COVID : Les Armées ont-elles été sous-employées durant la crise Covid ?

Posté le mercredi 24 mars 2021
COVID : Les Armées ont-elles été sous-employées durant la crise Covid ?

LA QUESTION.

En Allemagne, la Bundeswehr est engagée contre la pandémie dans « sa plus importante mission » sur le territoire national. En Italie ou au Royaume-Uni, des généraux supervisent la campagne de vaccination. Aux États-Unis, c'est la Garde nationale qui est mobilisée. Mais en France, les armées semblent en retrait ou moins visibles qu'ailleurs 

Ont-elles été sous-employées dans la crise, et notamment pour le « plan de vaccination », comme le suggérait ce lundi sur LCI l'économiste Nicolas Bouzou ? Selon un sondage Elabe pour BFMTV, 40% des Français souhaiteraient qu'elles en fassent davantage, 52% jugeant qu'elles devraient conserver leur niveau d'implication actuel. Pour 8%, elles devraient en faire moins. Mais qu'ont fait réellement les armées durant la pandémie ? Et est-ce suffisant ?

VÉRIFIONS.

Avec 205 782 soldats et un budget de 48,3 milliards d'euros en 2020, l'armée française ne manque pas de moyens. Mais les masses sont trompeuses. Le service de santé des Armées (SSA) ne représente que 7 594 personnes et son budget 1,4 milliard d'euros. Victime de restrictions budgétaires durant les décennies précédentes, le SSA est sous tension et manque déjà de médecins pour assurer sa mission première : apporter un soutien médical opérationnel aux forces. Avant de pouvoir se tourner vers d'autres opérations, le SSA doit y consacrer les capacités suffisantes. Or les armées sont déjà largement sollicitées : au Sahel, au Levant, en Méditerranée, sur le territoire national avec « Sentinelle » Hors de question de fragiliser ces opérations en réduisant leur soutien du SSA.

Avant d'être mobilisées sur le territoire national, les armées s'en tiennent à la règle des « 4 i » : c'est-à-dire quand les moyens civils sont « inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles ». Pour autant, l'armée française a bien été mise à contribution dès le premier confinement, symbolisant l'état de guerre contre le virus. L'opération « Résilience » a mis à disposition des préfets des moyens militaires sur demande spécifique. Un « Élément médical de réanimation » a notamment été installé à Mulhouse de mars à mai pour soulager l'hôpital local débordé. Cet hôpital militaire de haut niveau, offrant les mêmes capacités de réanimation qu'une structure en dur, a accueilli 47 patients. Une partie de la structure de l'EMR a ensuite été adaptée pour être déployée à Mayotte. Après une interruption, il fonctionne encore et accueille une dizaine de malades. Construire un autre hôpital de campagne n'aurait pas été possible. Le SSA ne dispose pas d'un hôpital militaire « prêt à l'emploi ». Il s'agit d'un vide capacitaire assumé au sein de l'état-major.


La règle des « 4i »

Les armées ont développé d'autres capacités, notamment celles d'évacuations sanitaires, permettant de rapatrier un nombre restreint de blessés dans des conditions optimales. Adaptés au contexte de pandémie, ces modules « Morphée » ont été mis à contribution pour évacuer des patients Covid durant le premier confinement. 36 personnes en ont bénéficié. Ces évacuations ont été complétées puis remplacées par d'autres dispositifs au printemps dernier, notamment par train. Aujourd'hui, les évacuations sanitaires d'urgence ne constituent plus la solution à la pandémie.

L'heure est à la vaccination. Mais il n'est pas question pour les armées de se substituer au système civil. « Le SSA n'est pas un service de santé bis », a prévenu ce week-end sur BFMTV, le chef d'état-major des armées, le général Lecointre. La contribution des armées va se concentrer sur la mobilisation de ses huit hôpitaux d'instruction (HIA) : Bégin et Percy, près de Paris, Laveran à Marseille, Sainte-Anne à Toulon, Clermont-Tonnerre à Brest, Desgenettes à Lyon, Legouest à Metz, Robert-Picqué à Bordeaux. Ceux-ci pourront se transformer en centres de vaccination permanents, notamment dans les régions où le virus circule le plus activement. Depuis le début de la crise, ces HIA ont admis plusieurs milliers de patients Covid en réanimation : s'ils se tiennent en alerte pour recevoir des soldats en cas de nécessité, ils sont ouverts aux civils.

Reste la question de la logistique pour organiser la réponse à la pandémie : livraison de masques l'année dernière, de vaccins aujourd'hui. Conformément à la règle des « 4 i », les armées ont été largement sollicitées pour soutenir les territoires d'outre-mer : livraison de réfrigérateurs, de matériels médicaux, de vaccins, comme dernièrement à Saint-Pierre et Miquelon. L'île a reçu 9 500 doses. En métropole, le gouvernement n'a pas fait le choix jusqu'à présent de faire appel aux compétences des militaires. L'état-major s'en satisfait. « Je ne vois pas ce qu'ajouterait de désigner un militaire spécifiquement », a commenté le général Lecointre en estimant que les moyens des armées étaient aujourd'hui employés « en bonne proportion ». Dans un contexte de crises mondiales multiples, il ne manque pas d'autres sujets de préoccupation. De son point de vue, les armées en font assez, pour l'instant, face au virus. Pour le symbole, il pourrait en aller autrement.



Nicolas BAROTTE
Le Figaro

S
ource et légende de la photo :
Covid-19 : première évacuation sanitaire vers l’Allemagne à bord d'un NH90 des Armées françaises. Deux patients atteints du Covid-19 ont été transférés de Metz à Essen (Allemagne), samedi 28 mars 2020, dans le cadre de l'opération Résilience.
Crédits : Julien CHATELLIER

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
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Source : www.asafrance.fr