’entre nous, y compris l’Otan », a-t-il déclaré en ouverture d’une réunion, jeudi, de cette instance de premier plan. Elle réunit les chefs d’état-major des trente pays membres. Si la crise sanitaire ne fait pas partie des missions prioritaires de l’Otan, l’épidémie l’a mise à l’épreuve. De la même manière, elle a mis au défi l’Europe de la défense balbutiante.

L’épidémie constitue « le deuxième choc majeur » pour la défense en Europe en dix ans, soulignent notamment les chercheurs de l’institut berlinois DGAP dans une note publiée en avril. La crise financière de 2008 avait déjà coûté très cher au secteur, avec un recul des dépenses militaires de 24 milliards d’euros (soit 11 %). Au-delà de la crise sanitaire, le choc économique à venir postcoronavirus menace d’ébranler la remise à niveau de l’appareil militaire des pays européens. La récession à venir pourrait contrecarrer les efforts budgétaires qui devaient conduire tous les pays membres de l’Alliance à consacrer 2 % de leur PIB à leur défense d’ici à 2024.

« Il est essentiel de s’en tenir aux objectifs prévus », a lancé la ministre de la Défense allemande Annegret Kramp-Karrenbauer dans une tribune publiée par le Financial Times. Mauvais élève financier de l’Otan, l’Allemagne avait entrepris de relever ses dépenses avant la crise. Dans son texte, elle réaffirme l’attachement de son pays à l’Alliance atlantique en n’évoquant que de manière allusive le « pilier européen » de la défense collective. Une timidité qui peut agacer ceux qui doutent de l’engagement allemand en faveur d’une défense européenne plus assumée.

 

Fer de lance 

À Paris, on refuse toujours d’opposer l’Otan et l’Europe de la défense. Mais la concurrence n’en guette pas moins. À côté de l’Alliance, qui a su mettre en lumière ses actions dans la lutte contre le virus, la « task force » mise en place par l’UE pour mettre en commun ses moyens militaires n’a pas su communiquer, déplore-t-on à Paris.

Face aux « démonstrations de puissance et d’influence », il est « indispensable de pouvoir se retrouver à l’échelon européen pour faire avancer l’idée d’autonomie stratégique dans tous les domaines, que ce soit dans les opérations ou dans le domaine industriel », a souligné la ministre des Armées Florence Parly lors de son audition, lundi, devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale. Elle était notamment interrogée sur le message qu’elle allait porter le lendemain auprès de ses homologues européens réunis pour un Conseil des ministres de l’Union.

Alors que l’Europe de la défense constitue le fer de lance de la vision française en matière de construction européenne, la crise du coronavirus va constituer un choc décisif. « Nous aurons l’occasion de tester l’ambition des Européens lorsque le cadre financier pluriannuel sera à nouveau discuté », a souligné la ministre lundi en s’inquiétant de l’avenir du Fonds européen de défense. Initialement prévu pour être doté de 13 milliards d’euros, ce fonds, qui concrétisait le volontarisme industriel européen, pourrait être remis en cause par la crise et la récession qui s’annoncent. Avant l’épidémie, une proposition à 7 milliards d’euros avait été mise sur la table. Inacceptable pour Paris. Devant ses homologues, la ministre a rappelé la dimension stratégique d’un tel fonds. « Nous devons être sur des montants significatifs », souligne-t-on au ministère des Armées.

Pour faire avancer concrètement l’Europe de la défense, Paris pousse aussi le format très opérationnel de l’Initiative européenne d’intervention (IEI). Pour contrer une deuxième vague de l’épidémie, les neuf États qui y participent ont ainsi promis de coordonner leurs capacités et de partager leurs informations. Une réunion des états-majors est prévue le 4 juin. Pour Paris, c’est le signal d’une volonté d’avancer.

 

Nicolas Barotte
Le Figaro
15 mai 2020

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

 

Source : www.asafrance.fr