DÉFENSE EUROPÉENNE : A propos de la publication du général Jean COT.

Posté le jeudi 28 février 2019
DÉFENSE EUROPÉENNE : A propos de la publication du général  Jean COT.

A PROPOS DE LA PUBLICATION DU GENERAL JEAN COT SUR LA DÉFENSE DE L’EUROPE

Le Général d’Armée (cr) Jean COT a publié récemment sur le site de l’ASAF un document très argumenté et tout à fait clair sur la défense de l’Europe, sujet qui est au cœur des réflexions d’un Groupe de Travail du Cercle de Réflexion Interarmées (CRI).

Cet article suscite notre réflexion et l’auteur ne se formalisera pas que nous ouvrions la discussion sur ce sujet vaste et complexe. Si l’argumentation du Général COT nous paraît d’une logique irréfutable, quelques points méritent discussion ou approfondissement.


LE DÉSENGAGEMENT AMÉRICAIN

Affirmer que les critiques de Donald Trump recouvrent une réalité politique et stratégique sur laquelle un futur président des États-Unis ne reviendrait pas, bref une tendance lourde de la politique américaine, nous paraît discutable.

Certes, sous les présidences précédentes, la priorité de l’effort de défense américain s’est progressivement réorientée vers la zone Pacifique et vers le Moyen-Orient et le Président Trump n’a fait qu’accentuer ce qui ressemble à un désintérêt pour l’Europe. Mais il faut tout de même remarquer qu’après les propos très négatifs prononcés par le Président américain sur l’OTAN très vite après son élection, le Secrétaire d’Etat et le Général Mathis se sont cru obligés de démentir le discours présidentiel dans les jours suivants. Or ces deux ministres, qui certes ont changé depuis, traduisent la pensée de la « deep administration » américaine bien davantage que celle du nouveau et fantasque président qui, en l’occurrence, s’adressait à son opinion publique davantage qu’à ses alliés européens.

Si les Américains souhaitent, à juste titre, que leurs alliés européens participent davantage à l’effort de défense de leur continent, cela ne signifie pas pour autant qu’ils accepteraient l’émergence d’une puissance militaire européenne indépendante de leur pouvoir et de leur influence.

La plupart des alliés européens restent d’ailleurs très attachés à l’engagement militaire américain au profit de la défense de l’Europe et la Pologne comme les Pays baltes sont devenus, au mépris de toute prudence, des positions avancées de l’OTAN sous la pression américaine.

 

En d’autres termes, la limitation des moyens militaires américains en Europe pour des motifs budgétaires et en raison d’un engagement important de leurs forces sur d’autres théâtres ne préjuge pas d’un regain d’intérêt en cas de crise en Europe et encore moins d’une renonciation au statut de puissance dominante et de grand décideur au sein de l’OTAN.


L’OTAN ET LA DÉFENSE EUROPÉENNE

Le Général COT souhaite « tuer l’OTAN » pour faire émerger une défense européenne. Ce souhait se heurte à deux écueils.

Le premier, c’est que le seul pays qui puisse « tuer l’OTAN », ce sont les États-Unis eux-mêmes, or pour les raisons développées ci-dessus, il n’y a, à notre sens, aucune raison pour qu’ils souhaitent le faire.

Le second réside dans le fait que l’Union Européenne ne serait pas en mesure, dans les circonstances actuelles, de créer ce que le Général COT, dans sa critique des propos du Général de Villiers, considère comme l’OTAN sans les États-Unis.

Non, l’OTAN, ce n’est pas simplement « un quartier général- le SHAPE-, des états-majors de corps d’armée… ». L’OTAN, c’est d’abord un organe politique et ensuite des états-majors intégrés. Or c’est justement ce qui manque à l’UE, qui ne dispose pas d’un tel organe politique ayant la légitimité pour diriger une armée européenne et engager des forces sur un théâtre d’opérations intérieur ou extérieur pour la bonne raison qu’il n’y a pas de consensus entre les États européens sur ce sujet. Dans toutes les négociations européennes en matière de défense, la France a toujours été très isolée dans sa volonté de progresser vers une puissance militaire européenne qu’elle avait ellemême condamnée dans le passé.

A cet égard, nous nous sentons plus proches des positions du Général de Villiers lorsqu’il écrit que l’armée européenne est un rêve dans les circonstances actuelles.

On peut d’ailleurs se demander si une coalition dotée d’un outil militaire intégré dès le temps de paix, comme l’OTAN qui constitue à cet égard, une première dans l’histoire, serait viable sans l’existence d’un pays dominant dans cette alliance.

S’il devait un jour exister un pouvoir politique à la tête d’une Europe fédérale ou confédérale, alors il pourrait y avoir une armée européenne, mais cela ne paraît pas inscrit dans les astres à horizon de dix ans.

En attendant, rien n’empêche que les pays de l’Union Européenne, ou du moins certains d’entre eux, décident d’une montée en puissance des moyens qu’ils consacrent à leur défense. Encore fautil que ces moyens accrus soient coordonnés afin de dégager des synergies et des complémentarités. Dans le même temps, il serait nécessaire de mettre sur pieds un état-major et une structure de décision politique qui pourrait être le Conseil Européen dans sa formule actuelle, à condition que ses membres soient unanimes. Sinon, il faudrait en créer une autre.

Pour demeurer réalistes, disons qu’un embryon de défense européenne à 5 ou 6 pourrait constituer les prémices d’une défense européenne susceptible de compléter, voire à terme de suppléer l’OTAN, à condition d’être fondé sur un traité contraignant qui légitimerait l’instance politique chargée d’ordonner l’engagement des forces. Mais bien des obstacles resteraient à surmonter pour atteindre un tel objectif limité.

Le but de ces efforts de défense de l’Europe serait de se tenir prête à prendre le relais de l’OTAN si un jour les États-Unis décidaient de mettre un terme à son existence et sinon de reconquérir une part de son autonomie et de son poids politique face à Washington.

 

Georges d'HARCOURT
Groupe de travail Défense de l'Europe
du CRI


Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

 

Source : www.asafrance.fr