COVID : Le virus, le vaccin et le chef

Posté le vendredi 26 mars 2021
COVID : Le virus, le vaccin et le chef

Pour honorer la fonction qui est la sienne, pour accomplir tout ce dont il est capable, pour donner tout ce qu’il peut donner, pour remplir son devoir, l’être humain a pour premier devoir, précisément, de se maintenir en bonne santé.

Avant tout, « le sapeur se doit de fortifier son corps et de se garder de tout ce qui pourrait nuire à sa  santé » pouvait-on lire dans le manuel du capitaine Hamon, du régiment de sapeurs-pompiers de Paris, dans les années d’avant-guerre.

Dès lors, le débat consistant à savoir si le président de la République ou un ministre en charge d’un portefeuille régalien important, bien que n’étant pas dans la tranche d’âge prévue, pouvait ou devait se faire vacciner contre la Covid apparaît complètement surréaliste.

S’est-on posé la question de savoir si le commandant et les membres des équipages des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, qui doivent assumer une permanence à la mer qui ne souffre pas une seconde de suspension et être prêts à tout moment à délivrer le feu nucléaire, étaient vaccinés ? Pour ma part, et après l’épisode du porte-avions Charles de Gaulle qui, en mai 2020, a vu les 2/3 des membres de son équipage positifs au virus et sa mission écourtée, j’espère que oui et cela bien qu’ils soient en majorité jeunes voire très jeunes.

C’est en rangs serrés que, dès le premier vaccin disponible, le président de la République et tous les membres du gouvernement auraient dû se faire vacciner et cela pour deux raisons : continuer à exercer leur fonction réputée majeure voire vitale pour un pays déclaré en guerre, c’est le principe de la continuité de l’État, et pour donner l’exemple à l’ensemble de leurs concitoyens alors réticents au regard de la vaccination.

La grippe espagnole est apparue au  printemps 1918 avec une première flambée au début de l’été. Il n’existait évidemment pas de vaccin, les premiers essais avec des sérums improbables et non performants ayant eu lieu courant 1919. Mais s’il y en avait eu un seul et quelle que fut son origine (sauf peut-être allemande), il ne fait guère de doute que Georges Clemenceau ,76 ans, et Ferdinand Foch, 66 ans, se seraient fait vacciner, car de leur capacité à assumer leur fonction dépendait la survie du pays.

A contrario, tous les historiens sont à peu près d’accord pour constater que Napoléon était malade lors de la bataille de Waterloo et que, toute la journée, il est resté dans une sorte d’apathie, très en retrait des opérations. Il n’est évidemment pas démontré que sans cette méforme, il aurait gagné la bataille, mais cela a certainement amoindri ses éminentes capacités traditionnelles de stratège et de tacticien. Ainsi, on peut admettre que, dans certaines circonstances, à un moment donné, la santé d’un responsable des destinées de notre pays puisse fixer  le destin de celui-ci.

Certes, dans une situation de relative pénurie de vaccins, il convient de fixer des priorités en ciblant des catégories socioprofessionnelles très précises de personnes à vacciner d’urgence comme  les personnes âgées, les soignants, les enseignants ou les forces de sécurité. Mais, pour ces derniers corps de métier, il serait assez incompréhensible que leurs chefs, les ministres de la Santé, de l’Éducation nationale ou de l’Intérieur soient les seuls agents de ces ministères à ne pas être vaccinés.

 Oui, mais alors quelles sont les limites du périmètre de ces personnes dont la bonne santé est essentielle au fonctionnement normal de l’État ? Ne risque-t-on pas d’en dresser une liste d’une exceptionnelle longueur ?  Pour répondre à cette question, il suffit d’appliquer ce que je nomme « le théorème du blocage institutionnel ». Cela consiste à dresser la liste de toutes les personnes qui, si elles étaient atteintes simultanément par le virus et n’étaient plus en capacité d’exercer leur fonction, entraîneraient, de facto, la paralysie de l’État.

Ces très hauts responsables ne sont pas légion. On pense à l’exécutif, aux présidents des deux assemblées, aux chefs d’état-major des Armées et des trois armées ainsi qu’au directeur de la Gendarmerie, aux préfets de police des grandes métropoles, au général commandant la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et à quelques autres .. Pour toutes ces personnes, non seulement la question de savoir s’ils pourraient être vaccinés en priorité ne devrait pas se poser, mais elles devraient avoir l’obligation de se soumettre immédiatement au vaccin comme d’ailleurs le personnel hospitalier qui est devenu, à travers la Covid, le premier vecteur de transmission de maladies nosocomiales à l’hôpital.

Je préfèrerais entendre l’homme de la rue, victime d’une certaine forme de démagogie, crier au scandale parce qu’un ministre de 56 ans a été vacciné avant des personnes de 75 ans que de lire dans la presse qu’un sommet bilatéral à Washington, vital pour la coopération militaire entre la France et les États-Unis, a du être interrompu, le ministre des Armées français et le chef d’état-major des Armées ayant dû, tous les deux, être hospitalisés sur place pour cause de Covid.

Le mot chef vient du latin caput qui signifie la « tête » et qui justifie que, de nos jours encore, un chapeau soit aussi un couvre-chef. Le chef est, en effet, celui qui est à la tête de quelque chose, qui dirige ou qui détient l’autorité suprême. Un chef n’est pas interchangeable. On ne peut pas le remplacer au pied levé par un sous-chef ou « faisant fonction » car son autorité repose sur des compétences et une expérience acquises dans le temps et, cela est souhaitable et souvent le cas, par un charisme qui lui est propre.

On trouve généralement amusante la formule qui, sous la forme de la dérision, appelle  à « sauver nos élites ».  Pourtant, imaginons un instant que, dans la situation dans laquelle nous vivons depuis un an, la France n’ait plus de chefs d’aucune sorte. Où en serions-nous ? Alors oui, aujourd’hui, il n’est moins rien que superflu de protéger nos chefs à tout prix et, en l’occurrence,  celui d’un vaccin n’est pas trop cher payé.

 

Gilbert ROBINET
Secrétaire général de l’ASAF

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
Retour à la page actualité

Source : www.asafrance.fr