CORONAVIRUS : Le Politique et le mandarin

Posté le mercredi 25 mars 2020
CORONAVIRUS : Le Politique et le mandarin

Il existe une grande similitude entre la façon dont le Politique a géré les premiers mois de la Grande Guerre et celle dont notre gouvernement fait face à la crise sanitaire du Covid 19.

« En démocratie, la règle veut que le pouvoir civil commande au pouvoir militaire, mais à l’heure du danger, le GQG[1]considère qu’un tel régime est un luxe que la nation ne peut se payer[2]. » C’est ainsi, nous rappelle le général Elrick Irastorza[3],  « qu’au cours de l’été 1914, le Politique, face à l’ampleur de la menace et des responsabilités qu’il n’avait plus guère le cœur d’assumer s’effaça. Alors, le commandant en chef dirigea avec les moyens que le Politique lui avait transférés. » L’un des poncifs que dénonce le général Irastorza dans son livre réside dans l’idée que, jusqu’à ce que Clemenceau y remette bon ordre, les militaires ont dépossédé le pouvoir politique de ses prérogatives constitutionnelles. En vérité, le Politique s’était dépossédé lui-même.

Aujourd’hui, dans le contexte de la nouvelle guerre que nous menons face à un ennemi invisible, le président de la République et le gouvernement disent guider leur action en s’appuyant sur la science en qui « ils font confiance ». Concrètement, un Conseil scientifique a été installé au ministère de la Santé le 11 mars. Composé de onze experts multidisciplinaires (infectiologues, chercheurs et professeurs de médecine, spécialistes en sciences humaines et modèles mathématiques), il assiste l’exécutif dans sa prise de décision, ce dernier se vantant d’ « écouter ceux qui savent ».

Cependant une formule lâchée par le Premier ministre ne laisse pas d’inquiéter. En effet, répondant aux propos de madame Agnès Buzyn qui, dans le journal Le Monde daté du 17 mars, déclarait avoir, en tant que ministre de la Santé d’alors, averti d’abord le directeur général de la Santé dès le 20 décembre 2019, puis le Premier ministre le 11 janvier 2020, du danger que représentait le coronavirus, ce dernier a déclaré dans le journal télévisé de 20 heures, sur France 2, le mardi 17 mars : « Au moment où Agnès Buzyn nous a avertis de cette situation, les experts scientifiques n'étaient pas de cet avis ». L’aveu est clair : entre l’avis de sa ministre et celui des experts, le Premier ministre a opté pour les experts.

Ce faisant, ce responsable politique a oublié deux choses. D’une part, il est le chef du gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation conformément à l’article 20 de la Constitution. C’est à lui que revient la décision. D’autre part, si, après la crise, les Français demandent des comptes, ce ne sera pas aux médecins qui sortiront grandis de cette épreuve, mais à lui.

Il n’est pas interdit à un chef d’étayer sa décision avec des avis d’experts. En guerre, dans un état-major opérationnel, le chef militaire est entouré de spécialistes de l’artillerie, du génie, de l’appui aérien, des télécommunications, de la logistique, etc. Mais lorsqu’il prend sa décision, celle-ci lui revient à lui et à lui seul et, en cas d’échec de sa manœuvre, il ne peut se retrancher derrière l’avis de tel ou tel. La victoire comme la défaite ne se partagent pas.

 

Gilbert ROBINET
Secrétaire général de l’ASAF

Diffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

[1] GQG : Grand quartier général. Nous somme là au cours de l’été 1914.

[2] Jean Yves Le Naour-1914, La grande illusion –Perrin 2012-page 333.

[3] Général Elrick Irastorza-La tranchée des poncifs-Edition Pierre de Taillac-2019-page 352.

Source : www.safrance.fr